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Contrats collectifs obligatoires : le décret qui lève le flou juridique

Actualités | publié le : 11.10.2011 | CAROLINE FORNIELES

Terminé les interprétations délicates de circulaires complexes : un projet de décret, promis depuis fin 2010, est sur le point de sortir pour préciser l’architecture des contrats collectifs obligatoires éligibles aux allégements de charges sociales. Mais les juristes s’attendent encore à quelques rebondissements.

Le projet de décret définissant les critères qui fondent le caractère “collectif” d’un contrat de protection obligatoire sociale va sortir. En cours d’examen au Conseil d’État, il devrait être publié dans les semaines qui viennent. Il doit permettre de lever enfin le flou juridique laissé par la loi du 21 août 2003 : elle avait prévu d’exonérer de charges sociales les contrats “collectifs” de santé, prévoyance et retraite, mais sans définir ce qu’elle entendait par “collectif”. Résultat, pendant huit ans, les DRH ont eu du mal à cerner les critères qui pouvaient permettre de valider le caractère “collectif” de leurs contrats, surtout lorsque certaines garanties étaient réservées à une catégorie de salariés.

Une certaine liberté

Le projet de décret propose une interprétation plutôt ouverte, laissant une certaine liberté aux partenaires sociaux pour construi­re des accords. Un contrat pourra être réputé collectif dès lors que les catégories de bénéficiaires sont définies à partir de six critères : statut des cadres, conventions collectives de branche, tranches de rémunération Agirc-Arrco, niveau de responsabilité et type de fonction, conventions collectives ou accords d’entreprises, et usages de la profession. Les garanties offertes pourront donc être différentes selon les catégories, voire ne pas toutes les couvrir. Le texte prévoit aussi qu’on puisse tenir compte du temps de travail, de la nature du contrat, de l’âge ou de l’ancienneté des salariés. « Cela peut paraître surprenant, commente Me Stéphane Béal, du cabinet Fidal, mais ouvre des possibilités. On pourra par exemple proposer des garanties supérieures en prévoyance à des salariés qui travaillent de nuit ou ont un métier dangereux. »

Mais attention, si un employeur choisit de limiter le contrat à certaines catégories, il devra veiller à ce qu’il couvre tous les salariés qui ont une situation professionnelle équivalente au regard du risque. « Et pour la santé, cela oblige à couvrir tout le monde de la même façon », précise Me Xavier Pignaud du cabinet Rigaud Avocats. Une exclusion ne sera pas simple à justifier : « On sait par exemple que les entreprises qui ont beaucoup de CDD courts n’aiment pas les inclure. Et les salariés en CDD ne sont pas forcément demandeurs non plus. »

Autre point à souligner pour la santé : si l’employeur contribue plus pour certaines catégories, le projet de décret prévoit que « le calcul des allégements de charges sur la contribution de l’employeur se fera sur la base de la plus petite contribution offerte ».

En matière de retraite, un contrat sera réputé “collectif” dès lors qu’il répondra au moins à un de ces critères : cadres, catégories des conventions collectives de branche, tranches de rémunération et niveau de responsabilité. « Ces critères permettent de reconnaître que les salariés qui ont des taux de remplacement différents en matière de retraite peuvent être traités différemment », commente Xavier Pignaud.

Pour les prestations de prévoyance, les garanties seront réputées collectives si elles bénéficient aux cadres et prennent en compte les différentes tranches de rémunération de l’Agirc-Arrco : « Il s’agit certainement d’inciter les entreprises à prévoir des solutions à la fois pour les cadres et non-cadres », précise Stéphane Béal.

Sécurisation juridique

Au final, les experts sont plutôt positifs sur le contenu du projet de décret, même si certains ironisent sur le fait qu’il faudra peut-être « une ou deux circulaires pour expliquer certains points obscurs ». « Tout ce qui sécurise juridiquement est bon, rappelle néanmoins Hubert Clerbois, président d’EPS Partenaires. Cela facilitera la conclusion d’accords. Certains DRH ont été rebutés par ce flou sur la définition des catégories objectives. J’ai le souvenir d’une entreprise obligée de renégocier, car elle avait voulu proposer des garanties retraites plus intéressantes à ses salariés les plus fragiles. »

Les juristes invitent néanmoins les DRH à rester attentifs au risque de condamnation pour non-respect de l’égalité de traitement. « Les DRH ne doivent pas trop saucissonner leurs offres en matière de protection sociale. On pourra être conforme au décret, au droit de la sécurité sociale et satisfaire les Urssaf, tout en s’exposant à un recours au nom de l’égalité de traitement devant les tribunaux. Plus on découpe en tranches les effectifs, plus on risque de créer des différences de traitement difficiles à justifier. »

Des situations et donc des coûts différents

Ce débat est loin d’être simple dans une entreprise, souligne Xavier Pignaud : « Si on met en place une retraite complémentaire “article 89” pour les cadres, faut-il l’accorder aussi aux assimilés cadres ? Et comment justifier qu’on ne le fait pas ? » Les entreprises qui proposent des garanties pour des catégories spécifiques devront prendre le temps de vérifier qu’elles se justifient et formaliser cette explication.

La jurisprudence pousse de fait à rechercher une harmonisation des garanties offertes aux salariés, ce qui rend les choses d’autant plus compliquées pour le DRH. « Mais on ne peut pas tout mutualiser en matière de protection sociale, car les salariés sont dans des situations différentes, et cela engendre des coûts différents », estime Stéphane Béal. Dernier rebondissement attendu : la prochaine décision de la Cour de cassation sur une plainte concernant une inégalité de traitement en matière d’assurance santé. Une décision qui tarde à venir. De quoi alimenter encore un peu le suspense.

Auteur

  • CAROLINE FORNIELES