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« IL EST URGENT QUE LA FONCTION RH S’INTÉRESSE À L’ORGANISATION DU TRAVAIL »

Enquête | publié le : 30.08.2011 | VIOLETTE QUEUNIET

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« IL EST URGENT QUE LA FONCTION RH S’INTÉRESSE À L’ORGANISATION DU TRAVAIL »

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

E & C : Le travail et son organisation font-ils partie des préoccupations des responsables RH ?

P. F. : Historiquement, la fonction RH a longtemps été en prise avec les questions d’organisation. Le mouvement sociotechnique, par exemple, très présent dans les années 1970 et 1980, représentait clairement une vision de la fonction à cheval entre gestion et organisation. Outre-Atlantique, le courant de l’Organizational Development (OD) a fortement marqué la fonction.

Mais c’est un champ qu’elle a désinvesti depuis une dizaine d’années pour prendre une dimension plus gestionnaire. Confrontée à la nécessité de prouver sa valeur ajoutée, elle s’est centrée sur le reporting et la communication et s’est éloignée des questions du travail. Aujourd’hui, ces questions reviennent sur le devant de la scène et interpellent la fonction RH.

E & C : Pour quelles raisons ?

P. F. : Depuis une quinzaine d’années, les grandes entreprises évoluent vers plus de complexité avec des organisations centrées clients, en réseau, matricielles…

Mais ces évolutions sont essentiellement décrites à un niveau macro, avec des définitions très larges sur la façon dont l’entreprise doit fonctionner. L’impact des mutations organisationnelles sur le contenu du travail est peu analysé, entraînant un transfert de la régulation sur les salariés eux-mêmes. Les objectifs et la performance attendus sont formalisés, mais on ne dialogue plus sur la façon dont les salariés doivent travailler pour obtenir ces résultats. À l’aune des projets de réorganisation et de la montée du courant des risques psychosociaux, on voit qu’il y a urgence, aujourd’hui, à ce que la fonction RH se remobilise sur les questions du travail. Penser finement les conséquences des mutations sur le travail, son contenu, ses conditions, son organisation : il y a là un ensemble vide, en même temps qu’un chantier à investir par la fonction RH.

E & C : De quels moyens disposent les responsables RH pour réinvestir le champ du travail ?

P. F. : Avant de parler des méthodes, il y a d’abord à opérer un déplacement. La fonction RH s’est épuisée pendant des années sur les questions de compétences, de GPEC. Plutôt que de faire une “job description” en chambre, il faudrait aller sur le terrain observer comment les gens travaillent. Opérer ce déplacement permettrait de revisiter non seulement la gestion des compétences mais l’ensemble des champs RH : processus de recrutement, de formation, d’évaluation, dialogue social. Ce qui est certain, c’est que la fonction RH ne pourra agir sur le travail qu’en coopération avec d’autres acteurs au sein de l’entreprise. Trois leviers sont à sa disposition : l’analyse et le décodage des situations de travail pour en comprendre les risques possibles (intensification, appauvrissement, surcharge cognitive…), la prise en compte des éléments touchant le travail “réalisé” et le travail “vécu” par les salariés dans la façon de penser l’évolution des organisations, l’aide à la conception d’organisations qui intègrent des principes directeurs RH.

E & C : S’intéresser au travail est-il un moyen de “réenchanter” la fonction RH ?

P. F. : Il est certain que la fonction RH, longtemps associée à l’image de cost killer dans le cadre de l’accompagnement des restructurations, pourrait reconquérir ainsi un socle de légitimité. Reprendre prise sur le travail et son organisation peut donner les marges de manœuvre nécessaires pour agir sur les systèmes de régulation entre acteurs, limiter les risques sociaux et créer de nouvelles dynamiques d’engagement.

* Auteure de l’étude Fonction RH et organisation du travail : pourquoi, comment, où ?, n° 294, décembre 2010.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET