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LA CONVIVIALITÉ, C’EST BON POUR LE TRAVAIL !

Enquête | publié le : 19.07.2011 | VIRGINIE LEBLANC

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LA CONVIVIALITÉ, C’EST BON POUR LE TRAVAIL !

Crédit photo VIRGINIE LEBLANC

De plus en plus d’entreprises organisent des événements conviviaux pour favoriser les échanges entre leurs collaborateurs et recréer du lien dans un contexte de pression accrue. Mais ce type de démarche doit aussi être fondé sur des relations managériales plus humaines.

Organiser un tour de France cycliste des salariés par équipes, comme le vrai, mais sur six mois ; c’est l’idée qui est venue à Gilles Lorin de Reure, le créateur de Bibaïsport, une agence conseil en stratégie de communication interne et RH par le sport (groupe Chaïkana). À l’occasion de la fusion de deux entreprises du même métier, mais dont les effectifs sont répartis sur tout le territoire, les sièges régionaux feront figure de points d’étape des cyclistes amateurs, coachés par un sportif de haut niveau. Objectif : fédérer, créer du lien entre les salariés grâce au sport.

À l’heure où les discours sur le bien-être au travail fleurissent dans les sociétés, notamment depuis les injonctions de l’ancien ministre Xavier Darcos à négocier sur le stress, nombre d’entreprises communiquent sur leurs actions visant à renforcer les liens entre leurs collaborateurs et, plus largement, à développer la convivialité.

Gadget ou réel engagement des entreprises et des collaborateurs ? Sans doute les deux à la fois, tant la sincérité des initiatives engagées dépend du contexte social de l’entreprise et de la pérennité des actions dans le temps.

En tout état de cause, les dirigeants qui font la promotion de la convivialité mettent en avant son efficacité sur la performance de l’entreprise. C’est le cas de Philippe Détrie(1), président d’Inergie, société de conseil en management, qui a créé avec une douzaine de partenaires en 2007 l’association Entreprise et convivialité (dénommée à l’origine Printemps de la convivialité): « Les entreprises adhérentes croient au fait que la convivialité apporte de l’efficacité collective et du bien-être individuel », affirme-t-il. L’association, qui compte aujourd’hui une centaine de membres, entend professionnaliser la convivialité, partager et valoriser les meilleures actions dans ce domaine (lire l’encadré p. 24).

Espaces d’échanges

Ainsi, l’association décerne régulièrement des prix, comme le 16 juin dernier. Le groupe La Poste a été récompensé pour un lipdub auquel plus de 90 % des salariés du service télévente ont participé, ce qui a permis de rapprocher les collaborateurs de différents sites. Canal Plus a été félicitée pour toutes les démarches développées durant l’année (spectacles, concerts, petits déjeuners et déjeuners thématiques, album photos des salariés pour les 25 ans du groupe, etc.). Et Quick, dont le nouveau siège social est installé à La Plaine Saint-Denis, a été primé pour la création d’espaces de rencontres et d’échanges.

Les “espaces de convivialité” se sont d’ailleurs largement développés ces dernières années, mais bien souvent pour faire avaler la pilule d’une réduction de l’espace de travail ou d’un déménagement en lointaine banlieue. « Toutefois, les RH se rendent compte que, même s’il n’y avait pas de contraintes de mètres carrés, il n’est pas inintéressant de remettre du lien dans l’entreprise grâce à des lieux de détente : c’est une façon de dire que le travail est aussi un lieu de vie », reconnaît Odile Duchenne, directrice d’Actineo.

Détente et relaxation

Chez Accenture, où 60 % des salariés appartiennent à la génération Y et où la majorité sont nomades, des espaces de travail ont été conçus pour faciliter les contacts, et, selon Marc Thiollier, directeur général, l’entreprise doit bien « rester un lieu de rencontres ». Dans les locaux du siège du 13e arrondissement, un endroit central a été pensé non seulement comme un kiosque de services aux collaborateurs (informatique, fournitures, etc.) mais aussi comme un lieu d’échanges et de détente avec une salle de jeux et un espace de relaxation.

Mais comment s’assurer que la convivialité introduite dans l’entreprise soit réellement sincère ? « Il faut que la convivialité soit présente au quotidien », insiste Sylvain Breuzard, Pdg de la SSII Norsys et membre fondateur d’Entreprise et convivialité. Roseline Desgroux, consultante en relations humaines(2), en est aussi persuadée : « Des goûters ponctuels sont des cautères sur une jambe de bois. Il ne faut surtout pas s’imaginer créer de la convivialité par des actions épisodiques, c’est au contraire un travail de fond. » Convaincue, elle a même déposé une marque, “le lien social durable en entreprise”. Sur ce fondement, elle accompagne Système U dans le cadre de la constitution d’un nouvel entrepôt « où il fait bon vivre ». « Impliquer les collaborateurs en période de changement est fondamental », appuie-t-elle. C’est aussi ce qu’a fait Matelsom en accueillant une artiste en résidence (lire p. 27).

Autre élément clé d’une forme d’authenticité : il est important que les initiatives viennent des salariés eux-mêmes, même si la direction peut encourager et donner l’impulsion. Sophie de Menthon, présidente d’Ethic (Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance), qui organise la journée “J’aime ma boîte” depuis huit ans, affirme que la demande vient des collaborateurs eux-mêmes et que « les patrons et les DRH freinent plutôt ». Surprenant.

