logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enjeux

Compétence de l’inspection du travail à l’international

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 11.10.2011 |

Image

Compétence de l’inspection du travail à l’international

Crédit photo

Traditionnellement, les missions de l’inspection du travail s’effectuent sur le territoire national. Mais la mondialisation de notre économie s’est traduite par un accroissement de la mobilité des salariés à l’international : détachement, expatriation, délocalisation… Il est dès lors légitime de s’interroger sur la compétence de l’inspection du travail lorsque des infractions sont commises par des employeurs français en territoire étranger.

Comme le rappelle l’article L . 8112-1 du Code du travail, l’inspection du travail veille à la bonne application de la législation sociale. À ce titre, ses inspecteurs sont habilités à effectuer des contrôles sur site et à obtenir la communication de tous documents qu’ils estiment nécessaires. Ils ont, de plus, compétence pour dresser des procès-verbaux visant à constater les infractions commises par les employeurs et les transmettre au Parquet. Or l’inspection du travail dispose d’une compétence territoriale qui limite les interventions de ses inspecteurs et contrôleurs à leur propre circonscription.

Mais ce principe donne lieu à une interprétation extensive. Il a ainsi été rappelé par l’administration que cette compétence territoriale n’est pas limitée au lieu de la commission de l’infraction mais couvre aussi le lieu où ses éléments constitutifs peuvent être constatés (Instruction ministérielle du 28 mars 2002, paragraphe II.3). Plus généralement, la jurisprudence précise que, lorsque l’infraction est commise sur un site ne pouvant être considéré comme « établissement distinct » ou ne disposant pas d’une « autonomie suffisante », l’inspection du travail compétente reste celle du siège de la société (CE 2 février 1996, n° 133455). Au vu de ces dispositions, c’est donc le rattachement « administratif » du salarié qui détermine la compétence de l’inspection du travail.

En matière internationale, il convient ainsi d’opérer une distinction entre salariés détachés et expatriés. Les salariés détachés restent juridiquement rattachés à leur employeur français. L’inspection territorialement compétente en France pourra, dès lors, valablement constater l’existence d’une infraction commise à l’étranger au regard d’informations et de documents dont elle aura eu connaissance. Rappelons que l’inspection du travail française n’a pas la possibilité de faire respecter le droit étranger (lorsque la convention soumet les parties au droit local). Il lui appartiendra en revanche de faire respecter les normes internationales en vigueur. Les salariés expatriés sont quant à eux contractuellement liés à une société étrangère et, de fait, placés hors du champ de contrôle de l’inspection du travail française.

Rappelons toutefois que l’Organisation internationale du travail (OIT) dispose de ses propres agents en charge de faire des rapports sur l’activité des entreprises implantées en territoire étranger. L’OIT a par ailleurs promulgué deux conventions internationales (n° 81 et n° 129) visant à imposer la mise en place d’organes de contrôle au sein de tous les pays adhérents. Via son programme “LAB/ADMIN”, le Bureau international du travail assiste les pays dans le cadre de l’élaboration de ses opérations de contrôle avec pour objectif, à terme, de parvenir à la création d’un réseau international efficace. De surcroît, en Europe, les organes de coopérations bilatéraux entre les services d’inspection du travail se multiplient. La majorité des accords ainsi conclus s’appuient sur la directive UE 96/71/EC (réglementant le détachement des salariés). Des équivalents ont également vu le jour en Amérique latine et en Asie.

L’inspection du travail dispose ainsi de nombreux moyens d’actions directes et indirectes pour faire sanctionner une infraction commise à l’étranger : programme de coopération internationale, rapport adressé à l’OIT ou transfert du dossier à son homologue étranger. Les entreprises françaises délocalisant leur activité ou détachant certains de leurs salariés ne peuvent donc s’exonérer d’une bonne application des règles internationales en vigueur. Cette tendance devrait d’ailleurs se renforcer, les institutions internationales œuvrant à la mise en place de contrôles particulièrement efficaces.

Rémi Dupiré, avocat associé du cabinet Dupiré & Associés, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.