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LE POOLING, un outil de pilotage de la protection sociale

Pratiques | publié le : 30.08.2011 | SÉVERINE CHARON

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LE POOLING, un outil de pilotage de la protection sociale

Crédit photo SÉVERINE CHARON

Utilisée par les groupes du CAC 40, la technique du pooling a de plus en plus de succès auprès d’entreprises de toutes tailles qui s’internationalisent. Outre des tarifs plus avantageux, ce dispositif, qui consiste à mutualiser les résultats de différents contrats de protection sociale à l’international, permet aux DRH de mieux piloter, voire d’harmoniser les garanties.

Les entreprises qui se développent à l’international sont de plus en plus tentées de recourir à un pool d’assurances. En pratique, l’employeur souscrit, dans chacun des pays où il a des salariés, un contrat d’assurance collective auprès d’un assureur partenaire d’un réseau de pooling. Le réseau permet ensuite à l’entreprise de consolider les résultats locaux dans un compte financier unique, mutualisant ainsi les risques entre les différentes implantations géographiques et lissant les primes d’assurance payées annuellement. Si un sinistre important survient dans une petite filiale, son coût ne vient pas détériorer les résultats, car il est supporté par l’ensemble des salariés du groupe, voire pourra être étalé sur plusieurs exercices.

Un intérêt financier évident

L’intérêt financier du pooling est évident. Les courtiers et sociétés de conseil estiment qu’il permet d’économiser 10 % à 15 % du coût global de la protection sociale d’un groupe. La consolidation des résultats donne lieu à des économies d’échelle sur les prix négociés auprès de l’assureur, mais aussi sur les frais. « Le contrôle central permet également d’avoir une influence plus importante sur la tarification », estime Thibaut Duperret, responsable de l’offre internationale chez Mercer.

Mettre en place un pool d’assurance nécessite également de se livrer à l’inventaire de tout ce qui existe dans un groupe en matière d’assurance de la personne (santé, incapacité, invalidité, vie et décès, retraite). « Le pooling, c’est la première étape vers une politique RH globalisée. Pour autant, procéder à un état des lieux et à une cartographie des risques ne signifie pas que tout va devoir être harmonisé », résume Thibaut Duperret. Cela permet en tout cas d’identifier rapidement les garanties déraisonnablement élevées, ou insuffisantes, au regard des standards de la maison mère.

Reporting centralisé des risques

Mais surtout, l’entreprise va obtenir un “reporting centralisé” sur tous les risques inclus dans le pool. « Le pooling permet d’avoir un suivi de ses risques et de mettre en place le niveau de réassurance adapté », confirme Sylvain Rousseau, directeur de la division prévoyance, santé, retraite et avantage sociaux chez Towers Watson, pour qui le pooling est « davantage un outil de gouvernance qu’un moyen de faire des économies ». Cette visibilité globale sur la protection sociale de tous les salariés peut inciter les entreprises à mieux contrôler certaines dépenses ou à harmoniser certaines garanties.

Des entreprises qui s’internationalisent

Depuis plusieurs décennies, le pooling est proposé par une petite dizaine de réseaux d’assureurs internationaux auxquels participent les grands assureurs français. Prisé par les Anglo-Saxons de toutes tailles, il est pratiqué par la majorité des groupes du CAC 40 mais aussi par des entreprises plus modestes qui s’internationalisent. C’est le cas du Groupe Rémy Cointreau, qui compte 1 700 salariés et de nombreuses implantations à l’étranger. « Entre 2007 et 2009, le groupe a changé de physionomie en décidant de créer des filiales de distribution, explique Fabrice Bazerolle, directeur des rémunérations. En deux ans, les effectifs ont notablement augmenté et, surtout, leur répartition s’est profondément modifiée. » La part des non-Français a augmenté, passant de 20 % à plus de 50 % des effectifs. Le groupe compte désormais 800 salariés en France et 900 à l’étranger.

Chaque directeur des ressources humaines ayant été chargé d’évaluer les répercussions dans son domaine, la question de la protection sociale est rapidement arrivée sur la table. « En participant à des colloques, il m’est vite apparu que le sujet du pooling devait être traité, même s’il me paraissait au début très obscur », ajoute Fabrice Bazerolle. Au final, le pooling a facilité la vie de ce groupe très présent en Chine. Il n’a même pas eu besoin de changer de prestataire, car son assureur historique en France avait un réseau de pooling bien installé dans ce pays.

