logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Actualités

Seniors : les améliorations ne sont pas au rendez-vous

Actualités | publié le : 22.11.2011 | CAROLINE FORNIELES

Image

Seniors : les améliorations ne sont pas au rendez-vous

Crédit photo CAROLINE FORNIELES

Les seniors au travail sont très nostalgiques de la retraite à 60 ans, comme le constate notre 11e baromètre seniors. Ils témoignent d’une nouvelle dégradation de leurs conditions de travail, d’un accès à la formation toujours réduit, et n’observent aucun effet concret des accords seniors obligatoires.

Examinée à partir du 6 décembre par le Parlement, la mesure annoncée avec le nouveau plan de rigueur et qui doit accélérer d’un an la réforme des retraites ne devrait pas être bien accueillie par les seniors, qui n’ont toujours pas digéré l’abandon de la retraite à 60 ans. Car les 2 741 salariés âgés interrogés par notre baromètre** entre mi-octobre et fin novembre sont formels : alors que seuls 15 % des répondants savent qu’ils vont pouvoir liquider à 60 ans, 57 % aimeraient toujours pouvoir le faire. Depuis la création du baromètre en 2005, ils n’ont jamais été aussi nombreux à s’accrocher à ce repère : c’est l’âge souhaité de 60 % des 55-60 ans.

À l’inverse, les seniors semblent avoir fait leur deuil des préretraites. Alors que la moitié d’entre eux rêvait de partir avant 60 ans en 2005, seul un quart le souhaite encore aujourd’hui (24 %). Par contre, ils sont peu nombreux (23 %) à envisager de prolonger leur activité au-delà de l’âge légal de la retraite.

Au vu de leurs annuités, les générations nées entre 1951 et 1956, âgées entre 55 et 60 ans, savent qu’elles partiront entre 60 ans et 65 ans : parmi elles, 19 % liquideront encore à 60 ans, 19 % à 61 ans et 16 % à 62 ans. Parmi les 50-54 ans, nés entre 1957 et 1961, 30 % comptent pouvoir partir à 62 ans, nouvel âge de départ à la retraite.

Reste qu’un an après la promulgation de la loi Woerth, un quart des salariés de plus de 45 ans « ne savent toujours pas à quel âge ils pourront partir ». La proportion atteint même 40 % parmi les 50-54 ans. Les seniors ont du mal avec la complexité de règles amenées à évoluer de nouveau. L’incertitude sur le flux des départs qui en découle a aussi de quoi inquiéter les DRH.

Face à ce flou, le baromètre montre que très peu de salariés (20 %) se voient proposer par leur DRH des bilans retraites, qui pourraient pourtant leur donner plus de visibilité.

Dégradation de la vie au travail

La forte nostalgie de la retraite à 60 ans prend sûrement sa source dans la perception d’une dégradation constante de leurs conditions de travail. La rigueur imposée par la crise dans l’entreprise paraît toucher plus particulièrement les seniors. En effet, ils n’ont jamais été aussi nombreux (59 %) à les juger difficiles. Ce sont 2 % d’insatisfaits de plus qu’en juin 2010 et 8 % de plus qu’en 2005. La tranche d’âge des 50-54 ans est la plus mécontente (63 %), et ce taux atteint 73 % parmi les ouvriers ! La prévention de la pénibilité reste donc un chantier prioritaire pour cette catégorie professionnelle. En outre, comme les années précédentes, plus d’un tiers des répondants (36 %) témoignent de l’existence de harcèlement moral lié à l’âge dans leur entreprise.

La rigueur imposée par la crise paraît toucher plus particulièrement les seniors dans l’entreprise. En effet, sur le front des rémunérations, la situation se détériore également : 77 % n’ont pas reçu d’augmentation individuelle depuis trois ans contre 66 % en 2005. Une situation qui concerne plus de 80 % des ouvriers et employés.

