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Bataille chiffrée sur les arrêts maladie

Actualités | publié le : 29.11.2011 | VIRGINIE LEBLANC

À la recherche d’économies tous azimuts, le gouvernement a lancé une offensive contre les abus des arrêts maladie. Médecins et syndicats dénoncent une suspicion généralisée à l’égard des salariés malades. D’autant que pour eux, les chiffres mis en avant par les pouvoirs publics sont contestables, ou reflètent une réelle souffrance au travail.

Le gouvernement, après avoir envisagé de modifier le calcul des indemnités journalières puis d’instaurer un quatrième jour de carence dans le privé, a été contraint de reculer sur ces deux mesures, considérées comme injustes.

Un groupe de travail, réuni autour de Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, planche sur une solution de substitution afin de réaliser l’économie de 200 millions d’euros escomptée par le gouvernement. C’est à condition qu’une autre mesure soit trouvée que l’allongement du délai de carence dans le privé sera abandonné.

Tendance à la hausse

Les indemnités journalières maladie représentent 6,6 milliards d’euros en 2010, en augmentation de 3,9 %, après 5,1 % en 2009, « un rythme élevé et difficilement justifiable », selon le gouvernement. Sur un plus long terme, le taux d’évolution des IJ maladie avait régressé entre 2004 et 2006, après avoir fortement augmenté en 2002 (13,3 %) et 2003 (5,6 %). Depuis 2006, la tendance est à la hausse. Pourtant, selon la Cnam, en 2010, 6,7 millions d’arrêts de travail ont été prescrits, revenant au même niveau que 2008, après une hausse à 7,1 millions en 2009. En tout état de cause, la lutte contre les arrêts de travail injustifiés est devenue une priorité de l’assurance maladie : en 2010, les contrôles ont progressé de 50 % par rapport à 2007, pour atteindre 2,34 millions d’arrêts de travail contrôlés, dont 240 000 arrêts de courte durée, réalisés lorsque des arrêts sont répétés sur les douze derniers mois. Selon la Cnam, 398 millions d’euros d’économies directes ont été réalisées grâce à l’arrêt du versement des indemnités journalières.

Doute systématique

Si les médecins ne contestent pas la nécessité des contrôles, ce qui passe mal est l’introduction par le gouvernement d’un doute systématique sur le bien-fondé des arrêts de travail et la façon d’interpréter les résultats de ces contrôles. En 2008, la Cnam avait en effet constaté que 13 % des 285 000 arrêts de courte durée étaient « injustifiés ou trop longs », et 11 % des 1,2 million d’arrêts de plus de 45 jours. Des données qui peuvent être lues comme une approbation des prescriptions des médecins dans près de 90 % des cas. Et ces résultats font débat : « Ce chiffre de 13 % de fraude est pour nous une estimation sans validation scientifique. Il nous paraît surestimé. Les médecins conseils ont plutôt intérêt à diminuer le nombre de jours d’arrêts de travail », remarque Gérard Lucas, médecin du travail, au nom du Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST).

« La fraude concerne très peu de médecins et de salariés, elle représente 0,1 % des prestations sociales ; c’est mineur, même si c’est toujours trop, complète Claude Leicher, président du syndicat de médecins généralistes MG France. De plus, le désaccord porte sur la durée des arrêts de travail et sur la poursuite éventuelle des arrêts, mais pas sur leur justification, et il faut rappeler que la Sécurité sociale contrôle a posteriori, tandis que le médecin fait une prescription a priori en fonction de son expérience et des conditions de travail dont il a connaissance. A posteriori, il est normal que des désaccords existent. »

Pour les médecins, les arrêts maladie sont prescrits pour permettre aux salariés de se rétablir et être capables de reprendre le travail dans de bonnes conditions. En outre, « il n’existe pas d’étude montrant une corrélation entre la prise en compte de la carence et la fréquence ou la durée des arrêts de travail », affirme le docteur Claude Leicher.

Inégalités entre salariés

Selon le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), l’instauration d’un nouveau jour de carence dans le privé aurait aussi pour conséquence d’aggraver les inégalités entre salariés en fonction de leur couverture extra-légale (lire ci-contre). Un argument aussi avancé par Pierre Méhaignerie, pour qui il était « injuste que 35 % des salariés du privé non couverts par une convention collective ou un accord d’entreprise soient touchés par cette mesure ». « Il faut arrêter d’avoir un regard suspicieux sur les salariés et les médecins. Les évolutions des IJ sont en partie liées aux situations de travail dégradées, et notamment aux TMS, analyse Jean-François Naton, représentant de la CGT à la Cnamts. Il faut donc travailler sur les origines de ces arrêts. Les causes psychiques pèsent aussi, mais nous n’avons pas de données précises. Nous demandons ce travail à la Cnam, pour tirer des analyses du développement d’arrêts courts à répétition, qui peuvent être interprétés comme des signes de mal-être au travail. "

Durée des arrêts en 2010

→ 37 % des arrêts maladie étaient d’une durée inférieure à 8 jours ;

→ 22 % de 8 à 14 jours ;

→ 15 % de 15 jours à un mois ;

→ 15 % de 31 à 90 jours ;

→ 11 % au-delà de 90 jours.

Source : Cnamts.

Auteur

  • VIRGINIE LEBLANC