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Des salariés au service de l’insertion, un levier de motivation ?

Pratiques | publié le : 21.06.2011 | CATHERINE DE COPPET

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Des salariés au service de l’insertion, un levier de motivation ?

Crédit photo CATHERINE DE COPPET

Souvent complémentaire du mécénat financier, le mécénat de compétences représente aujourd’hui un cinquième des actions des entreprises mécènes. Au service de l’insertion professionnelle ou de l’éducation, il participe à la nécessité de redonner du sens au travail.

Et si donner un peu de son temps dans le cadre de son travail pour des personnes en difficulté était la clé de la (re)motivation ? Selon une étude d’Admical (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial) sur le mécénat d’entreprises, la thématique de l’insertion professionnelle des jeunes et des moins jeunes se retrouve au cœur des actions choisies par les entreprises mécènes pour impliquer leurs salariés (lire l’encadré). « Les entreprises et les salariés sont de plus en plus sensibles au fait que des personnes soient exclues du monde du travail, souligne Bénédicte Menanteau, déléguée générale d’Admical. Sans parler du fait qu’il est assez facile de répondre à des porteurs de projets associatifs sur ces sujets. »

Partager sa connaissance de l’entreprise

D’où l’intérêt de proposer des actions en lien avec les problématiques professionnelles quotidiennes des salariés : « Dans le cadre du mécénat de compétences, on leur demande de partager leur connaissance de l’entreprise, souligne Estelle Lauvergne, directrice des relations entreprises et chargée des questions de solidarité pour l’association IMS-Entreprendre pour la Cité. La présentation par les salariés de leur métier à des publics éloignés de l’emploi est le genre d’initiative qui fonctionne bien. »

Concrètement, il peut s’agir aussi bien de journées en entreprise ou de sessions de coaching, que de parrainage de demandeurs d’emploi ou de jeunes en formation. La société Norsys, SSII de 230 salariés, organise depuis 2008 des journées de formation à destination des demandeurs d’emploi en grande difficulté. « Nous ciblons des chômeurs de longue durée à très faible qualification, explique son Pdg Sylvain Breuzard. Venir dans l’entreprise est l’occasion pour eux de se ressourcer et de se former. » Grâce aux salariés volontaires, quelque 250 demandeurs d’emplois ont pu bénéficier de cette aide sous la forme de simulations d’entretiens téléphoniques, de formations à l’usage professionnel d’Internet, etc.

Trouver les bons interlocuteurs

Chez Norsys, la mise en place de ces actions s’est faite par l’intermédiaire d’une association locale de formation, avec laquelle une convention a été signée pour installer un engagement réciproque sur la durée. Le fait de contractualiser avec une association spécialisée sur les questions d’insertion (association caritative, club d’entreprises, etc.) permet aux entreprises et à leur fondation, généralement responsable du mécénat, de mieux cibler leur démarche en trouvant les bons interlocuteurs.

Mais le mécénat de compétences peut aussi se concrétiser en dehors de ce cadre. C’est le cas à KPMG, qui propose depuis 2007 à ses salariés de parrainer des classes de bac pro comptabilité, via des journées de formation et de découverte. C’est en rencontrant des élus locaux et des proviseurs de lycée que le “Programme lycées” a vu le jour, avant d’être formalisé par un accord-cadre avec l’Éducation nationale deux ans plus tard. « Cet accord nous a permis de trouver d’autres lycées intéressés par la démarche », explique Bouchra Aliouat, secrétaire générale de la Fondation KPMG France, à l’origine du projet.

À côté du bénéfice évident en termes d’image, notamment auprès des jeunes, les adeptes du mécénat de compétences soulignent l’intérêt de la démarche pour la GRH : « C’est un formidable outil d’engagement vis-à-vis de l’entreprise », souligne Alain Harrari, responsable affaires publiques et diversité de Coca-Cola, récompensé au Trophée Mécénova en mars dernier pour son programme Passeport vers l’emploi à destination des jeunes de quartiers défavorisés. « Sortir le salarié de son quotidien pour lui demander son expertise est très valorisant, renchérit Estelle Lauvergne d’IMS. C’est également un levier de cohésion interne très important, lorsque plusieurs salariés de différents services ou niveaux de compétence se retrouvent sur une même action ! »

Dans les objectifs des managers

L’intérêt pour le mécénat de compétences est parfois poussé jusqu’à son inscription dans la stratégie de l’entreprise. Chez Coca-Cola, la participation au programme Passeport vers l’emploi fait partie des objectifs de certains managers, dans le cadre de la promotion de la diversité et de l’égalité des chances : « L’idée est d’avoir autant de bénéficiaires que de salariés sur chacun de nos 15 sites en France, soit 2700 personnes au total », explique Alain Harrari. Ainsi, le nombre de jeunes bénéficiaires du programme sur un territoire donné compte dans l’évaluation des directeurs de site. Chacun est donc incité à convaincre ses équipes de s’engager.

