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La hiérarchie s’implique dans l’action anti-stress

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 25.10.2011 | VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE

D’une simple écoute du mal-être au travail, le dispositif de lutte contre les risques psychosociauxà la ville de Villeurbanne a été élargi au traitement des situations détectées. Désormais, la collectivité mobilise ses chefs de service.

La loi de 2002 sur le harcèlement moral a créé le déclic. Un an après, la ville de Villeurbanne (Rhône) se dote d’une cellule d’écoute, sollicitée, par exemple, en cas de conflits d’agents avec leur hiérarchie ou avec le public, ou encore de problèmes d’exigences mal comprises ou refusées. Ceux qui appellent le numéro dédié peuvent rencontrer le médecin du travail, les responsables de la formation ou du service social, ou encore un psychologue du cabinet VTE.

Sentiment de frustration

Les premières années après la création de la cellule d’écoute en 2003, une trentaine d’appels par an ont été enregistrés, puis ce nombre a fortement diminué. En 2008, son évaluation, réalisée par VTE, se révèle plutôt négative : « Malgré les promesses, cette écoute n’a pas débouché sur un traitement des situations », analyse Yves Grasset, alors directeur de VTE. Un constat que ne dénie pas Éric Grignard, le directeur général des services (DGS) : « Effectivement, il a pu exister un sentiment de frustration. » Ainsi, Damien Bérougeon, délégué CGT, note que des conflits naissants au sein des équipes d’agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, exprimés auprès de la cellule, ont surgi quelques mois plus tard, « faute de recrutements suffisants ».

« La ville ne voulait pas faire de la cellule un outil de dialogue social autour des risques psychosociaux, mais un moyen de gérer ce problème », estime Yves Grasset, qui décide alors de se retirer. En 2008, la direction formalise donc une nouvelle procédure de résolution des problèmes avec l’aide du cabinet Cohésion International.

Plan d’actions collégial

Principale nouveauté : les écoutants élaborent collégialement un plan d’actions qu’ils soumettent à l’agent avant qu’il ne soit validé par un groupe réunissant la responsable du service médico-social, le DGS, ainsi que l’élu et le directeur chargé des RH : « Nous invitons aussi régulièrement des directeurs de service », précise Éric Grignard.

L’implication des chefs de service est l’évolution majeure du dispositif : « Tenir compte de leur point de vue évite d’en avoir une vision unilatérale comme auparavant, estime le DGS. Cela permet de les responsabiliser dans la recherche d’une solution. Avant 2009, un agent mal dans son travail pouvait à la fois être écouté à la cellule et faire l’objet d’une sanction disciplinaire de la part de son chef ! »

Pour les aider, de l’été 2009 à la fin 2010, un groupe de travail incluant tous les métiers et services, et associant les représentants du personnel, élabore un glossaire et des fiches techniques précisant qui interpeller et quels moyens utiliser (médiation, débriefing post-traumatique, visite médicale…). « Réaffirmer le rôle du manager a nécessité aussi de formaliser des outils de management comme les entretiens d’évaluation ou de retour d’absence », commente le DGS. Une fiche de conduite d’entretien pour une situation présentant un risque psychosocial a été conçue, de même qu’une fiche de signalement.

L’appel à la cellule n’est ainsi plus la seule voie de remontée d’informations, ce signalement pouvant être fait par un collègue, un membre de la hiérarchie ou un représentant du personnel. À défaut, cela peut se faire via un “référent RPS”, rôle auquel sont formés 6 membres du service médico-social et 6 élus syndicaux (et leurs suppléants). « Quelques managers ont déjà fait remonter des cas », assure le DGS. Quant aux délégués syndicaux, ils restent, à l’instar de Pierre Jacquemot, élu CGT au CHS, « vigilants sur le fonctionnement, mais contents d’être consultés et formés ».

Minimiser les risques

En parallèle, explique Patricia Galliou, responsable du service risques professionnels, « nous avons voulu partir des cas exprimés pour conduire des actions de prévention ». Un comité ad hoc a déjà travaillé à l’élaboration notamment d’un guide d’action en cas de violence d’un usager et d’un document technique pour un aménagement sécurisant des locaux. Son prochain projet est de « redynamiser » la charte alcool de la ville (lire Entreprise & Carrières n° 977), désormais intégrée au dispositif RPS.

Formation interne

Outre un plan de communication interne, la formation est un vecteur important de déploiement de ce dispositif, qui risque de pêcher par sa complexité. C’est pourquoi, entre avril et octobre 2011, les 200 encadrants auront bénéficié d’une journée de formation commune. Puis, en 2012, ils suivront un enseignement d’une journée à la posture du manager face à ces questions. Quant aux 2 000 autres agents, ils sont tous sensibilisés au fil des réunions de service. En outre, ce sujet sera abordé lors de la journée d’accueil des nouveaux embauchés.

« Ce dispositif coûte cher », constate in fine Éric Grignard : 48 000 euros sur trois ans pour le cabinet, 20 000 euros pour les formations en tronc commun, sans compter les outils tels que les médiations (1 200 à 1 500 euros par jour). « Il faut les comparer aux coûts cachés évités », ajoute le DGS, qui prévoit dans ce but d’observer l’évolution de l’absentéisme ou encore de créer un baromètre social.

120 RECOURS EN DEUX ANS

La cellule nouvelle version a enregistré, entre avril 2009 et juillet 2011, 120 recours (contre 30 par an avant 2008) : 56 % des problèmes sont considérés comme résolus après accord de l’agent (et 41 % en cours) au bout de deux ou trois mois au lieu de six.

En revanche, la note de souffrance - indiquée par l’écoutant d’après son ressenti - reste stable, à 7 sur 9 : les situations exprimées restent les plus “enkystées”.

Auteur

  • VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE