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« LA GESTION PAR LE “UP OR OUT” PEUT ÊTRE VERTUEUSE »

Enquête | publié le : 15.11.2011 | VIOLETTE QUEUNIET

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« LA GESTION PAR LE “UP OR OUT” PEUT ÊTRE VERTUEUSE »

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

E & C : Alors que leur activité repose surtout sur les RH, les cabinets de conseil savent-ils les gérer ?

R. V. : Cela dépend de la taille du cabinet. Au sein des cabinets de conseil de directions générales dans lesquels nous intervenons – 300 consultants maximum –, les processus RH ne sont pas complètement structurés. Le service RH reste très administratif – tri des CV, paie… – et ne dispose pas d’autonomie. La GRH relève en réalité du dirigeant, dans sa fonction de manager d’équipe. Mais celui-ci a aussi une fonction commerciale – chercher les clients – et de pilotage des missions. De ces trois fonctions, il a tendance généralement à délaisser la première, celle de la gestion interne de son cabinet et donc le management des équipes. Par ailleurs, les consultants de ces cabinets sont diplômés des plus grandes écoles. Dans l’esprit des dirigeants, il n’existe pas vraiment de danger social à ne pas les gérer, puisqu’ils pourront retrouver facilement du travail si le cabinet ne leur convient pas. C’est d’ailleurs ce qui se passe avec des turnovers de 30 % cette année.

Dans les grosses structures d’origine américaine, qui n’ont pourtant pas eu l’habitude d’être très fortes en RH, on constate une montée des problématiques de société comme l’égalité hommes-femmes, la diversité, la conciliation vie professionnelle-vie privée. Elles sont obligées de les traiter, ce qui représente un bel enjeu quand on connaît les horaires des consultants !

E & C : Le modèle du “up or out” est-il toujours la règle, malgré un discours officiel sur la fidélisation ?

R. V. : Oui, car les cabinets sont souvent des structures pyramidales, à cause d’un modèle économique de croissance. Dans ce modèle, les évolutions de salaires sont plutôt imposantes, de l’ordre de + 5 % chaque semestre, et la progression dans une hiérarchie structurée par des grades. En phase de croissance, le junior deviendra consultant à part entière l’année suivante, consultant senior l’année d’après et, entre les deux, il aura été augmenté de 25 %. Du coup, pour maintenir ses marges, le dirigeant du cabinet devra vendre le consultant 25 % plus cher à son client. Donc, sans attrition naturelle des consultants, notamment au niveau élevé de la pyramide, la masse salariale du cabinet augmente de 10 % à 12 % chaque année, ce qui n’est pas tenable. La structure doit demeurer pyramidale, avec beaucoup de jeunes consultants à la base et un faible taux d’encadrement. La gestion dynamique des ressources, qu’on appelle classiquement le “up or out” – monter parce qu’on le peut ou partir –, est donc une nécessité. Elle est plus vertueuse que néfaste si le système méritocratique est bien respecté. Rien n’est plus démotivant pour un consultant que d’être encadré par quelqu’un de moins brillant que lui.

E & C : Le système du “up or out” est-il compatible avec une GRH structurée ?

R. V. : Oui. Sur cette problématique de gestion dynamique de la pyramide, nous proposons à nos clients une nouvelle organisation : faire passer un cabinet qui gérait ses ressources avec 4 grades à un cabinet les gérant avec 7 grades. Autrement dit, allonger le parcours du consultant jusqu’au partnership, c’est-à-dire au comité exécutif. Ces parcours sont accompagnés de systèmes d’évaluation. Ils ne peuvent être mis en place que si l’on a défini très précisément le rôle de chacun des grades. Ce type de parcours, pour être accepté et appliqué, doit permettre plus de justice sociale. Il ne peut pas être une réponse temporaire à la crise. Il s’agit bien d’une espèce de normalisation des tâches donnant de la visibilité à chaque consultant à moyen terme, en l’assurant qu’on est bien dans un système méritocratique. Nous proposons également des prestations de coaching pour les consultants qui quittent le cabinet. C’est une sorte de cadeau de départ assez répandu, même si les cabinets communiquent rarement sur ce sujet. Ces consultants de très haut niveau ne partent pas parce qu’ils ont échoué mais parce que, à 28 ans, ils ont moins envie d’être impliqués qu’à 25 ans. Ce coaching identitaire, espace de réflexion sur soi-même, est très puissant. Les collaborateurs qui y ont droit sont souvent très reconnaissants.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET