Les salariés pris entre le fer du métier et l’enclume de la rentabilité en arrivent à la situation paradoxale d’être à la fois victimes des nouveaux modes de management néotayloristes et bourreaux de leurs collègues, sur lesquels ils répercutent leur stress, ainsi que des clients ou des usagers des services dont ils n’ont plus le temps d’écouter les vrais besoins.
Allant à la rencontre des salariés de Pôle emploi, de l’hôpital, des services à la personne, de l’enseignement, etc., François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, raconte le travail devenu invivable. La standardisation des tâches et la logique du chiffre ont fait fi de la complexité des situations réelles. Au terme de ce parcours auprès de salariés qui, le plus souvent, continuent d’aimer leur métier, François Chérèque revient sur l’impérieuse nécessité de revoir l’organisation du travail pour tous et de réévaluer la responsabilité sociale de l’entreprise. Car, si elle ne peut assumer tous les maux, elle ne peut cependant en assumer aucun en ayant les yeux uniquement rivés sur ses profits. Chose assez nouvelle dans le discours syndical, l’auteur met à plusieurs reprises l’accent sur le clivage entre les salariés protégés par un CDI et la masse toujours plus nombreuse des précaires – CDD, travailleurs pauvres, intérimaires – qui sert de variable d’ajustement aux entreprises soucieuses de docilité et d’économies.
L’auteur met également en lumière le rôle de bouclier assumé par ces travailleurs précaires pour ceux dont l’emploi reste quantitativement et qualitativement d’autant mieux protégé qu’il existe des salariés jetables. Loin de montrer l’exemple, l’État tend de plus en plus à se faire le champion toutes catégories de ce type d’emplois de seconde zone.
Patricia, Romain, Nabila et les autres
François Chérèque, Albin Michel, 230 pages, 18 euros.
