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LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION

« La réforme vise à créer des Opca plus efficaces »

LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION | Interview | publié le : 13.09.2011 | V. G.-M.

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« La réforme vise à créer des Opca plus efficaces »

Crédit photo V. G.-M.

E & C : De nombreux acteurs de la formation professionnelle – partenaires sociaux, gestionnaires d’Opca – estiment que le “Questions-réponses” de la DGEFP expliquant votre vision de la réforme des Opca est intervenu très tardivement et a perturbé certains rapprochements de structures. Qu’en pensez-vous ?

Bertrand Martinot : Je ne partage pas ce point de vue sur le caractère tardif. L’objet de ce document était de rappeler l’état du droit applicable aux acteurs du système et d’en faciliter ainsi la bonne mise en œuvre. Aucun document de ce type n’avait été publié jusqu’à présent alors que les acteurs avaient des questions légitimes. Ce travail a nécessité du temps et la sortie des textes d’application de la loi.

Ce document a le mérite de dissiper les malentendus. Tous les acteurs qui nous ont contactés sur ce sujet se sont félicités d’une telle initiative. Je peux comprendre que ceux qui étaient déjà parfois en marge du droit n’aient pas eu le même état d’esprit !

Par ailleurs, l’ensemble de ces analyses ont été confirmées par la direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie et par les services juridiques de la Direction générale du travail.

Enfin, je rappelle que l’objectif est connu depuis près de deux ans, de même que les critères d’agrément et le seuil de collecte précisés par le décret sur les Opca du 22 septembre 2010.

E & C : La réforme prévoit une possibilité de délégation de gestion patronale au sein des nouveaux Opca, mais pas de délégation paritaire. Là encore, de nombreux partenaires sociaux et gestionnaires d’Opca ne comprennent pas pourquoi.

B. M. : Ce point est effectivement très important et reste au cœur des échanges avec certains Opca. Je souhaite d’abord rappeler un certain nombre de principes :

– le conseil d’administration de l’organisme, expression de la gestion paritaire, définit la stratégie générale de formation des secteurs professionnels qu’il représente. Il est le seul habilité à décider de la politique retenue et de ses incidences financières ;

– la spécificité des branches est prise en compte par les sections professionnelles paritaires, qui déterminent des orientations en matière de priorités et de conditions de prise en charge, sous réserve de l’accord du conseil d’administration ;

– enfin, sur le plan de la gestion, l’Opca peut soit mettre en œuvre lui-même les décisions du conseil d’administration, soit en déléguer tout ou partie de la mise en œuvre à un délégataire relevant d’une ou plusieurs organisations d’employeurs signataires de l’accord fondateur de l’Opca.

Cette délégation de gestion doit donc être véritablement circonscrite à la mise en œuvre de la gestion administrative au sens strict – service de proximité, instruction des demandes de prise en charge, collecte… – prise pour le compte et sous le contrôle du conseil d’administration de l’Opca. Elle n’a pas à s’étendre à la conduite de politique de branche ou de politique de formation professionnelle sur une base territoriale.

Par ailleurs, cette délégation ne doit pas conduire à un transfert de pouvoirs à des structures spécifiques, contribuant ainsi à affaiblir les pouvoirs du conseil d’administration. C’est précisément pour renforcer l’expression de la gestion paritaire que nous veillons à un strict respect de ces principes. Toute entorse à ceux-ci est de nature à conduire au renforcement de structures parallèles, véritables contre-pouvoirs susceptibles d’affaiblir l’Opca et d’entraver aussi bien la mutualisation des fonds que l’unité même de l’organisation. C’est un point fort de la réforme, qui vise à créer des ensembles plus efficaces, qui assurent une véritable mutualisation des ressources et qui permettent une grande clarté dans les circuits de décision et de responsabilité.

E & C : Admettez-vous pour autant que certaines spécificités métiers puissent nécessiter des traitements spéciaux et des services ad hoc ?

B. M. : Quant aux spécificités des métiers, notamment d’ingénierie, qui justifient que des agents soient dédiés à certaines branches, il ne s’agit aucunement de les nier ou de les remettre en cause. Ces métiers et ces agents peuvent parfaitement justifier l’existence de services administratifs spécifiques au sein de l’Opca ou des antennes géographiques, non justifier l’existence d’opérateurs spécifiques de branches.

Imaginez-vous si les 25 branches d’un Opca souhaitaient toutes leur propre délégataire : je ne pense pas, à la lecture de la loi, que le législateur ait imaginé cela en favorisant le regroupement des Opca.

E & C : Peut-on alors imaginer une délégation paritaire sans le risque de transfert de pouvoir que vous évoquez ?

B. M. : La seule question légitime est de savoir si le caractère exclusivement patronal de la délégation correspond encore aux évolutions des pratiques sur les territoires. Dans la mesure où une telle évolution ne remet pas en cause les principes de fonctionnement des organismes agréés tels qu’ils viennent d’être précisés, une modification de l’article R. 6332-17 autorisant les organisations de salariés signataires de l’accord constitutif de l’Opca à mettre en œuvre, avec les organisations d’employeurs, les décisions de gestion des conseils d’administration des Opca me paraît tout à fait souhaitable.

E & C : Quelle sera la procédure d’agrément retenue pour les futurs Opca ? Quelle sera l’articulation entre agrément et conventions d’objectifs et de moyens que les Opca devront signer avec la DGEFP ?

B. M. : Dès lors que les conditions d’agrément semblent réunies, sous réserve des consultations réglementaires, il n’y a aucune raison pour retarder les négociations d’une COM. Dans ce cas, tout pourra aller très vite.

Inversement, il me paraît difficile d’entamer des négociations sur les conventions d’objectifs et de moyens avec des organismes dont le dossier pose des questions de fond au regard du respect de la réglementation. Nous examinerons avec la plus grande vigilance le contenu des accords constitutifs des Opca : les agréments ne seront évidemment pas automatiques. Il est évident que je ne pourrai pas proposer au ministre d’agréer un organisme qui ne respecterait pas les grands principes fondant l’agrément tels que l’unicité, la mutualisation réelle des contributions quand la loi le prévoit, le respect des compétences dévolues à chacune des instances (SPP, CA, délégations de gestion…), la transparence de gestion…

Rappelons que cette réforme et le relèvement du seuil minimum de collecte des Opca de branche au titre du plan de formation et de la professionnalisation à 100 millions d’euros doit permettre d’atteindre la taille critique suffisante pour financer un service de proximité de qualité aux entreprises. Le législateur a également introduit un critère de cohérence professionnelle afin de permettre à des secteurs dont les familles professionnelles seraient proches de pouvoir se regrouper dans un souci de rapprochement des politiques de formation.

E & C : Que deviendront les contrats de travail des personnels des Opca qui disparaissent ?

B. M. : Juridiquement, l’article L. 1224-1 du Code du travail prévoit que, s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. La convention d’objectifs et de moyens devra permettre d’appréhender la nature et le volume des sureffectifs éventuels et de parvenir à des solutions adaptées à cette problématique sur la durée de la COM.

Auteur

  • V. G.-M.