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Qui est salarié protégé ?

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 14.06.2011 | JACQUES BROUILLET

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Qui est salarié protégé ?

Crédit photo JACQUES BROUILLET

Les employeurs ont parfois la mauvaise surprise de constater que le licenciement d’un salarié doit être annulé (avec droit à réintégration et/ou à indemnisation), du fait qu’ils n’ont pas respecté la procédure spécifique applicable aux 17 catégories (!) de salariés protégés visés par l’article L. 2412-1 du Code du travail.

Cette situation résulte plus particulièrement du fait que, pour certains de ces salariés protégés, l’employeur n’a pas le moyen d’être personnellement informé de l’existence de cette protection. C’est notamment le cas pour le conseiller du salarié (art L. 1232-14) et les conseillers prud’homaux (art L. 2411-22).

Face à cette situation, les tribunaux semblent laisser peser sur l’employeur une obligation de s’informer par eux-mêmes, qui relève davantage de l’inspiration du Saint-Esprit que de l’invocation de l’esprit sain du salarié concerné. En effet, la Cour de cassation (comme le Conseil d’Etat) estiment que « l’ignorance alléguée par l’employeur de la qualité de salarié protégé d’un membre de l’entreprise n’exonère pas du respect de la procédure spéciale d’autorisation par l’inspecteur du travail ».

C’est ainsi que par trois arrêts en date du 22 septembre 2010 (n° 09-41173, n° 08-45227, n° 09-40968), la Cour de cassation non seulement repousse une fois encore l’argument de bonne foi de l’employeur, mais allonge la durée de protection en considérant que celle-ci court :

– pour le conseiller du salarié, « à compter du jour où la liste est arrêtée dans le département […], indépendamment des formalités de publicité »

– pour le conseiller prud’hommes, « à compter de la proclamation des résultats des élections […] indépendamment de leur publication ».

Autant dire que c’est à l’employeur de s’informer auprès du salarié qu’il envisage de licencier ? En tout cas, il ne pourrait même pas prétendre que ces informations n’ont pas encore été publiées… à supposer qu’il ait eu la précaution d’aller consulter ces listes !

Cette approche est d’autant plus étonnante que, pour la plupart des salariés protégés élus dans l’entreprise (art L. 2411-1), le Code du travail laisse entendre que la protection joue « à partir du moment où l’employeur a reçu notification de la nomination (ou candidature…) ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur (en) a eu connaissance […] avant la convocation à l’entretien préalable […] ».

Art L. 2411-3 : autrement dit, le Code semble bien admettre que le salarié qui prétend être protégé doit faire preuve de bonne foi et ne pas cacher son statut protecteur.

Il est donc intéressant de relever un arrêt du 16 février 2011 (n° 10-10.592), par lequel la Cour de cassation semble vouloir nuancer la rigueur des arrêts précités du 22 septembre 2010. D’une part, en considérant que, si le salarié a sciemment caché sa qualité de protégé, le montant de l’indemnisation pourra être minoré du fait de ce manquement à l’obligation de loyauté (sans toutefois que ceci l’empêche de revendiquer la nullité du licenciement prononcé sans autorisation !).

D’autre part, en estimant qu’il pourrait y avoir privation de la protection en cas de fraude (cf. notamment le cas du DRH chargé de mettre en œuvre un PSE et qui s’était présenté discrètement aux élections prud’homales) (Cass Soc. 29 septembre 2009 n° 08-43997).

Ainsi, force est de constater que la Cour de cassation n’est pas prête à reconnaître la bonne foi de l’employeur, ou que la mauvaise foi du salarié devrait suffire à le priver de sa protection.

Doit-on alors conseiller aux employeurs qui convoquent un salarié à un entretien préalable d’ajouter expressément une mention du type : « Dans l’hypothèse où vous bénéficieriez du statut de salarié protégé, sans que nous en ayons été informés, nous vous prions de nous en aviser »?

Les circonvolutions de la Cour de cassation nous incitent en tout cas à invoquer de plus en plus souvent Sainte Rita, l’avocate des causes désespérées.

Jacques Brouillet, avocat au Barreau de Paris, du Cabinet ACD, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.

Auteur

  • JACQUES BROUILLET