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Quand la GPEC ? réduit la souffrance au travail

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 11.10.2011 | L. P.

La PME familiale a fait de la gestion des âges et de l’usure au travail les principaux leviers de sa politique de développement durable. Un chantier entamé en 2007.

C’était il y a cinq ans. Plusieurs salariés de l’atelier de fabrication allaient quitter la biscuiterie pour prendre leur retraite. Avec eux, c’était un peu du savoir-faire et de la mémoire de l’entreprise familiale qui ­partait. Une entreprise fondée par deux boulangers devenus beaux-frères par alliance, en 1964, à leur retour de la guerre en Algérie. À Lonlay-l’Abbaye (Orne), ils ont fait grandir l’atelier confidentiel du fondateur, Georges Lautour, dont les sablés se faisaient un nom au-delà de la Normandie. Leurs quatre enfants ont pris la relève. Ils pilotent une PME “artisano-industrielle”, qui fabrique aujourd’hui 6 700 tonnes par an de gâteaux secs pour le marché national et l’export.

Conditions de travail et amélioration de la production

En 2007, donc, le Pdg Michel Lebaudy se demande comment réorganiser l’atelier. Il réfléchit aussi au moyen d’inscrire la production dans des critères de développement durable. Il se tourne vers l’Anact qui, entre autres conseils, lui recommande de se soucier de sa démographie. Si la moyenne d’âge est d’environ 40 ans, elle atteint les 50 ans à l’atelier, parmi les salariés du conditionnement (100 personnes) où travaillent en majorité des femmes, très exposées au risque de troubles musculo-squelettiques. Le CHS­CT en discute. Il interroge la Cram, qui lui prescrit le recours à un ergonome pour prolonger l’intervention de l’Anact. L’initiative plaît tellement au service de médecine du travail Santravir, que celui-ci finance l’intervention. L’entreprise installe, avec son aide, une cellule chargée de traiter, au fil de l’eau, tous les problèmes de conditions de travail couplés à une amélioration de la production. « Ce groupe est ouvert à tous les volontaires, explique Gérard Lebaudy. Il est le relais du CHSCT. Nous l’avons doté d’un budget propre (20 000 euros par an) pour lancer directement des achats de matériel, comme des tapis antifatigue ou des lève-palettes. Il nous suggère également ses aménagements pour nos futurs investissements. »

Missions de tutorat et de formateur interne

Simultanément, la direction s’est préoccupée du contenu des tâches pour limiter l’usure au travail. « Nous avons créé des missions de tutorat et de formateur interne pour réserver ces fonctions à des personnels expérimentés et âgés, commente Gérard Lebaudy. On agit ainsi sur les contraintes physiques pour une partie de leur activité. » Le mode opératoire lui est suggéré par l’Association régionale pour le développement de l’emploi et la formation en agroalimentaire (Ardefi), à l’occasion d’un programme collectif d’appui à la GPEC. Le Pdg reprend les fiches d’emploi ; les injecte dans le tableau des métiers servant de socle aux entretiens annuels d’évaluation. Ceux-ci sont réalisés pour la première fois, dans les règles de l’art, en juin 2009.

Depuis, tous les salariés qui le demandaient ont bénéficié d’un reclassement ou d’un aménagement de leur temps de travail. L’entreprise ne les a pas comptés. Elle regarde d’autres indicateurs, comme ces 11 statuts horaires différents d’aménagement du travail : « Ce sur-mesure oblige à connaître chaque individu, commente Yannick Le Seac’h, directeur technique. Sur 232 salariés, c’est un peu lourd, mais c’est aussi très plaisant. Car le climat social est excellent, personne n’ignorant plus que l’entreprise lutte contre la souffrance au travail. »

Les rémunérations ont pu être préservées. La biscuiterie maintient les cotisations patronales à taux plein pour les salariés de plus de 55 ans qui optent pour une fin de carrière à temps partiel. S’agissant des accompagnateurs de jeunes et de travailleurs handicapés (la PME réalise son obligation légale sans recours au secteur protégé), leurs fonctions sont gratifiées par la grille salariale de l’entreprise. Elles sont réservées aux seniors mais proposées à tous dès l’âge de 45 ans. « Nous évoquons cette possibilité dans l’entretien de seconde partie de carrière, au cours duquel nous abordons l’ensemble de l’accord seniors. En l’évoquant à ce stade, on dédramatise mieux les représentations liées au vieillissement. C’est un moyen de mieux traiter la fatigue morale accumulée avec l’ancienneté », souligne Yannick Le Seac’h.

Maintien dans l’emploi des salariés handicapés

La biscuiterie a bâti sa gestion des âges avant la réglementation sur l’emploi des seniors. Elle a aussi coté la rémunération des tuteurs et formateurs occasionnels sans attendre la nouvelle classification de la convention collective des entreprises de l’agroalimentaire. Elle est aujourd’hui référente dans deux programmes régionaux sur le handicap et les conditions de travail. Le tout sans DRH à bord, hormis son Pdg. Avec l’appui de son directeur technique, qui vient de valider… un master 2 de GRH. Il a consacré son mémoire à “l’insertion et le maintien dans l’emploi des salariés handicapés en deuxième partie de carrière”. Un enjeu qui touche, selon lui, toutes les populations de production de l’agroalimentaire.

DATES CLÉS

2005 La biscuiterie convertit sa production aux critères du développement durable.

2007 Étude de l’Anact sur l’aménagement des lignes de fabrication et de conditionnement. Appel à un ergonome, qui crée une cellule de veille sur les risques professionnels avec les salariés volontaires.

2008 Refonte de la GPEC, pour combiner la gestion des compétences à celle des âges.

2009 Première campagne d’entretiens annuels d’évaluation. Formations de formateurs occasionnels et de tuteurs pour les plus de 45 ans. Travail à temps partiel choisi pour les 55 ans et plus avec cotisations de retraite patronales maintenues au taux plein.

Auteur

  • L. P.