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Des passeports efficaces pour l’avenir

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 27.09.2011 | LAURENT POILLOT

En sept ans, l’association Passeport Avenir a multiplié par cinq le nombre de jeunes issus de quartiers populaires accompagnés par des cadres dans leur cursus vers une grande école.

En 2005, le DRH de SFR inaugure les Passeports ingénieurs télécoms – devenus aujourd’hui Passeport Avenir – ouvrant les métiers des NTIC aux jeunes issus des milieux modestes. On est à l’époque de la constitution de la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) et de l’élaboration de la Charte de la diversité par l’Institut Montaigne. Mais aussi des émeutes urbaines parties de Clichy-sous-Bois (93).

Benjamin Blavier, délégué général de Passeport Avenir, à l’origine du projet chez SFR, fait ce constat : « On a vu, depuis trente ans, une surreprésentation des élèves bien nés dans les grandes écoles. Les entreprises ont pris conscience qu’il fallait s’ouvrir à d’autres profils. Certaines imposent aujourd’hui aux écoles des critères d’ouverture sociale avant d’attribuer leur taxe d’apprentissage. »

La première année, SFR revendique une aide personnalisée à 123 jeunes issus de zones urbaines sensibles (ZUS), avec l’appui de l’État. Le dispositif prévoit déjà la mise à disposition d’un tuteur – en classe préparatoire ATS (adaptation technicien supérieur) et en école d’ingénieurs –, ainsi que des aides financières et matérielles afin de pousser les élèves talentueux à espérer plus qu’un bac + 2.

L’année suivante, SFR est rejoint par cinq autres entreprises. Le Cercle passeport télécoms s’ouvre aux classes préparatoires technologiques TSI et ECT. Résultat : près de 400 étudiants sont aidés par 351 tuteurs volontaires, souvent déjà tuteurs pour les stages ou l’alternance. Devenue Passeport Avenir, l’association regroupe à présent 12 entreprises* high tech et 41 grandes écoles (ingénieurs et commerce). Un dernier bilan fait état de 3 160 élèves sensibilisés aux cursus supérieurs en 2011 dans les lycées de métropole et d’outre-mer.

92 % d’admissions et 100 % d’embauches

Plus de 700 autres ont bénéficié d’un tutorat ; ils sont à 70 % boursiers de l’Éducation nationale. Sur 366 ayant présenté les concours aux grandes écoles, le taux d’admission a été de 92 % et 100 % sont embauchés dans les six mois suivant leur sortie de l’école depuis deux ans. Mais pour Benjamin Blavier, l’enjeu est inchangé : « Nous travaillons sur un triple déficit : d’information sur l’entreprise, d’accès aux réseaux professionnels et de confiance en soi. La relation individuelle est au cœur du dispositif. Mais attention, nos 700 tuteurs n’ont un rôle ni d’enseignant ni de parent. » Ils apportent aux jeunes des conseils pour décoder les usages professionnels, des recettes pour gérer leur temps et construire leur réseau.

Dimension linguistique et internationale

Par ailleurs, le programme a renforcé sa dimension linguistique et internationale. « L’anglais est un puissant déterminant social », affirme Benjamin Blavier. L’association propose des cours pour préparer les étudiants à vivre une expérience à l’étranger.

La proximité des tuteurs est essentielle. Elle a fait d’Orange l’un des principaux contributeurs : « Nous apportons près de 280 tuteurs, indique Brigitte Dumont, la DRH adjointe groupe, grâce à notre expérience de l’accueil des jeunes et à notre couverture territoriale. » Elle juge le dispositif bénéfique : « Il répond à une logique d’ascenseur social pour des jeunes qui ont les capacités de réussir une grande école, mais qui risqueraient sans cela de s’auto-censurer. »

Pourtant, la répartition des binômes tourne parfois au casse-tête. Ainsi, une vingtaine d’étudiants entrés à Sup de Co la Rochelle sont sans tuteur. « Nous ne pouvions pas en mobiliser suffisamment », regrette Benjamin Blavier. Le programme connaît d’autres limites, comme celle de l’élargissement au monde universitaire. Il a fallu deux ans pour que les entreprises de l’association décident d’intégrer les masters 2 au programme. Une dizaine d’établissements seront bientôt membres de l’association, dont quelques IAE.

À suivre, également : un outil pour renforcer l’accompagnement. Passeport Avenir a interrogé 80 DRH sur leur lecture des notions d’excellence et de potentiel pour cartographier les compétences attendues. Un livre blanc est en préparation.

(*) Accenture, Alcatel-Lucent, Atos Origin France, Capgemini, Devoteam, Ericsson France, Gemalto, Nokia Siemens Networks France, Orange, Qualcomm France, Sagemcom , SFR.

QUATRE HEURES DE TUTORAT PAR MOIS

Bertrand vient de passer en 3e année à l’Ensea (école d’électronique à Cergy, 95). Paul Tamby, 44 ans, responsable d’opérations réseaux chez Nokia Siemens Networks, vient le voir une fois par mois à l’école, presque en voisin. « Bertrand lance les sujets à aborder et je réponds à ses inquiétudes. Je me souviens de celles que j’avais à son âge et des réponses qu’y apportaient des professionnels. Je l’ai par exemple conseillé pour gérer son temps ou pour organiser des projets en binôme. Je lui ai aussi ouvert mon carnet d’adresses pour qu’il trouve des contacts à l’étranger. » Paul Tamby doit renouveler chaque année son engagement à Passeport Avenir. « Je le fais bénévolement, sans autre contrepartie de mon employeur que de m’organiser à ma guise. » Les 688 tuteurs consacrent en moyenne quatre heures par mois à ces échanges. Certains cadres interviennent une fois par an dans un atelier collectif, au lycée, en classe prépa ou dans les grandes écoles. Leur mise à disposition est parfois bonifiée. Chez Orange, elle s’inscrit dans l’accord sur l’alternance. La fonction de tuteur est alors un paramètre de ses objectifs individuels et le suivi du jeune est valorisé sur la part variable de sa rémunération.

Auteur

  • LAURENT POILLOT