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LE MICROCRÉDIT pousse la porte des entreprises

Pratiques | publié le : 28.06.2011 | CHRISTIAN ROBISCHON

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LE MICROCRÉDIT pousse la porte des entreprises

Crédit photo CHRISTIAN ROBISCHON

Plusieurs branches ont lancé une offre pour inciter leurs salariés à souscrire un microcrédit, ce prêt bancaire limité à quelques milliers d’euros, qui pourrait leur permettre de passer un permis de conduire, d’entrer en formation… Bref, de favoriser leur emploi. Une démarche qui devra faire ses preuves.

Aider ses salariés à souscrire un microcrédit ? La démarche est encore peu connue des employeurs. Organisée par la loi de cohésion sociale Borloo de janvier 2005, cette pratique commence néanmoins à intéresser. Ainsi, en un peu plus d’un an, trois branches ont mis en place des dispositifs pour faciliter l’accès à cette forme particulière de prêt bancaire, caractérisée par ses petits montants (en général, pas plus de 3 000 euros remboursables en trois ans maximum) et l’obligation d’accompagnement social de son bénéficiaire. Il s’agit des entreprises de services à la personne réunies dans la Fesp (Acadomia, groupe O2…), des emplois familiaux représentant 1,6 million de salariés via leur organisme de protection sociale Ircem, et de l’intérim pour un dispositif piloté par le Fonds d’action sociale du travail temporaire (Fastt).

Financer des dépenses liées à l’emploi

Ce trio vient rejoindre la branche BTP, qui faisait figure de pionnière en proposant dès 2006 une offre via son organisme de mutuelle-prévoyance-retraite ProBTP. Parmi plusieurs mesures pour attirer et fidéliser les jeunes, le monde de la construction s’était ainsi proposé de faciliter l’accès au microcrédit aux apprentis qui cherchaient à acheter un deux-roues ou une voiture.

Les trois nouvelles branches ont été séduites par le dispositif parce que nombre de leurs salariés ont le profil type du bénéficiaire potentiel. Du fait de contrats précaires, de salaires de débutants, parce qu’ils ont un emploi peu qualifié ou travaillent à temps partiel, ces derniers se voient (trop) souvent refuser les prêts bancaires classiques. Le microcrédit leur est proposé pour financer des dépenses en lien avec l’accès, le maintien ou le retour à l’emploi : permis de conduire, achat d’un véhicule, entrée en formation et équipement professionnel. Pour les assistantes maternelles, ce crédit peut ainsi servir à mettre aux normes de sécurité l’habitation ou se doter de nouveaux équipements de puériculture.

Démarches facilitées

Les employeurs n’abondent pas les microcrédits. Ils proposent des dispositifs qui facilitent les démarches et la négociation d’un taux bonifié avec les banques partenaires. Chez ProBTP par exemple, le taux d’intérêt se limite à 1 %, assurance comprise auprès de BTP Banque, une filiale du Crédit coopératif. « Le jeune peut ainsi financer son véhicule à ce taux très réduit jusqu’à 4 000 euros – plafond de notre microcrédit pour une voiture – et compléter par un autre prêt aux conditions du marché », précise Pierre de Pas, directeur du département action sociale de ProBTP.

En pratique, le candidat au microcrédit contacte une plate-forme téléphonique qui “dégrossit” le dossier : diagnostic du besoin, information sur les contraintes du microcrédit, aide au montage. Parallèlement, les entreprises signent un partenariat avec des banques et des associations. Le recours à un centre d’appels extérieur est justifié par un souci de confidentialité : « La personne va être amenée à évoquer sa situation personnelle : le faire auprès d’un service RH constituerait un facteur bloquant », expose Christian Lehr, Pdg de Viadom, groupe de ménage et coiffure à domicile.

Désormais lancée, cette proposition de microcrédit devra néanmoins encore faire ses preuves. Le nombre de prêts effectivement souscrits reste relativement modeste. Le Fastt comptabilise quelque 500 microcrédits depuis la généralisation de son dispositif début 2011. « La montée en puissance s’opère », observe toutefois Daniel Lascols, directeur général. En comparaison, les coups de pouce du fonds à l’accès aux crédits classiques (essentiellement la négociation d’un taux inférieur) ont concerné 4 000 prêts l’an dernier.