La nouvelle Fête des voisins en entreprise est également née de l’envie de participants de transposer la Fête des voisins au monde du travail, atteste Atanase Périfan, son créateur. Ce 27 mai, pour la première édition, 658 entreprises se sont inscrites, y compris 200 zones industrielles. La CFE-CGC a cofondé l’opération et Atanase Périfan souhaite monter un partenariat avec l’ANDRH pour la prochaine.

L’initiative vise autant à promouvoir des moments de rencontres en interne qu’en externe, avec des sociétés situées à proximité. « En général, ce n’est pas le chef d’entreprise qui organise l’événement, témoigne le fondateur. De plus en plus, les salariés sont dans une logique individualiste. Ce type d’événements permet de redonner du sens et de réintroduire du collectif. L’entreprise est un lieu de solidarité. »

Le responsable “convivialité” est toutefois une fonction encore rare dans les entreprises, où elle est souvent, lorsqu’elle existe, rattachée aux RH ou à la communication interne. Les laboratoires Boiron, atypiques, disposent d’une “maîtresse de maison” depuis vingt-cinq ans, en charge du bien-être des salariés et des visiteurs de l’entreprise (lire p. 25). Autre initiative, dont l’inspiration est venue d’outre-Atlantique, la fonction de Chief evangelist, créée depuis quatre ans à Pixmania, avec en toile de fond l’idée que les collaborateurs puissent s’épanouir… en donnant le meilleur d’eux-mêmes.

À l’occasion de l’emménagement de 800 salariés dans de nouveaux locaux à Guyancourt (Yvelines), Sodexo a confié en 2010 à Joëlle Labadie un poste de responsable de la qualité de vie rattaché à la direction financière et à la DRH. Elle a chapeauté le 29 juin un family day, au cours duquel une trentaine de collaborateurs ont accompagné 150 enfants de salariés à travers divers ateliers (jeux autour du goût, tri des déchets) préparés à leur intention. « Ce genre d’événements permet de créer des liens entre des services qui ne se côtoient pas au quotidien », affirme Joëlle Labadie.

« Les moments de plaisir partagé entre salariés renforcent la solidarité et l’entraide, les collègues se découvrent sous un jour différent », constate également Patrick Dumoulin, directeur de Great Place To Work France, qui, dans les critères de mesure du palmarès – pour lequel la participation est payante –, intègre l’ambiance conviviale.

Solidarité de proximité

Aller plus loin et mesurer l’impact de la convivialité est difficile. Il est cependant possible d’évaluer ses effets concrets : « Nous avons connu un projet très tendu en raison de délais courts et de difficultés technologiques, se souvient Sylvain Breuzard. Si nous avons passé le cap, c’est parce que nous étions solidaires. » Philippe Rodet, médecin urgentiste, consultant et membre de la commission stress de l’ANDRH, utilise plutôt le terme de solidarité de proximité, et affirme que, « dans certains pays, on travaille beaucoup sur ce sujet, car c’est un élément clé pour développer le savoir travailler ensemble. Aux États-Unis par exemple, des sommes colossales sont investies dans ce concept. Si l’on renforce les émotions positives, on favorise l’émergence de la solidarité de proximité. Et de toutes petites choses suffisent ».

Auteur de La Convivialité, aller vers une entreprise où il fait bon travailler, Éditions d’Organisation, 2009.

Auteure, avec Laurence Breton-Kueny, de Santé et bien-vivre au travail, 100 questions pour comprendre et agir, Afnor Éditions, 2011.

L’ESSENTIEL

1 La convivialité permet d’améliorer le bien-être dans l’entreprise et de renforcer les liens de solidarité. Elle est aussi source de créativité et de performance.

2 Mais elle ne doit pas être une démarche “descendante”. Si les salariés ne sont pas impliqués dans sa construction, la greffe ne prendra pas.

3 Cette démarche est évidente dans un contexte social favorable, mais elle peut aussi être pertinente dans des situations de rapprochement d’entreprises.

Des actions à périmètre très variable

→ Sur son site Internet*, l’association Entreprise et convivialité a listé une bibliothèque de 250 actions conviviales classées par thème : accueil, bien-être, comportement, culture, ludique, objet-cadeau, restauration, sport et visite. Des initiatives d’ordres très différents…

→ Parmi elles : fêter et célébrer les réussites des salariés, former les managers à la détection du stress, apprendre la gestion de la nutrition avec ses collègues, créer Paris plage dans l’entreprise, louer pour une journée un complexe sportif et/ou de détente, organiser une randonnée en forêt ou en montagne, mettre à disposition des services de conciergerie, favoriser le télétravail, instaurer la journée des talents, créer une pièce de théâtre caricaturant les modes de fonctionnement des départements de l’entreprise, inverser les fonctions dans l’entreprise, faire cuisiner ensemble toute une équipe, organiser un concours de sapins de Noël, faire s’exprimer les salariés à travers la peinture sur les sujets actuels de l’entreprise, etc.

* <www.entreprise-et-convivialite.com>

Auteur

  • VIRGINIE LEBLANC