logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Actualités

Quelle feuille de route pour Pôle emploi ?

Actualités | publié le : 06.09.2011 | AURORE DOHY, ÉLODIE SARFATI

Image

Quelle feuille de route pour Pôle emploi ?

Crédit photo AURORE DOHY, ÉLODIE SARFATI

Alors que paraît cette semaine le livre* bilan de Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi, dénonçant notamment l’insuffisance des moyens alloués à l’institution, les partenaires sociaux doivent renégocier d’ici à la fin de l’année la convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi pour la période 2012-2014. L’enjeu : mieux accompagner les demandeurs d’emploi, dont le nombre est reparti à la hausse, tandis que de nombreuses voix plaident pour un renforcement des effectifs de l’organisme.

Fin d’année mouvementée pour Pôle emploi : outre le départ annoncé de Christian Charpy, son directeur général – qui sort le 8 septembre un livre* dans lequel il dresse le bilan sans concession de ses trois années à la tête de l’organisme et évoque ses relations avec les politiques et les syndicats –, les partenaires sociaux et l’État s’apprêtent à renégocier la convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi, qui devra s’appliquer dès janvier 2012. Courant septembre, le ministre du Travail doit recevoir les partenaires sociaux pour préparer la prochaine feuille de route de l’organisme – l’Igas et l’IGF ont d’ailleurs été missionnés pour « faire des propositions » destinées à baliser la négociation.

Les enjeux sont de taille dans un contexte de hausse des demandeurs d’emploi. Fin juillet, près de 4,128 millions de personnes étaient inscrites à Pôle emploi, dont 1,5 million depuis plus d’un an. Pôle emploi devra également mettre en musique certaines clauses contenues dans les accords interprofessionnels conclus au 1er semestre, comme l’accompagnement renforcé des jeunes ou encore le contrat de sécurisation professionnelle.

Objectifs irréalistes

Or c’est tout le fonctionnement de Pôle emploi qui devra être remis à plat, tant la convention qui s’achève fait figure, rétrospectivement, de coquille vide. « Sur le papier, les objectifs de la première convention étaient séduisants. Sur le terrain, c’est un véritable fiasco », déplore Maurad Rabhi (CGT), qui dénonce l’explosion de la taille des portefeuilles des conseillers – de 60 demandeurs d’emploi prévus, on atteint parfois plus de 150 personnes suivies par conseiller – ou la faiblesse des formations dispensées aux agents, loin des ambitions initiales.

De plus, « l’erreur fondatrice de Pôle emploi a été de vouloir rationaliser ses fonctions en y appliquant des méthodes industrielles. Du coup, les conseillers passent plus de temps à renseigner des indicateurs qu’à recevoir les demandeurs d’emploi », estime Michel Abhervé, professeur associé à l’université de Marne-la-Vallée. De fait, pas moins d’une trentaine d’indicateurs étaient prévus dans la première convention.

Taylorisation des tâches

Celle-ci ambitionnait pourtant de mettre en place un accompagnement personnalisé, notamment via le suivi mensuel personnalisé (SMP) avec un conseiller référent, proposé à chaque demandeur d’emploi dès son 4e mois d’inscription. Mais la hausse brutale du chômage a entraîné une « dégradation du SMP » – seuls 36 % des entretiens prévus sont réalisés – ainsi qu’une « tendance à la taylorisation des tâches », pointe le Sénat dans un rapport présenté début juillet. Et de citer une durée « très calibrée » des entretiens, quelle que soit la situation des personnes en recherche d’emploi.

D’où l’idée d’aller vers plus de souplesse dans les parcours d’accompagnement proposés aux chômeurs. Ainsi, dans une note publiée en juin dernier, le Centre d’analyse stratégique suggère d’accentuer l’autonomie des conseillers, qui seraient libres de « définir la fréquence, la durée ainsi que les modalités d’entretien, en fonction des besoins » de chaque demandeur d’emploi, et disposeraient de « petites enveloppes fongibles » pour financer des services d’accès à l’emploi. L’idée semble partagée au gouvernement. Xavier Bertrand confirmait dans un entretien au Figaro du 25 août qu’une plus grande autonomie serait avant même 2012 accordée aux agences pour accroître leur réactivité, notamment par un « droit de tirage » sur les formations. Un pas aussi vers la territorialisation de Pôle emploi, que la CGT voit poindre avec « beaucoup de réserves ». Maurad Rabhi s’inquiète en effet de la perspective de voir les « régions mises en concurrence les unes par rapport aux autres » ou de ne plus pouvoir suivre le nombre de radiations au niveau national.

Derrière ce débat, c’est la question des moyens de Pôle emploi qui est posée. Le budget de l’organisme provient de deux sources : l’Unédic, qui doit lui reverser 10 % des cotisations qu’elle prélève, et l’État. Or les syndicats n’ont cessé de dénoncer le désengagement de ce dernier, qui, par exemple, n’a pas compensé le transfert des 1 000 psychologues de l’Afpa opéré en 2010.

Renforcement ciblé des moyens

Reste que pour FO, la question des effectifs devra être posée lors de la négociation de la convention. « En 2011, 1800 postes ont été supprimés », rappelle Stéphane Lardy. Seulement, la baisse du chômage un peu trop vite anticipée par Xavier Bertrand n’a pas eu lieu. Dans son rapport, le Sénat, s’appuyant sur les données de l’IGF (lire l’encadré), estimait qu’il fallait, au-delà d’un redéploiement d’effectifs en interne, un « renforcement ciblé et raisonnable des moyens de Pôle emploi », pour se rapprocher du portefeuille prévu de 60 personnes suivies par conseiller.

Pour 2012, l’État s’est engagé à maintenir le même niveau de dotation qu’en 2011, soit 1,36 milliard d’euros, mais il va falloir se battre pour obtenir ce maintien, craint Marie-Françoise Leflon, de la CFE-CGC. Elle demande également « a minima un maintien des effectifs. Nous devons conserver les CDD recrutés pendant la crise et qui se sont professionnalisés ».

Encore faut-il que la discussion soit ouverte, car les syndicats dénoncent l’absence de débat sur le financement de Pôle emploi, notamment au sein du conseil d’administration de l’organisme, qui fait office de “chambre d’enregistrement” des décisions gouvernementales.

* La tête de l’emploi, éd. Tallandier.

Le service public français en sous-effectif

Avec 62 056 ETP, dont les trois quarts à Pôle emploi (46 576 ETP), le service public de l’emploi (SPE) français est mieux doté que son équivalent britannique (53 844 ETP), mais nettement moins bien que le SPE allemand (127 450 ETP), d’après un rapport de l’Inspection générale des finances de janvier 2011. Mais, rapporté au nombre de demandeurs d’emploi, la France se situe en queue de peloton : on compte 150 ETP pour 10 000 chômeurs, soit moitié moins que dans les deux autres pays étudiés.

Un tiers des effectifs du SPE français sont dédiés à l’accompagnement des demandeurs d’emploi, contre 51 % en Grande-Bretagne. Cette mission « semble donc être le parent pauvre du SPE français » remarque le Sénat, par rapport à l’accueil et à l’indemnisation des demandeurs d’emploi, ou encore aux services aux employeurs. Sur ce dernier item, l’effort consenti par la France est plus important que dans les deux pays voisins, puisqu’elle y affecte 10 % des effectifs du SPE, contre 4 % en Grande-Bretagne et en Allemagne.

Auteur

  • AURORE DOHY, ÉLODIE SARFATI