L’utilisation du mécénat de compétences comme levier stratégique a cependant une limite : « La ligne rouge est franchie quand le mécénat est lié au business, pour ouvrir de nouveaux marchés ou étoffer l’offre d’un plan senior, par exemple », prévient Bénédicte Menanteau.

Toutefois, le fait que le mécénat de compétences se déroule sur le temps de travail des salariés freine parfois sa mise en œuvre : « L’installation de ces pratiques reste lent et progressif, témoigne Estelle Lauvergne. Il faut toujours l’accord des managers et des responsables RH, ce qui ne va pas toujours de soi. » Une réalité qui s’explique par la crainte de la désorganisation du travail ou par une méconnaissance du monde associatif.

« J’étais au départ très réservé et dubitatif sur l’appel au mécénat de compétences, raconte Pascal Collardey, DRH de KPMG SA. Nous demandons déjà aux salariés une implication forte, comment pouvait-on envisager de leur demander cet engagement supplémentaire ? » Derrière ces réticences se cachent aussi des perceptions culturelles très ancrées : « Contrairement à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, les dirigeants ont tendance à penser que l’engagement relève du privé, note Ayité Creppy, directeur de la Fondation agir contre l’exclusion (Face) de Lille Métropole. Il faut passer de cette conception individuelle à une conception collective. »

Rares cependant sont les entreprises engagées dans le mécénat de compétences qui se plaignent d’une désorganisation du travail : « Ce qu’on perd en temps, on le gagne en adhésion et en motivation, résume Pascal Collardey. Les contraintes d’organisation ont peu d’impact. » Afin de convaincre tous les managers intermédiaires, KPMG a élaboré en 2009 un système de “congés fondation” : les salariés engagés auprès de la fondation d’entreprise disposent ainsi de six jours par an pour leur activité de mécénat, trois jours étant financés par l’entreprise, les trois restants étant pris sur leurs congés payés.

Une autre solution consiste à commencer par proposer du bénévolat de compétences ou un système mixte bénévolat-mécénat. « Cela peut constituer une première étape, qui permet aux entreprises d’expérimenter l’implication des salariés », commente Bénédicte Menanteau. Par la suite, le succès du mécénat de compétences dépendra de la cohérence des projets proposés.

Pour Estelle Lauvergne, il est « déterminant d’inscrire cette démarche sur le long terme, dans le projet d’entreprise ». Veiller à la formation des salariés volontaires, dresser le bilan des actions déjà engagées sont d’ailleurs des étapes incontournables pour l’entreprise qui veut se lancer dans l’aventure.

L’ESSENTIEL

1 Les entreprises mécènes développent de plus en plus d’actions en faveur de thématiques sociales comme l’insertion professionnelle.

2 Certaines invitent leurs salariés à s’impliquer, sur leur temps de travail, auprès de demandeurs d’emploi ou encore de jeunes issus de quartiers défavorisés.

3 Levier de cohésion en interne, ces initiatives peuvent s’inscrire dans la politique diversité de l’entreprise, comme à Coca-Cola.

REPÈRES
Le mécénat de compétences au 3e rang des engagements des entreprises mécènes

→ Le mécénat de compétences consiste à impliquer des salariés sur la base du volontariat dans des actions extérieures à leurs missions, et ce sur leur temps de travail (contrairement au bénévolat de compétences).

→ Une entreprise mécène sur cinq agit via le mécénat de compétences.

→ Le mécénat concerne 27 % des entreprises de plus de 20 salariés, soit environ 35 000 entreprises : le mécénat de compétences arrive au troisième rang des engagements des entreprises mécènes, après le ménécat financier (83 %) et le mécénat en nature, comme le prêt ou le don de matériel (36 %).

→ Les actions de mécénat concernent majoritairement le social, l’éducation et la santé (58 %), devant le sport (48 %) et la culture (37 %), qui occupait, en 2008, la deuxième place.

Source : étude Admical-CSA sur le mécénat d’entreprise (2010).

LES DIRECTIONS DES RH S’IMPOSENT DANS LE PILOTAGE DES FONDATIONS

Traditionnellement rattachées aux directions de la communication, les fondations d’entreprise, qui sont les relais des politiques de mécénat, sont de plus en plus liées aux directions des ressources humaines. « Au sein de nos entreprises adhérentes qui pratiquent le mécénat, 13 % des fondations dépendent désormais de la DRH, dans le cadre des démarches de développement durable ou de RSE, indique Estelle Lauvergne d’IMS-Entreprendre pour la Cité. C’était loin d’être le cas il y a 10 ans. » Rapprocher les fondations des responsables RH garantit la cohérence des initiatives. « Ce sont les services RH qui ont une véritable visibilité sur le personnel et ses compétences, c’est très important de travailler ensemble », souligne Bouchra Aliouat de KPMG. Une tendance à confirmer ?

Auteur

  • CATHERINE DE COPPET