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Sales commissions plans, targets… doivent être rédigés en français

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 13.09.2011 | Emmanuel Noirot

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Sales commissions plans, targets… doivent être rédigés en français

Crédit photo Emmanuel Noirot

Alors que l’usage de l’anglais est désormais usuel, la Cour de cassation a récemment rappelé que les documents qui comportent des obligations pour le salarié doivent être rédigés en français, à peine de lui être inopposables. Ce faisant, elle a rendu toute sa vigueur aux dispositions issues de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, plus connue sous le nom de loi Toubon. Depuis cette date, l’emploi du français est la règle de principe dans les relations de travail : l’usage de la langue française est imposé par l’article L. 1221-3 du Code du travail, qui dispose que « le contrat de travail établi par écrit est rédigé en français ». Ce texte doit être rapproché de l’article L. 1321-6 du même code, qui prévoit que « le règlement intérieur doit être rédigé en français […] » et qu’il en va de même pour « tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail », à l’exception des « documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers ».

Dans l’affaire jugée le 29 juin 2011 par la Cour de cassation (n° 09-67 492), la filiale française d’un groupe américain était poursuivie par son ancien directeur exécutif, licencié pour insuffisance professionnelle. Aux termes de son contrat de travail, ce dernier bénéficiait d’une rémunération fixe et d’un variable déterminé en fonction d’objectifs précisés dans un document établi chaque année et soumis à sa signature. En l’espèce, ce document était rédigé en anglais. Ces objectifs constituaient bien des « obligations », puisque le salarié avait été licencié pour une insuffisance caractérisée par la non-atteinte répétée des objectifs assignés – que le salarié avait d’ailleurs refusé de signer. Ces obligations auraient donc dû être traduites en français pour lui être opposables…

On voit d’emblée que des difficultés peuvent surgir en pratique dans les entités françaises de groupes multinationaux organisés par régions ou lignes de métiers transnationales, au sein desquelles sont mis en œuvre des objectifs globaux… souvent exprimés en anglais.

L’employeur français, qui décline au sein de ses équipes des projets établis à l’étranger, pourrait être tenté de se prévaloir de l’exception visée par le législateur, selon laquelle, lorsque le document provient de l’étranger, il n’est pas impératif qu’il soit rédigé en français. Cette exception ne vaudra sans doute pas lorsque l’employeur français sera l’auteur ou l’expéditeur du document litigieux. On distingue en effet, d’une part, les documents qui relèvent de la sphère du contrat de travail, qui sont régis par l’article L. 1221-3 du Code du travail et sont obligatoirement rédigés en français, et, d’autre part, ceux qui relèvent de la sphère du règlement intérieur tels que ceux qui comportent des obligations pour le salarié ou sont nécessaires à l’exécution de son travail (par exemple des notes de service), qui sont régis par l’article L. 1321-6 du même code. Les premiers doivent en toute hypothèse être rédigés en français. Or la rémunération variable s’inscrit dans la sphère contractuelle (Cass. Soc. 8 janvier 2002 n° 99-44 467), de sorte que les objectifs qui supportent celle-ci doivent être exprimés en français quand bien même ils proviendraient de l’étranger.

De manière générale, si un document provenant de l’étranger ne doit pas forcément être traduit en français, il convient d’être vigilant quant à la nature du document : s’il relève de la sphère du contrat de travail, il ne bénéficie pas de l’exception de traduction visée plus haut. En l’occurrence, les enjeux financiers sont considérables, car les objectifs qui seront déclarés inopposables généreront un débat sur le montant des commissions dues aux salariés concernés. D’autres documents peuvent également poser problème lorsqu’ils sont rédigés en anglais (par exemple un descriptif de fonction) et être déclarés inopposables à un salarié français.

Les employeurs doivent donc mener un audit précis des documents en vigueur au sein de l’entreprise, pour vérifier qu’ils ne sont pas exposés à des risques de contestation sur ce terrain.

Auteur

  • Emmanuel Noirot