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QuébecUNE MINISTRE EN GUERRE CONTRE LES SYNDICATS DU BÂTIMENT

Pratiques | International | publié le : 15.11.2011 | LUDOVIC HIRTZMANN

Le gouvernement québécois et les syndicats de la construction sont en guerre. Le Québec veut interdire leur monopole de l’embauche dans le secteur, alors qu’une commission d’enquête indépendante a mis en évidence des liens entre syndicats et crime organisé.

« On va te casser les deux jambes »: tous les jours, Lise Thériault, la ministre québécoise du Travail, est l’objet de menaces attribuées aux syndicats du secteur de la construction. Depuis la mi-octobre, elle se déplace entourée d’une équipe de gardes du corps.

Les chantiers de la province sont régulièrement en grève. Le Québec compte 152 000 travailleurs dans la construction, tous syndiqués, pour l’essentiel aux deux grandes organisations, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ).

La syndicalisation est une obligation. Mais, avec son projet de loi 33, le gouvernement veut supprimer le placement syndical, une tradition dans le secteur de la construction qui remonte à l’après-guerre. En vertu de cette tradition, les syndicats ont le monopole du recrutement et du placement des salariés sur les chantiers. Ce sont eux qui déterminent quels travailleurs iront sur quel chantier et, surtout, quel sera leur nombre. Le syndicat, lui, prélève un pourcentage à la source sur les salaires des travailleurs.

Des marchés attribués sans appels d’offres

De nombreux reportages chocs et des révélations de politiciens ont montré ces derniers mois les liens entre la mafia et le secteur de la construction. De nombreux marchés publics ont été attribués sans appels d’offres à des entreprises du bâtiment proches du parti libéral au pouvoir. Sous la pression de l’opinion publique et des médias, et après avoir longtemps rechigné, le Premier ministre du Québec, Jean Charest, a accepté la création d’une commission d’enquête sur l’industrie de la construction, ainsi que sur son influence au sein du pouvoir politique.

Révélations fracassantes

Les révélations, fracassantes, ont mené au projet de loi 33. « Le secteur de la construction est clairement mafieux. Lorsque le syndicat nous demande de faire grève, nous devons le faire. Nous n’avons pas le choix, car sinon, des gros bras débarquent sur les chantiers », confie ce salarié du bâtiment.

Le projet de loi 33 constitue une véritable révolution dans les mentalités. Désormais, la Commission de la construction, un organisme public, s’occupera du placement des travailleurs sur les chantiers. Les syndicats devront présenter leurs comptes. Ils seront audités par des firmes comptables reconnues. Le président de la FTQ, Michel Arsenault, s’est dit déçu par cette décision, déclarant à Radio-Canada : « On veut mettre en place un appareil bureaucratique qui va être extrêmement injuste… C’est insensé que les travailleurs de la construction soient placés par des fonctionnaires et un système informatique. » Il souligne que le placement syndical existe partout en Amérique du Nord et estime que les travailleurs en sont tous très contents.

À la fin octobre toutefois, plusieurs travailleuses du bâtiment, qui ont voulu venir témoigner lors des audiences publiques du projet de loi 33, ont été frappées par leurs confrères. Dans un pays où le consensus, la négociation et le pacifisme sont des règles d’or, l’attitude de ces salariés a été très mal perçue dans l’opinion publique.

Le gouvernement, pourtant éclaboussé par de nombreux scandales liés à ce secteur, l’a bien compris, et il tente de redorer son blason au détriment des syndicats. Si la date du vote du projet de loi 33 n’est pas encore connue, la ministre du Travail s’est voulue déterminée : « Le placement syndical, on va l’abolir… On ne reculera pas. »

Auteur

  • LUDOVIC HIRTZMANN