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L’ouverture aux grandes entreprises suscite la polémique

Actualités | publié le : 14.06.2011 | MARIETTE KAMMERER

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L’ouverture aux grandes entreprises suscite la polémique

Crédit photo MARIETTE KAMMERER

La proposition de loi visant à développer les groupements d’employeurs ne convainc pas les syndicats, qui pointent le risque de dumping. Les partenaires sociaux entament aujourd’hui la négociation d’un accord interprofessionnel sur ce thème.

Lever les freins et restrictions imposées aux groupements d’employeurs (GE), tel est l’objectif de quatre mesures contenues dans la proposition de loi déposée le 11 avril par le député UMP Gérard Cherpion. Le but de ces mesures est de développer l’emploi dans ces structures associatives, qui permettent à plusieurs entreprises de mutualiser des salariés (lire l’encadré). Mais les organisations syndicales voient d’un très mauvais œil le retour de ce vieux débat : « C’est un copier-coller de la proposition de loi Poisson, qui n’avait pas abouti en 2010 », rappelle Christian Janin, de la CFDT. Les partenaires sociaux ont demandé la tenue d’une négociation sociale sur le sujet, qui s’ouvre aujourd’hui 14 juin, alors que la proposition sera discutée dès demain à l’Assemblée nationale. « Ces mesures ne nous conviennent pas, l’enjeu est d’aboutir à un accord interprofessionnel qui oblige le gouvernement à modifier la proposition de loi », explique Maurad Rabhi, de la CGT. A la CGPME, Geneviève Roy, responsable des affaires sociales, se dit simplement « favorable à tout ce qui lèvera les freins au développement des GE », sans plus de précision. Quant au Medef, il n’a pas souhaité communiquer sur le sujet.

Le droit à appartenir à deux GE

Trois mesures sur quatre suscitent assez peu de polémique. La première consiste à supprimer l’interdiction pour une entreprise d’appartenir à deux GE : « Cela peut être utile à des entreprises qui ont plusieurs implantations géographiques et adhèrent déjà à un groupement dans une région », fait observer Sophie Le Naoures, secrétaire générale de l’Union des groupements d’employeurs de France (Ugef).

La deuxième propose d’autoriser les collectivités locales à appartenir à un GE, à condition qu’il ne soit pas composé principalement de collectivités : « Cela permettrait à des petites communes, en milieu rural, de se partager un secrétaire de mairie, par exemple », ajoute-t-elle.

La troisième mesure concerne la responsabilité des entreprises membres d’un GE, qui actuellement sont solidaires à égalité en cas de facture impayée par l’un des membres. Le texte propose de pondérer la responsabilité des membres proportionnellement à leur utilisation du GE. « Cela peut rassurer les petites entreprises, mais il ne faut pas supprimer complètement cette responsabilité solidaire, car c’est ce qui nous distingue de l’intérim : les entreprises s’engagent, elles ne sont pas dans une relation de client à prestataire », souligne la secrétaire générale de l’Ugef.

Mais la mesure qui fait unanimement grincer des dents du côté des syndicats est celle qui consiste à autoriser les entreprises de plus de 300 salariés à entrer dans un GE. Actuellement, elles ne peuvent le faire qu’après avoir négocié un accord collectif. « Il y a un lobbying du patronat pour que les grandes entreprises puissent externaliser à moindre coût, au lieu de passer par l’intérim ou la sous-traitance. C’est la porte ouverte au dumping social », prévient Maurad Rabhi, CGT. « Le GE, c’est bien pour les TPE-PME qui ne peuvent pas s’offrir les services d’un DRH ou d’un comptable à plein temps, mais ça ne se justifie pas pour des entreprises de 300 salariés, estime Gabrielle Simon, (CFTC). Les salariés de GE ne doivent pas remplacer les CDD ou l’intérim. »

Des salariés moins coûteux

Or, ce qui intéresse les grandes entreprises, c’est justement de remplacer en haute saison les intérimaires par des salariés du GE, moins coûteux, observent les directeurs de GE. « Pourquoi pas ? Si le GE peut placer ces salariés dans d’autres entreprises à saisonnalité inverse et créer des emplois à temps plein, il aura rempli son objectif », tempère Sophie Le Naoures.

