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Enquête

RECRUTER SANS CV DES PERSONNES ELOIGNEES DE L’EMPLOI

Enquête | publié le : 06.09.2011 | MARIETTE KAMMERER

Pour aider les personnes en difficulté d’insertion à rencontrer les employeurs, la méthode IOD propose aux PME de mieux définir leurs besoins et de renouveler la conduite de l’entretien d’embauche.

L’entreprise Demeyer, PME lilloise qui réalise du transport de personnes en voiture particulière, a recruté 4 salariés, soit un quart de ses effectifs, sans connaître leur CV ni leur parcours. Comment ? En acceptant les services d’une équipe d’agents d’insertion qui utilise la méthode IOD (intervention sur les offres et les demandes) pour insérer des personnes éloignées de l’emploi.

Cette méthode de recrutement sans CV née il y a une vingtaine d’années est utilisée actuellement par 80 équipes de médiateurs en France, qui prospectent les entreprises offrant des postes à faible niveau de qualification. « J’ai accepté la proposition de l’association Arefep, car j’avais du mal à trouver des chauffeurs motivés en utilisant les moyens classiques de recrutement, Pôle emploi et des annonces dans la presse », explique Jean-Claude Demeyer, chef d’entreprise.

Analyser les besoins

La méthode IOD consiste, dans un premier temps, à analyser le poste de travail, comprendre les besoins de l’entreprise et définir avec l’employeur quels sont les diplômes, savoir-faire ou savoir-être strictement nécessaires. « Par exemple, les employeurs exigent souvent le bac alors que ce n’est pas justifié », explique Séverine Boulogne, chargée de mission IOD à l’Arefep. Chez Demeyer, le seul prérequis était d’avoir le permis de conduire depuis trois ans. « Les personnes que nous suivons à l’association nous sont adressées par leur référent RSA, indique la chargée d’insertion, nous proposons le poste à celles qui ont le profil mais nous présentons un seul candidat à l’entreprise, pour éviter tout effet de concurrence. »

L’employeur rencontre le candidat lors d’un entretien de mise en relation, en présence du médiateur. À l’inverse des entretiens d’embauche classiques, le candidat ne présente pas son parcours ni ses compétences – ce qui le desservirait –, la discussion est centrée sur l’entreprise, le poste de travail et les attentes de l’employeur. « En général, l’entretien se déroule sur le lieu de travail, parfois en présence d’autres salariés, afin que le candidat puisse avoir une vision assez concrète de ce qui l’attend, précise la médiatrice. Cela évite les malentendus : par exemple, un candidat a refusé un emploi à cause d’un environnement très bruyant. » « C’est un peu perturbant de ne pas voir le CV de la personne, de ne rien savoir sur elle, mais il faut faire confiance au chargé d’insertion qui a sélectionné le candidat sur ses compétences », indique Jean-Claude Demeyer.

Après la signature du contrat de travail – CDI ou CDD de plus de six mois –, l’équipe IOD continue à suivre le salarié pendant la période d’essai. Chez Demeyer, tout nouveau chauffeur passe trois jours en doublon avec un autre chauffeur qui le met en confiance et lui explique le fonctionnement des plannings. « J’ai rencontré une personne très motivée, cela s’est très bien passé et j’ai fait à nouveau appel à l’association pour recruter trois autres chauffeurs, ajoute le chef d’entreprise. Pour moi, c’est un gain de temps énorme car je n’ai pas à éplucher les CV, le travail de présélection est déjà fait. »

Employeurs satisfaits

Même s’il arrive parfois qu’une entreprise n’adhère pas, accepte mal le suivi post-recrutement, notamment quand l’équipe IOD lui signale un problème dans la manière d’intégrer le salarié, la chargée d’insertion confirme que la plupart des employeurs jouent le jeu jusqu’au bout, sont satisfaits et reviennent pour d’autres recrutements. « Et les personnes qui sont embauchées de cette manière n’auraient eu aucune chance de voir leur CV sélectionné ou de réussir un entretien d’embauche classique », ajoute-t-elle. Le chef d’entreprise confirme : « L’un des quatre chauffeurs était cuisinier, un autre a fait la légion étrangère, c’est sûr que Pôle emploi ne leur aurait jamais proposé ce poste, et pourtant, ils font très bien l’affaire. »

Au total, plus de la moitié des reprises d’emploi par cette méthode sont des expériences professionnelles nouvelles, dont 58 % en CDI.

Une formation pour pérenniser la méthode

→ Quand ils ne sont pas sollicités par les équipes IOD, les employeurs ont tendance à revenir à leurs anciennes pratiques lorsqu’ils recrutent. Aussi, l’association Transfer-IOD va-t-elle déployer cet automne une formation pour une dizaine de PME franciliennes. Cette expérimentation, financée par les pouvoirs publics d’Île-de-France et soutenue par le CJD et la CFDT locaux, devra notamment « apprendre aux recruteurs à définir leur besoin en mettant l’accent sur le travail à réaliser, et associer les salariés de l’entreprise au processus d’embauche », détaille Jean-Marc Lafitte, co-inventeur de la méthode et directeur de l’association. Objectif : intégrer de façon pérenne les principes de la méthode IOD dans les usages habituels des recruteurs.

<www.transfer-iod.org>

Auteur

  • MARIETTE KAMMERER