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Les employeurs mettent la main à la pâte

Pratiques | publié le : 13.09.2011 | JOSÉ GARCIA LOPEZ

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Les employeurs mettent la main à la pâte

Crédit photo JOSÉ GARCIA LOPEZ

Les actions en faveur d’une meilleure nutrition des salariés gagnent du poids dans les entreprises. Quelques mois après la publication du dernier Programme national nutrition santé (PNNS), tour d’horizon des recettes d’employeurs, ambitieuses ou modestes.

Des salariés bien dans leur assiette : c’est l’un des vœux exprimé dans le nouveau PNNS publié en juillet dernier. La troisième mouture de ce plan de santé publique pour les années 2011 à 2015 reconnaît que l’entreprise « peut contribuer à la promotion d’une bonne nutrition ».

Pour ce faire, le document prévoit notamment un système de chartes d’engagements des employeurs au profit de leurs salariés et la création d’un référentiel des bonnes pratiques. Le Dr Michel Chauliac, en charge du PNNS à la Direction générale de la santé (DGS), souligne l’intérêt pour les entreprises de labelliser leur action nutritionnelle : « Adhérer à la démarche PNNS, c’est s’insérer dans une politique nationale cohérente et éviter ainsi la cacophonie » affirme-t-il.

Consultations gratuites

Santal, le programme de prévention santé par l’alimentation mis en place sur le site PSA Peugeot Citroën de Rennes, est l’un des premiers à avoir été soutenu en 2002 par le premier PNNS. Aujourd’hui encore, les quelque 7 000 salariés de l’établissement peuvent bénéficier d’un suivi et de consultations de nutritionnistes gratuites pendant leur temps de travail. Depuis dix ans, le volet médical du programme, mis au point avec le CHU de Rennes, a ainsi concerné 1 300 personnes. Actuellement, une centaine de salariés bénéficient d’un suivi diététique.

L’objectif ? « Contrecarrer l’évolution du taux d’obésité », témoigne Hugues Leloix, médecin du travail à l’usine rennaise. Résultats observés : « Les salariés suivis perdent 2 à 2, 5 kilos après la première visite », précise-t-il. Santal porte également sur l’offre alimentaire. Sodexo, le prestataire de restauration collective, propose tous les jours des menus équilibrés au restaurant d’entreprise. Régulièrement, des campagnes de communication sensibilisent le personnel à l’alimentation équilibrée. Après chaque action de ce type, « la consommation de frites baisse jusqu’à 50 %. Celles de poisson et de légumes augmentent respectivement de 50 % et de 80 % », observe le médecin.

En matière de promotion du bien-manger, les entreprises du secteur agroalimentaire veulent montrer l’exemple. Danone Research, la filiale recherche et développement du groupe alimentaire, a lancé en 2008 son programme “Health at work” sur son site de Palaiseau. Le volet nutritionnel de ces opérations comprend entre autres des conférences, des repas “alternatifs” au restaurant d’entreprise, un outil de coaching en ligne et des consultations nutritionnelles gratuites pour les 450 salariés de l’établissement. D’après Nicolas Gausserès, directeur de la nutrition, 180 personnes ont été accompagnées par une diététicienne. « Une des valeurs ajoutées de ce dispositif tient à ce qu’un laboratoire de l’Inserm [Institut national de la santé et de la recherche médicale] va en mesurer l’efficacité qualitative et les axes de progrès. » La plupart du temps en effet, la réussite des campagnes de santé nutrition s’évalue à l’aune du nombre de salariés intéressés par les mesures proposées.

Encadrement par la médecine du travail

Ainsi, la compagnie d’assurances Axa sensibilise depuis 2006 ses collaborateurs franciliens à un bon équilibre alimentaire via un large éventail d’outils : site Internet, e-mailings, affiches, conférences et suivi personnel avec un nutritionniste. « Les salariés peuvent bénéficier de cinq consultations gratuites avec un diététicien externe encadrées par la médecine du travail, précise Estelle Becuwe, en charge du développement durable de la responsabilité d’entreprise d’Axa France. À ce jour, 400 collaborateurs ont choisi l’accompagnement personnel. Les conférences et les ateliers pratiques autour de l’alimentation ont réuni plus de 700 participants. »

Pour Nicolas Rouig, diététicien intervenant chez l’assureur, la prévention nutritionnelle dans l’entreprise permet d’obtenir des résultats, même s’ils sont difficiles à estimer : « On constate un retour sur investissement en termes de présentéisme, de bien-être, d’image et de productivité », déclare-t-il.