Pour les syndicats en revanche, pas question que les GE deviennent des agences d’intérim déguisées. « Le GE doit s’inscrire dans une démarche d’embauche permanente, rappelle Christian Janin, de la CFDT. Le recours au GE pour une grande entreprise peut se justifier dans certains cas précis, pour des compétences pointues et ponctuelles, mais cela doit être négocié collectivement, comme la loi l’exige actuellement. »

Ce n’est pas l’avis de Marcel Bouton, directeur d’Alliance Emploi, le plus gros GE en France, qui emploie dans la région Nord 750 salariés et rassemble 350 entreprises adhérentes : « Le seuil des 300 est un frein. C’est anormal et illogique d’obliger les entreprises à signer un accord pour recourir à un GE, alors qu’elles ne doivent pas le faire pour recourir à une agence d’intérim, qui offre des emplois précaires. »

Une majorité de CDI à temps plein

Le directeur rappelle que son GE emploie une majorité de CDI à temps plein, ne signe pas de contrats de moins de trois mois, et que 10 % à 15 % de ses effectifs sont embauchés à terme par une des entreprises adhérentes. Il a d’ailleurs reçu le Label Excellence décerné par l’Ugef, qui récompense les meilleures pratiques, notamment en termes de gestion RH, nombre de CDI, budget consacré à la formation, nombre de salariés ayant suivi une formation, etc. « Nos salariés ont les mêmes droits que n’importe quels salariés, abonde Philippe Marcel, directeur de Gepep à Chartres, qui emploie 132 salariés et fédère 174 entreprises. Ils sont représentés par des IRP, partagent leur temps entre deux ou trois entreprises dans un rayon de 10 km au plus et bénéficient de formations grâce à un investissement de 2,5 % de la masse salariale. »

Mais tous les GE n’affichent pas ces bonnes pratiques, c’est pourquoi les syndicats souhaiteraient encadrer davantage leur fonctionnement : « Il faudrait fixer des règles communes pour garantir des droits et un traitement homogène sur le territoire », affirme Maurad Rabhi. Lors de la négociation, les syndicats vont insister sur ce socle de droits communs pour les salariés : un CDI à temps plein, une convention collective unique pour les GE, des conditions de mobilité géographique encadrées et un accès à la formation professionnelle garanti. « Pour nous, le modèle à suivre est celui des groupements d’entreprises pour l’insertion et la qualification (Geiq), dont l’objectif est plus clairement identifié et l’engagement associatif plus fort », ajoute Christian Janin.

Qu’est-ce qu’un groupement d’employeurs ?

Des entreprises d’un même bassin d’emploi souhaitant mutualiser des compétences peuvent créer un groupement d’employeurs (GE). Le groupement, association loi 1901, emploie des salariés qu’il met à disposition des entreprises adhérentes en fonction de leurs besoins.

Il existe trois sortes de groupements d’employeurs : les GE agricoles, les GE pour l’insertion et la qualification (Geiq), et les GE professionnels et multisectoriels. Ces derniers, concernés par la proposition de loi Cherpion, sont 250 en France et représentent 15 000 à 20 000 équivalents temps plein, dont 80 % sont en CDI. En tout, les GE concernent 12 000 à 15 000 entreprises adhérentes, dont 70 % ont entre 20 et 100 salariés.

L’objectif du GE est de concilier sécurité de l’emploi pour les salariés et flexibilité pour les entreprises : le GE paie les salaires et les refacture aux entreprises. Il doit proposer des emplois du temps individuels stables, organisés sur la semaine ou sur l’année, dans deux ou trois entreprises. Les salariés sont couverts par la convention collective du groupement.

Auteur

  • MARIETTE KAMMERER