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Trois profils de dirigeants

Enjeux | LA CHRONIQUE DE MERYEM LE SAGET | publié le : 06.09.2011 | MERYEM LE SAGET

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Trois profils de dirigeants

Crédit photo MERYEM LE SAGET

« Dans la littérature managériale, on parle abondamment du quoi et du comment, mais on s’intéresse peu au qui, c’est-à-dire à la personnalité du dirigeant. » Dans Artistes, artisans et technocrates, Patricia Pitcher brosse avec brio trois grands profils de managers. J’avais déjà lu son livre à sa parution, sa relecture récente m’a enthousiasmée de nouveau, car l’analyse n’a rien perdu de son acuité.

L’Artiste est un dirigeant audacieux, enthousiaste, changeant, intuitif, imaginatif, inspirateur, visionnaire. Il n’accepte pas l’interprétation conventionnelle du monde. Toujours engagé émotionnellement, il rêve grand et loin. Poussé par son intuition et son charisme, il cherche les ruptures innovantes. Il fascine, est très aimé, mais le quotidien n’est pas toujours tranquille à ses côtés.

L’Artisan s’est forgé par l’expérience. Il connaît parfaitement son domaine et la tradition du métier. Il n’aime pas forcément le changement, mais s’y résout si ce dernier s’avère utile. Posé, digne de confiance, réaliste, factuel, l’artisan se préoccupe des plans d’action, des avancées concrètes, en améliorant ce que l’entreprise produit déjà et en renforçant son cœur de métier. Il construit sur l’expérience, en s’appuyant sur ses équipes, dont il est aimé et respecté.

Le Technocrate correspond à la description classique du dictionnaire : « Personne tendant à faire prévaloir les conceptions techniques d’un problème au détriment des conséquences sociales ou humaines. » Souvent très diplômé, il est persuadé de connaître parfaitement la réalité puisqu’il l’a analysée et traduite en tableaux. Émotionnellement toujours en contrôle, sérieux, intellectuellement brillant, il prend de l’ascendant sur autrui par ses analyses méticuleuses. Il recherche les bénéfices rapides, les résultats par rationalisation des activités. Il n’est pas aimé, car il est jugé trop cérébral, trop « sec », mais on le respecte pour ses analyses et sa détermination.

Les entreprises les plus dynamiques maintiennent une bonne complémentarité des trois profils, en employant le technocrate dans son rôle d’expertise. Mais Patricia Pitcher nous met en garde contre l’évolution sournoise de l’organigramme. Souvent dirigée au début par un artiste et un artisan (le binôme fécond), l’entreprise fait entrer des technocrates pour se doter d’outils performants : marketing, stratégie, finance, gestion des affaires. Progressivement, les technocrates prennent le pouvoir, en brillant par leurs analyses et en laissant entendre qu’il y a risque à laisser des décisions importantes aux mains d’artisans, ou pire, d’artistes. Car la vraie compétence, ce sont eux.

Bref, les artistes sont éjectés en premier et remplacés par des technocrates. Pas besoin de grandes idées, parlons rentabilité. Ensuite vient le tour des artisans. Dépoussiérons l’ancienne conception du métier, place à la modernité. Progressivement, toutes les décisions se rassemblent entre les mains des technocrates.

Résultats ? Des entreprises de plus en plus stériles, qui perdent leur âme, anesthésiées par des concepts et des recommandations nourries de ratios. En fait, elles se coupent progressivement de la vraie vie : celle de l’imagination et de l’expérience, celle des aspirations et des indignations, celle des collaborateurs et des clients. Terrifiant… Alors, ne nous laissons pas enfariner. La compétence des artistes et des artisans est vitale pour construire le monde de demain.

Artistes, artisans et technocrates, Patricia Pitcher, 2e édition 2006, Éditions Québec Amérique.

Auteur

  • MERYEM LE SAGET