Intérêt croissant

Du même avis, Anne-Sophie Godon, directrice prévention santé chez Malakoff Médéric, sent poindre un intérêt croissant des employeurs pour ces questions. « Le bien-être et la santé des salariés contribuent à la performance de l’entreprise », insiste-t-elle. L’organisme de protection sociale propose ainsi un kit de sensibilisation et d’information clé en main, le “cube santé entreprise”, qui met à disposition, dans le domaine de l’équilibre alimentaire, des bilans en ligne pour les salariés et l’employeur et de nombreux outils d’animation : idées de menus, affichettes, mini–exposition… « Sur plus de 1 000 coffrets distribués à nos clients l’année dernière, l’alimentation équilibrée représente près de la moitié des demandes, loin devant la prévention du tabac », constate-t-elle.

Il est vrai qu’une nutrition raisonnée peut fléchir l’absentéisme engendré par les affections liées à une alimentation malsaine. Mais ce n’est pas tout : selon l’étude de référence Food at work publiée en 2005 par l’Organisation internationale du travail, mieux manger stimule de 20 % la productivité.

La recette pour réussir une campagne nutritionnelle ? Selon Michel Chauliac, l’un des gages du succès tient à la participation des salariés : « La promotion de la santé est fondée sur l’appropriation par les bénéficiaires », note le médecin. Dans son programme “Health at work”, Danone Research a ainsi opté pour une démarche participative : un groupe de salariés volontaires anime et gère le contenu des actions.

Est-ce à dire que les politiques de prévention seraient réservées aux grands groupes ? Anne–Sophie Godon relève que la plus grande difficulté pour mettre en place des plans nutritionnels est liée à la taille des entreprises : « Généralement, il n’y a pas d’interlocuteurs dans les PME pour prendre en main ces programmes. »

Cela n’empêche pas des petites entreprises de mettre la main à la pâte. Exemple : la société marseillaise Futur Telecom, qui met chaque semaine des paniers de fruits à disposition de sa centaine de salariés : « Cela évite le grignotage de sucreries, explique Julie Pellegrini, responsable communication. Ce projet s’inscrit aussi dans le cadre de l’amélioration du bien-être des collaborateurs et donc de leur efficacité. Les salariés sont très satisfaits », assure-t-elle. Coût de l’opération : 200 euros mensuels.

Nicolas Rouig le confirme, les projets de prévention nutritionnelle ne nécessitent pas un budget format XXL : « Avec une enveloppe de 2 000 à 3 000 euros, on peut envisager des mini-conférences et des entretiens avec les salariés, rapporte-t-il. Pour envisager un suivi personnalisé et régulier sur du moyen terme, il faut compter un minimum de 10 000 euros. » Un budget raisonnable au regard des enjeux pour les employeurs.

L’ESSENTIEL

1 Les entreprises s’intéressent de plus en plus à l’assiette de leurs salariés, obésité croissante oblige.

2 Elles y ont tout intérêt face à l’absentéisme qu’engendrent les maladies comme le diabète ou les troubles cardio-vasculaires.

3 Sensibilisation, menus équilibrés au restaurant d’entreprise et consultation de nutritionnistes figurent parmi la palette de solutions apportées par les entreprises.

Le risque nutritionnel pèse sur les comptes

Le diabète peut nuire gravement à la productivité des entreprises. Une étude récente* montre qu’une personne diabétique peut manquer jusqu’à 15 heures de travail par mois. Ainsi, un diabétique sur cinq arrive en retard ou manque une journée complète de travail suite à une hypoglycémie. Perte estimée pour l’employeur : 1 587 euros par personne et par an. En France, le nombre de malades atteints du diabète ne cesse de croître : il atteint aujourd’hui 3,4 millions de personnes.

À en croire une enquête Sociovision**, le risque nutrition (diabète mais aussi obésité, maladies cardio-vasculaires…) augmente, lui, de 3 points en 2011 dans les entreprises par rapport à l’année précédente pour atteindre 33 % des salariés. Cette menace gonfle de 4 points dans les petites structures, où elle est la plus importante (36 % dans les entreprises de 20 à 49 salariés). Que ce soit en matière d’information ou de prévention, les employeurs ont encore du pain sur la planche !

* Publiée le 6 juin 2011 dans la revue Value in Health, réalisée aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France auprès de 1 404 personnes diabétiques de type 1 et de type 2.

** Enquête Santé en entreprise en 2011, réalisée en avril 2011 auprès d’un échantillon national de 3 500 salariés du secteur privé en France.

Auteur

  • JOSÉ GARCIA LOPEZ