Peu de perspectives de carrière

Les perspectives de carrière se réduisent aussi pour les seniors. Quelque 84 % indiquent n’avoir pas bénéficié « de promotion, de changement de poste, ou d’affectation sur un projet ». Ils étaient 71 % en 2005. Les ouvriers sont particulièrement oubliés (90 %). « L’absence de promotion explique sans doute en partie la faiblesse des augmentations individuelles, commente Phillippe Perret, directeur général du cabinet de recrutement Menway. Confronté à des enveloppes d’augmentations réduites du fait de la crise, le DRH a tendance à privilégier la rémunération de plus jeunes qu’il a besoin de retenir. Les seniors sont en effet moins enclins à quitter l’entreprise. »

Cette dégradation de la vie au travail des salariés âgés devait être combattue par les plans et accords seniors imposés en 2009 aux entreprises. Mais, sur le terrain, leurs effets restent imperceptibles. Ainsi, 83 % des répondants indiquent n’avoir pas connaissance de mesures prises dans le cadre d’un plan de maintien dans l’emploi des seniors. La formation professionnelle, pourtant affichée dans les plans et accords comme une priorité, se réduit comme une peau de chagrin. Comme les années précédentes, seuls 30 % disent avoir bénéficié d’une formation depuis trois ans. Soit trois fois moins que la moyenne des salariés.

Le bilan de carrière négligé

Dernière carence majeure relevée par ce baromètre : le bilan de seconde partie de carrière, pourtant obligatoire pour les plus de 45 ans depuis la loi du 24 novembre 2009, reste largement lettre morte. En effet, 82 % des seniors indiquent n’en « avoir pas bénéficié ». Plus grave : les 18 % qui s’y sont soumis déplorent à 65 % que « les résultats des entretiens n’aient pas été utilisés ».

Un constat très décevant pour cet entretien qui devait être le pivot de la politique seniors dans les entreprises et était considéré comme une des mesures des plans et accords seniors les plus simples à mettre en œuvre. « Les employeurs ont semble-t-il répondu à la contrainte de façon formelle, mais ne se sont pas encore véritablement saisis des opportunités qu’apportent ces bilans », déplore Philippe Perret. Éric Charrier, directeur général d’Horemis – dont l’activité consiste précisément à conduire ce type de bilans dans les entreprises – se demande néanmoins « s’il n’y a pas aussi un déficit de communication de la part des DRH qui auraient mis en place le dispositif sans informer suffisamment les managers et les salariés seniors de son existence et de son intérêt ».

Éric Charrier juge essentiel de rappeler que ces bilans ouvrent des perspectives au salarié et à l’employeur : « Ils permettent au salarié de s’interroger à 45 ans sur la façon dont il envisage de passer les quelque dix-sept années d’activité qui lui restent. La nécessité de la formation – sous-utilisée, comme le montre le baromètre – découle souvent de cet entretien et des perspectives qu’il ouvre. En exploitant ces bilans, les DRH sont forcément conduits à s’interroger sur la manière dont ils pourront utiliser au mieux les compétences de leurs seniors mais aussi sur la place nouvelle qu’ils peuvent prendre dans une organisation future. »

Ce nouveau baromètre permet de mesurer le chemin qu’il reste à parcourir pour donner une vraie place aux seniors, qu’on souhaite maintenir plus longtemps dans l’emploi. « Inverser cette tendance prendra du temps, conclut Philippe Perret. C’est un vrai changement culturel. Sans porte de sortie, ils ne sont pas en position d’égal à égal avec leur employeur. Mais, si on arrivait à redynamiser le marché de l’emploi des plus de 50 ans, les entreprises seraient certainement plus attentives aux talents de leurs seniors. »

* Horémis et Menway sont deux sociétés du groupe Hominis.

>** Résultats complets sur <www.wk-rh.fr/mybdd/upload/bdd_96/BarometreSenior.pdf>

Méthodologie

→ Baromètre semestriel “Fait-il bon être senior au travail ?” – 11e vague – Questions mises en ligne sur le site Notretemps.com du 18 octobre au 1er novembre 2011.

→ 2 741 questionnaires exploités.

→ Profils des répondants. Moins de 50 ans : 3 % (base faible) ; 50-54 ans :

17 % ; 55-60 ans : 63 % ; 61 ans

et plus : 18 %.

Hommes : 36 % ;

femmes : 64 %.

Secteur privé : 69 % ;

secteur public : 31 %.

Auteur

  • CAROLINE FORNIELES