« Cette technique facilite le travail des DRH dans les pays exotiques, commente Sylvain Rousseau. Il permet de retenir des assureurs locaux respectant une grille de critères garantis par le réseau. » Un DRH dont le groupe prend pied au Kazakhstan n’a pas forcément le temps de répertorier les assureurs présents sur ce marché et de vérifier leur solidité et leur réputation. Avec un réseau de pooling, le partenaire est tout trouvé : c’est le correspondant du réseau aux standards du réseau.

Le recours au pooling est intéressant dès que l’entreprise est présente dans au moins deux pays, précisent les experts. C’est davantage l’internationalisation que la taille qui importe. Si, en pratique, la majorité des réseaux de pooling fixent des seuils minimaux tant en termes d’effectifs que de primes d’assurance, il faut savoir que des solutions “clé en main” existent.

Des pools peuvent être par exemple partagés entre plusieurs employeurs. « Ce n’est pas une solution élitiste réservée à de grands groupes internationaux. Il n’y a pas de taille minimum dans notre réseau, et d’ailleurs, un tiers de nos clients en pool pèse moins de 100 000 euros de primes annuelles en France », indique Typhaine Delorme, directrice du marché des assurances collectives à Gan Eurocourtage.

Les différences entre les systèmes de santé des pays peuvent compliquer l’usage du pooling. De même, il est plus difficile lorsqu’il existe une mutuelle santé ou une part salariée dans le financement des garanties. Mais il est possible d’avoir recours au pooling uniquement sur la part employeur.

Une phase de compréhension et d’acceptation

Autre souci : le pooling dépossède le DRH local de certaines de ses prérogatives : le choix de l’assureur, voire la détermination des garanties. En revanche, il peut y gagner en termes de pilotage de ses risques et sur le plan financier si le siège ne choisit pas de rapatrier les éventuels excédents du pool. « Le pooling nécessite une phase de compréhension et d’acceptation du dispositif par les DRH des filiales. Il faut qu’ils comprennent qu’ils ne perdront pas leur autonomie et qu’il y aura des avantages locaux au pooling », souligne Typhaine Delorme.

Convaincre le management local

Chez Rémy Cointreau, le pooling a été constitué en même temps que la plupart des filiales, ce qui a facilité sa mise en place. « Mais nous avons quand même dû donner plus de temps à notre filiale américaine qui compte 250 personnes, précise Fabrice Bazerolle. Il a fallu convaincre le management local qu’il serait avantageux d’adopter l’assureur du pool. » Résultat : une économie de 15 % a été obtenue sur les primes.

L’ESSENTIEL

1 Le pooling consiste à fondre au niveau international les résultats des différents contrats de protection sociale d’un groupe. Cela permet de réaliser des économies d’échelle et de mutualiser les risques.

2 Le dispositif améliore le pilotage de la protection sociale.

3 Une phase de pédagogie est nécessaire pour convaincre les filiales.

Une collaboration DRH-risk manager ?

Sylvain Rousseau, de Towers Watson, reconnaît que le pooling est « un système compliqué » parce qu’il implique « de connaître assurance et législations locales ». S’il relève bien de la gestion des ressources humaines, le dispositif fait appel à des techniques d’assurance et de réassurance qui peuvent être légitimement obscures pour un DRH.

Selon son appétence au risque, le client peut protéger tout ou partie de son résultat de pool ou se donner la faculté de reporter des pertes sur les exercices suivants en recourant à la réassurance. Pour cette raison, le pooling peut permettre au risk manager, habituellement cantonné aux assurances de biens et de responsabilité, de travailler sur les risques liés aux personnes, estime Frédéric Lucas, secrétaire général de l’Association pour le management des risques et des assurances dans l’entreprise (Amrae). Cela peut aider des DRH, parfois un peu rebutés par le sujet. « Je présente cette technique aux DRH comme un moyen d’homogénéiser les programmes d’assurance au sein d’un groupe », conclut Frédéric Lucas.

Auteur

  • SÉVERINE CHARON