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Le statut minier a limité l’impact social

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 13.09.2011 | PASCALE BRAUN

Voici dix ans, les unités pétrochimiques du groupe Total, de Cokes de Carling et de la centrale thermique Émile Huchet totalisaient 3 800 salariés sur la plate-forme de Carling (57), contre 1 400 aujourd’hui. Ces trois employeurs ont largement recouru aux mesures d’âge pour réduire les effectifs.

En juin dernier, l’énergéticien E.ON France annonçait la fermeture de deux des cinq tranches de la centrale Émile Huchet de Carling (Moselle), qui s’accompagnera de 215 suppressions de poste sur un effectif de 357 salariés. Dès la rentrée, la direction et l’intersyndicale CFE-CGC, CGT et FO négocieront les mesures d’accompagnement de ce plan social qui s’étalera jus­qu’en 2013. « La fermeture des deux tranches d’Émile Huchet, alors même que la France risque de manquer d’énergie, contribue au déclin de la plate-forme de Carling », déplore Alain Ruzié, délégué CGT.

De fait, ce sera un plan social de plus sur ce site industriel, où aucun des sites historiques, tous intrinsèquement liés au charbon, n’aura été épargné par l’hémorragie d’emplois. La seule plate-forme pétrochimique de France construite à l’intérieur des terres avait pour vocation de valoriser le coke, sous-produit charbonnier, sous forme de benzène et d’ammoniaque. Exploitée par Atofina (ex-Elf Atochem), filiale du groupe Total, elle comptait en 2001 deux vapo­craqueurs et employait 2800 salariés. À la plate-forme pétrochimique s’ajoutaient la cokerie et la centrale au charbon Émile Huchet. Ces deux filiales des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) employaient chacune environ 500 salariés, dont la plupart bénéficiaient du statut de mineur.

La plate-forme tout entière aurait pu disparaître avec la fermeture des mines. L’outil industriel fut néanmoins préservé grâce à d’importants investissements consentis par les trois industriels. En 2004, date de la fermeture de la dernière mine de charbon lorrain à Creutzwald, le site de Carling paraissait donc préservé. La désillusion n’allait pourtant pas tarder. En 2005, Total scinde sa pétrochimie et sa chimie de spécialité, qui poursuivent aujourd’hui leurs activités respectives sous le nom de Total Petrochemicals (TPF) et Arkema. Distinctes, les deux structures ont réduit leurs effectifs sur la plate-forme mosellane. TPF a successivement annoncé 243, puis 64 suppressions de poste sans licenciement et fermé plusieurs installations, dont l’un des deux vapocraqueurs et un atelier de styrène.

De graves dysfonctionnements

En juillet 2009, un accident mortel a mis en évidence une certaine vétusté, mais aussi les graves dysfonctionnements du dernier vapocraqueur. Le site, qui n’emploie plus que 630 salariés aujourd’hui, redoute la création d’un pipeline franco-allemand qui rendrait le dernier vapocraqueur caduc. Arkema a également réduit ses effectifs mosellans, passés à 420 salariés. Quant à la cokerie, la crise de 2008 lui aura été fatale. Étouffée sous ses stocks d’invendus, l’installation centenaire a fermé en octobre 2009, licenciant ses 400 salariés.

Sur place, les syndicats assistent, impuissants, à cette diminution drastique des effectifs : « Nous n’avons jamais cessé de nous battre contre les suppressions d’emploi, mais il est difficile d’aller à l’encontre de la vision mondialisée de Total, qui préfère investir au Moyen-Orient plutôt que dans l’ex-bassin houiller lorrain », regrette ainsi Aldo Scalzo, délégué CGT de TPF.

Départs anticipés

Toutefois, les conséquences sociales de ces différents plans ont été relativement limitées. Notamment par le recours massif aux départs anticipés rendus possibles par le statut minier, qui a fonctionné comme un véritable amortisseur social ; 235 anciens salariés de la cokerie en ont bénéficié, et, à la centrale Émile Huchet, « environ 200 anciens mineurs pourront demander une cessation d’activité anticipée, estime Alain Ruzié. Mais ils ne bénéficieront pas d’une pension à taux plein ».

Incitation au départ à la retraite, mobilité géographique au sein d’E.ON ou d’autres entreprises électriques ou gazières, aides à la mobilité externe et au départ volontaire devraient permettre d’éviter les licenciements des autres salariés concernés par le PSE de la centrale. À la cokerie, une cinquantaine de salariés ont pu être reclassés dans les installations sarroises de la maison mère, Rogesa.

Toutefois, quelque 80 jeunes salariés de la cokerie, recrutés dans la perspective de la relance du site, ont peiné à trouver un nouvel emploi dans un bassin paupérisé.

En dépit du déclin, l’heure n’est pas à la désespérance. L’investissement de 140 millions d’euros consenti par TPF en 2007 pour moderniser le site et le raccorder aux ateliers de styrène de Gonfreville (Seine-Maritime) semble constituer un gage de pérennité.

Voisin et client d’Arkema, le producteur de verre acrylique Altuglas a doublé sa capacité de production et procédé à 40 recrutements. Arkema engage quant à lui un programme de recherche sur l’acrylique d’origine végétale qui serait produit à Carling. La plate-forme, qui se caractérisait voici vingt ans par d’effrayantes nuisances olfactives et environnementales, a certes perdu des emplois, mais elle pourrait s’ouvrir, sans pour autant s’éteindre, à un avenir plus respirable.

LE COMPOSITE PARK, RELAIS DE L’EMPLOI

En parallèle de la fermeture du vapocraqueur en 2007, TPF a lancé, sans contrainte légale, un programme de revitalisation qui commence à porter ses fruits. Le groupe a consacré 8 millions d’euros à la revitalisation du bassin et assure avoir créé 250 emplois, soit plus que les 243 postes supprimés sur la plate-forme. Les fonds ont également contribué à la création du Composite Park, dédié aux matériaux et énergies d’avenir. Inauguré l’an dernier près de Carling, il doit permettre la création de 250 emplois à moyen terme.

Auteur

  • PASCALE BRAUN