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Pratiques

Malaise dans les agences de santé

Pratiques | Retour sur… | publié le : 14.06.2011 | L. P.

Voici un an, les agences régionales de santé (ARS) prenaient les commandes du champ de la santé : soins de ville, hôpital, santé publique, handicap, dépendance. Et quelque 9 000 agents issus de 10 services de la fonction publique et de l’assurance maladie devaient apprendre à travailler ensemble.

Ouvertes le 1er avril 2010, les agences régionales de santé (ARS) qui fusionnent différents services publics (lire l’encadré), rassemblent 9 000 agents de statuts différents : 84 % issus de la fonction publique d’État et 16 % des caisses d’assurance maladie. Appelés à de nouvelles missions, ils devaient être vite opérationnels. Un défi pour les ressources humaines de ces 26 agences.

Dialogue tendu

Un an plus tard, le défi n’a pas été relevé sans mal : le dialogue social est tendu au sein des sièges des ARS et surtout dans leurs délégations locales. Les syndicats dénoncent une « restructu­ration à marche forcée ». Domi­nique Didier, de la CGT des organismes sociaux, reçoit « des plaintes de toutes les régions sur des conditions de travail dégradées ». Les relations sont parti­culièrement compliquées en Midi-Pyrénées, de même qu’en Corse, où le syndicat des travailleurs corses (STC) a perturbé le trafic aérien, maritime et ferroviaire après trois semaines de conflit.

Les agences sont encore dans l’instabilité : les déménagements ne sont pas partout terminés, pas plus que ne sont réalisées l’ensemble des attributions définitives de missions et de postes. Et le recours aux astreintes par les directeurs d’ARS a cristallisé le mal-être. Légalement, elles ne peuvent être imposées qu’aux agents de la fonction publique. Le projet d’accord national sur le sujet n’a convaincu que FO : « Nous voulions garantir un cadre conventionnel et le principe du volontariat pour éviter 26 accords locaux ou des décisions unilatérales des directeurs », plaide Gino Sandri, du syndicat national FO des cadres des organisations sociales (SN-FO Cos). Les syndicats dénoncent aussi des maladresses, comme l’appel d’offre pour sous-traiter l’amélioration de la veille sanitaire en Auvergne ou les stages obligatoires de motivation. « Les conditions du transfert n’ont pas été admises par des agents qui ont changé brutalement de lieu de travail, de poste, ou de mission, témoigne Gino Sandri. Dès le début, nous avions alerté le secrétariat général des ministères en charge des affaires sociales. »

Suicide

Son actuelle responsable, Emma­nuelle Wargon, attribue ce climat à « l’ampleur de la réforme conduite ». Mais le malaise est plus profond. Le 13 avril, la DRH des ministères, Michèle Kirry, a écrit à tous les directeurs d’ARS pour leur rappeler les règles de bonnes pratiques et leur « pleine responsabilité – y compris pénale – en matière de santé et de sécurité au travail ». Toutes les agences n’avaient pas de document unique de sécurité ni de CHSCT ; 40 % n’avaient pas de référent hygiène et sécurité et, pour un tiers, pas de médecine du travail. L’ARS de Guadeloupe était dans ce cas lorsque se sont produits un suicide et une tentative de suicide de deux médecins inspecteurs, entre octobre 2010 et février 2011. « Nous ne savons toujours rien des conclusions de l’enquête de l’Igas », soupire le Dr Christian Lahoute, du Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique (SMISP), qui a saisi le cabinet du ministre du Travail.

Certains directeurs d’agences témoignent, à l’inverse, d’une amélioration de la situation : « Le plus dur a été de maintenir la continuité de service tout en apprenant à travailler de façon transversale », observe ainsi Pierre-Jean Lancry, directeur général de l’ARS de Basse-Normandie (240 agents). Pour lui, un problème de fond tient aux différences de statuts : « Nous verrons comment le comité d’agence, qui doit homogénéiser les garanties sociales, pourra gommer ces différences. »

Harmonisation en Ile-de-France

À l’ARS d’Île-de-France (1 300 agents), « on est entré dans une phase d’harmonisation des règles de vie commune, estime son DRH, Pascal Bernard, par ailleurs vice-président de l’AN­DRH. Un accord de méthode va baliser les futures négociations sur l’ARTT et les conditions de travail ». Également au menu : les seniors, le droit syndical, l’égalité et la diversité. Une commission “bien-être au travail” planche sur un diagnostic pour lancer un plan d’action d’ici à septembre. Les 120 cadres supérieurs suivent une formation au management qui sera déclinée aux managers de proximité d’ici à fin 2012.

Surveillance médicale des risques

Au niveau national, Emmanuelle Wargon compte sur un futur plan national d’amélioration des conditions de travail. Elle a demandé aux régions de contribuer à une enquête Sumer (surveillance médicale des risques), qui sera réalisée auprès d’un échantillon national d’agents. Un comité national de concertation, instance de coordination des comités d’agences, a également été installé le 6 juin.

Ces démarche suffiront-elles ? A Lyon, un agent témoigne d’un authentique ras-le-bol : « Cette réorganisation n’a fait que rajouter des couches hiérarchiques. Beaucoup veulent démissionner. Les médecins songent même à retourner en clinique ou à l’hôpital. »

FUSION DE SERVICES PUBLICS

Les agences régionales de santé ont rassemblé :

– les agents de la fonction publique des directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales (Drass et Ddass), agences régionales de l’hospitalisation (ARH), groupements régionaux de santé publique (GRSP), unions régionales des caisses d’assurance maladie (Urcam) et missions régionales de santé (MRS) ;

– des personnels des caisses régionales d’assurance maladie (Cram), des personnels du régime social des indépendants (RSI), de la Mutualité sociale agricole (MSA) et des directions régionales du service médical (DRSM).

Auteur

  • L. P.