Nombre de prêts en augmentation

Plate-forme retenue par l’Ircem et par la fédération des entreprises de services à la personne, le groupe Dom Plus recense 2 000 projets dignes d’être finançables pour le premier, et 700 appels sur l’année 2010 pour la seconde. Seule une partie de ces appels sont devenus des prêts effectifs, et leur nombre exact n’est pas connu.

Chez Viadom, le nombre de microcrédits signés ou en cours d’octroi se limite à 50. C’est peu sur une cible de 3 500 employées à temps partiel. Le dirigeant Christian Lehr ne cache pas sa déception. Il a eu vent de « quelques refus bancaires », mais il attribue surtout ce bilan au peu d’empressement des intéressées, puisque les demandes ne semblent pas avoir dépassé la barre des 100 en un an. En cause, l’attrait du crédit à la consommation : « Il apporte la séduction de sa facilité, et tant pis pour le surendettement. Les personnes ont souvent une demande urgente, genre 2 000 euros à réunir dans les deux jours. Le microcrédit ne peut pas suivre car son instruction est bien plus longue, elle requiert des pièces justificatives comme pour un prêt classique. »

L’encadrement croissant du crédit à la consommation par la loi rend le match plus égal depuis quelques années, observe cependant ProBTP, dont l’offre, également relayée par Dom Plus, a abouti à l’ouverture de 2584 microcrédits depuis 2006.

Accompagnement social

Confié à des structures diverses, dont les missions locales, l’Adie ou les Unions départementales des associations familiales (Udaf), l’accompagnement social est, sans surprise, vécu comme un facteur de lourdeur. Pourtant, « cette contribution à la réinsertion professionnelle caractérise le mécanisme français du microcrédit en Europe, elle en constitue l’élément fondamental, celui qui le distingue le plus d’un crédit à la consommation », insiste Paul Loridant, secrétaire général de l’Observatoire de la microfinance. « L’accompagnement prévient les situations à problèmes. Dans notre cas, la plate-forme téléphonique comme les équipes des CFA proposent aux jeunes d’acheter une voiture qui soit en phase avec leur budget, sans céder à l’achat impulsif. Résultat : moins de 1 % des emprunteurs ont rencontré à un moment une difficulté de remboursement », témoigne Pierre de Pas.

Dernier frein à la promotion du microcrédit : les syndicats, qui y voient une « astuce de plus » des employeurs pour contourner la question des primes et des augmentations de salaires. Ils n’ont pour l’instant guère relayé ces démarches. Bref, pour s’imposer auprès des salariés, le microcrédit devra lever plus d’un obstacle.

L’ESSENTIEL

1 Le BTP pour ses jeunes apprentis, les services à la personne, les emplois familiaux et l’intérim comptent parmi les pionniers du microcrédit aux salariés.

2 La formule, soumise à la contrepartie de l’accompagnement social, subit la concurrence du crédit à la consommation, d’apparence plus facile.

3 Elle monte toutefois en puissance comme moyen pour financer des dépenses liées à l’emploi.

MICROCRÉDIT AUX SALARIÉS
Des volumes encore modestes

Le microcrédit aux salariés n’a pas de ligne spécifique dans la statistique officielle pour ce type de prêts que tient l’Observatoire de la microfinance, logé au sein de la Banque de France. Il se classe dans les microcrédits personnels, qui sont au nombre de 20 000 en France à fin 2010, dont 9 000 octroyés dans la seule année 2010, signe d’une accélération. Mais les valeurs absolues restent faibles, ne serait-ce qu’en comparaison du microcrédit professionnel : cette formule plus connue, qui aide à financer la création ou la reprise d’entreprise, génère 20 000 nouveaux prêts chaque année. L’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique), son acteur emblématique, en a accordé plus de 90 000 depuis sa création en 1989.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON