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La réforme du prêt de main-d’œuvre : un enfer pavé de bonnes intentions…

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 25.10.2011 |

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La réforme du prêt de main-d’œuvre : un enfer pavé de bonnes intentions…

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La nouvelle loi du 28 juillet 2011 définit le caractère non lucratif auquel est subordonnée la licéité de la mise à disposition et la dote d’un régime juridique certes précis, mais dont les zones d’ombres apparaissent d’emblée. Ce texte, codifié en complément aux articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du Code du travail, livre d’abord l’objet des facturations entre entreprises prêteuse et utilisatrice, excluant le caractère onéreux : il vise ainsi classiquement « les salaires versés au salarié [et] les charges sociales afférentes ». Il ajoute « et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition » ; cette dernière mention, innovante, est insérée dans le souci d’enrayer de possibles requalifications dans le sillage de l’arrêt John Deere du 18 mai 2011, qui a, à juste titre, rappelé que le profit, révélateur d’un lucre prohibé, pouvait aussi être caractérisé chez l’utilisateur et que tel était le cas lorsqu’il réalisait par ce biais une économie, en l’occurrence celle des frais de gestion.

Le régime juridique qui encadre désormais ce type d’opération est, à plusieurs égards, intellectuellement confus et contraignant au plan pratique. La première raison est d’évidence à rechercher dans son uniformité, sans considération notamment de l’appartenance ou non des sociétés à un même groupe ou du nombre de salariés concernés par l’opération. Cela donne un aperçu des difficultés qui attendent les entreprises et leurs conseils.

Au plan individuel, la mise à disposition est subordonnée à l’accord du salarié concerné, le refus ne pouvant justifier aucune sanction, discrimination ni, a fortiori, rupture de contrat. Elle n’emporte par ailleurs ni rupture ni suspension du contrat originaire. Jusqu’à présent, seule la modification (ou la novation) du contrat justifie que l’évolution d’un contrat en cours d’exécution (puisque ni rompu ni suspendu) soit soumise à l’acceptation de l’une des parties. Pourtant, le texte, un peu plus, loin impose une « période probatoire » « lorsque le prêt de main-d’œuvre entraîne la modification d’un élément essentiel du contrat de travail », laissant ainsi à penser que tout prêt de main-d’œuvre n’entraîne pas de telle modification…

Quoi qu’il en soit, cet hybride jouit d’un sort juridique à nul autre pareil puisqu’il justifie de plein droit le refus du salarié en privant l’employeur d’en tirer la moindre conséquence sur le contrat de travail ; or, si le salarié est légitime à refuser une modification contractuelle, fût-ce dans le cadre d’une mise à disposition, l’employeur l’est tout autant à gérer les effectifs conformément aux intérêts de l’entreprise, fût-ce dans ce même cadre, dès lors qu’il respecte les termes des contrats de travail en cours. Raison pour laquelle l’ANI du 8 juillet 2009, qui a très fortement inspiré l’article 40 de la loi du 28 juillet 2011, distinguait, en la matière, selon que la mise à disposition conduisait ou non à la modification d’un élément du contrat. On regrettera évidemment que, reprenant presque servilement le texte des partenaires sociaux, le législateur l’ampute de ce qui en faisait précisément son économie et le rendait à la fois opérationnel et acceptable par l’ensemble des parties.

Mais les choses ne seront pas forcément beaucoup plus limpides à l’égard du salarié effectivement mis à disposition… car, aux termes d’une cohabitation hasardeuse au sein de l’article L. 8241-2 d’un nouveau et d’un préexistant alinéas, l’intéressé bénéficie pour les conditions d’exécution du contrat des dispositions conventionnelles des deux sociétés.

En matière de garanties collectives côté prêteur, le comité d’entreprise est seul consulté et le CHSCT uniquement informé si le poste mis à disposition présente des risques particuliers pour la santé ou la sécurité. En revanche, tant le comité d’entreprise que le CHSCT de l’utilisateur sont informés et consultés préalablement à l’accueil des salariés mis à disposition. Ces dispositifs, à approuver pour les opérations de mise à disposition d’une certaine ampleur, laissent plus perplexe dans les cas de mises à disposition “isolées”, spécialement lorsqu’elles interviennent entre sociétés d’un même secteur géographique et appartenant à un même groupe ou UES.

Danièle Chanal, avocate au Barreau de Lyon, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.