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CanadaLE GOUVERNEMENT ENGAGE UN BRAS DE FER AVEC LES SYNDICATS

Pratiques | International | publié le : 12.07.2011 | LUDOVIC HIRTZMANN

Le Premier ministre conservateur Stephen Harper a ouvert les hostilités avec les syndicats, déjà fragilisés par de mauvais choix stratégiques ces dernières années.

Moins de 24 heures après les débuts d’une grève d’Air Canada mi-juin, la ministre du Travail du gouvernement conservateur, Lisa Raitt, a annoncé le dépôt d’une loi spéciale obligeant le retour au travail des grévistes de la compagnie aérienne. La menace a porté. Avant même l’adoption de la loi, le syndicat d’Air Canada a plié. Peu après, les employés des postes, en arrêt de travail depuis début juin, ont subi le même sort. La loi spéciale les a obligés à retourner au travail. Car, en cas de refus, chacun d’eux aurait dû payer une amende de 1 000 dollars par jour au Trésor public.

Ami de George W. Bush, très inspiré par Margaret Thatcher, le Premier ministre Stephen Harper a invoqué les conséquences négatives des grèves sur l’économie pour les briser. « Idéologiquement à droite et contre la contestation syndicale – sinon contre les syndicats eux-mêmes –, Stephen Harper a voulu montrer rapidement qu’il ne tolérera pas les arrêts de travail », confie Jean Charest, directeur de l’École de relations industrielles de l’université de Montréal.

Même son de cloche pour un autre spécialiste des relations sociales, Reynald Bourque, professeur dans le même établissement : « Les syndicats représentant les salariés du gouvernement fédéral et ceux relevant des secteurs sous juridiction fédérale seront exposés à de fortes pressions dans les prochaines années. Cette nouvelle majorité parlementaire peut désormais faire adopter des lois spéciales de retour au travail. »

Un taux élévé de syndicalisation

Il existe au Canada deux grands types de syndicats : ceux sous compétence fédérale (pour les entreprises publiques et parapubliques) et les syndicats provinciaux. Ce sont surtout les premiers qui sont menacés, même si les syndicats provinciaux défendent aussi le secteur public provincial. Le taux de syndicalisation atteint 32 % au Canada et 40 % au Québec (82 % pour le secteur public québécois et 27 % pour le privé). Dans le cas du Québec, le taux de syndicalisation a fortement baissé depuis vingt ans. Il était de 49,7 % en 1992. Les syndicats canadiens et québécois sont riches et puissants. Dans l’ensemble du pays, lorsqu’une majorité de salariés dans une société décide de se syndiquer, tout le personnel doit adhérer au syndicat. Un pourcentage est prélevé à la source sur chaque bulletin de paie pour la cotisation : un véritable butin de guerre. Il permet aux centrales syndicales de verser à des grévistes parfois jusqu’à 80 % de leurs salaires pendant des mois, voire des années.

Mais ces dernières années, les syndicats se sont lancés dans des guerres qu’ils croyaient être sûrs de gagner. Ils ont trouvé en face d’eux des employeurs déterminés qui n’ont pas plié, comme lors d’un conflit au Journal de Montréal, qui a duré deux ans et s’est soldé par le licenciement de presque 80 % de l’effectif ! Au-delà des erreurs stratégiques conjoncturelles, il existe des raisons structurelles. En effet, les jeunes s’intéressent peu au syndicalisme. Son image est écornée. La collusion entre le crime organisé et des branches syndicales québécoises fait l’objet d’une commission d’enquête. « Le secteur de la construction est clairement mafieux. Lorsque ce dernier demande une grève, nous devons la faire, car sinon des gros bras débarquent sur les chantiers », confie un travailleur du bâtiment.

Un discours dépassé

Pour ne rien arranger, « les syndicats ont moins bien adapté leur discours sociopolitique, accroché pour beaucoup aux Trente Glorieuses, alors que le marché a connu des mutations importantes au cours des vingt dernières années », explique Jean Charest. En entretien au quotidien montréalais Le Devoir fin avril, peu avant de prendre sa retraite, Claudette Carbonneau, la présidente de la Confédération des syndicats nationaux, l’un des plus grands syndicats québécois, a conclu, optimiste : « Il y a une montée de la droite, mais cela ne signifie pas que nous sommes à genoux. »

Auteur

  • LUDOVIC HIRTZMANN