Ce groupe de santé a commencé à élaborer dès 1996 des dispositifs de prévention associant approche individuelle complète, formation des managers et attention au climat social. Une politique globale qui fait toujours figure d’exemple.
Le Dr Albert Mariné sait de quoi il parle quand on évoque le plan de lutte contre les risques psychosociaux de la corporation sanitaire du Parc Tauli, à Sabadell, qui rassemble plusieurs établissements de soins, dont un hôpital et un centre de santé mentale, et qui emploie 3 500 personnes. Ce psychiatre-psychothérapeute, responsable de la prévention des risques psychosociaux de l’organisation, est à l’origine d’un programme pionnier en Espagne, lancé dès 1996 : « La DRH avait détecté des situations conflictuelles, se souvient-il. Elle m’a demandé d’élaborer un projet. Au départ, il s’agissait de résoudre des cas individuels, mais nous avons élargi progressivement le programme. »
Même si une loi de 1995 obligeait les grandes entreprises à se doter de programmes de prévention, peu d’hôpitaux se sont lancés dès cette époque dans leur élaboration. Aujourd’hui, le service de prévention des risques psychosociaux regroupe rien moins qu’une douzaine de personnes, réparties entre le département de santé au travail et le service de “counselling”, forme d’accompagnement en consultation.
« De manière générale, les salariés se dirigent d’abord vers le service de santé du travail, qui décide s’il les adresse au counselling, où nous travaillons plus en profondeur », explique Albert Mariné. Ce service détecte alors si le problème reste strictement lié au travail ou non. Selon lui, 30 % des difficultés le sont, tandis qu’un autre tiers tient à des problèmes d’ordre familial. À travers six ou sept entrevues, ce service tente d’apporter une solution : « Pour les cas plus graves, nous conseillons un suivi par un service psychiatrique », ajoute le docteur.
Cité en exemple par l’Institut national de sécurité et d’hygiène au travail, ce programme de prévention se distingue par son approche globale : attention aux cas individuels, formation et aide à la détection des cas de souffrance psychosociale et recherche d’amélioration du climat général de travail. Le Dr Mariné œuvre aussi en étroite collaboration avec les délégués syndicaux chargés de la prévention et les techniciens en ergonomie : « La prévention doit être interdisciplinaire pour fonctionner », assure-t-il.
Tous les directeurs du parc Tauli bénéficient d’une formation sur les risques psychosociaux et les questions de management. Des réunions périodiques avec les directeurs d’équipe ont également été organisées pour débattre des problèmes en cours. Une formation sur l’intelligence émotionnelle, pour les volontaires, permet ensuite d’aller plus loin : « Le climat général s’en ressent ; il existe une cohésion plus grande dans les équipes, et le niveau de conflit a diminué malgré la situation économique difficile et les récentes diminutions de salaire », affirme Albert Mariné. En revanche, le nombre de consultations pour les cas individuels n’a pas baissé : « Il s’agit notamment de cas de stress. Nous cherchons à placer ces salariés à d’autres postes, mais cela devient de plus en plus complexe alors que les services réduisent leurs marges », souligne-t-il.
En 2005, le programme s’est enrichi d’un plan contre le harcèlement moral avec l’introduction d’un protocole de prévention sur l’intranet de l’hôpital. Un an plus tard, l’augmentation de la violence des patients envers le personnel a motivé un nouveau dispositif, avec des caméras de surveillance, des vigiles et une formation spécifique des soignants. Des évaluations régulières de ce plan de prévention sont réalisées par service de 100 à 120 personnes pour être plus approfondies. Le travail étroit avec les syndicats permet d’obtenir des taux élevés de réponses, autour de 70 %.
Et, quinze ans après, le Parc Tauli reste une référence en matière de prévention des risques psychosociaux en Espagne.
