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PASSAGE AU “VERT” pour un millier de salariés à Bosch Vénissieux et Fagor-Brandt

Pratiques | publié le : 31.05.2011 | LAURENT POILLOT

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PASSAGE AU “VERT” pour un millier de salariés à Bosch Vénissieux et Fagor-Brandt

Crédit photo LAURENT POILLOT

À Lyon, les deux entreprises ont annoncé à quelques semaines d’intervalle leur intention d’orienter leurs activités vers les énergies renouvelables. Leurs plans de développement des compétences s’accompagnent de la promesse du “zéro licenciement”.

Deux reconversions industrielles sont en cours dans le bassin lyonnais. La première a déjà commencé à Vénissieux, où l’usine Bosch se transforme. Les travaux avancent à grands pas pour accueillir les deux lignes d’assemblage de panneaux photovoltaïques qui seront lancées en janvier et avril 2012. Elles feront du site vénissian le premier assembleur hexagonal, pour atteindre une capacité de production de 150 MWc.

Les 500 salariés vivent les dernières heures des systèmes à injection diesel pour l’automobile : les dernières activités d’usinage se termineront à la fin décembre. « Neuf personnes sur dix vont changer de métier », résume l’un des leaders syndicaux, Marc Soubitez (CFDT). Bosch a fortement investi dans la filière solaire pour se départir de sa dépendance au secteur automobile. Mais l’usine lyonnaise aurait pu en faire les frais : il y a deux ans, la direction du groupe avait d’abord imaginé de fermer l’usine.

Changement d’employeur et de stratégie

À quelques kilomètres de là, un autre scénario se déroule dans le quartier de Gerland. Il touche un effectif comparable de 540 salariés. Mais ceux-ci changent d’employeur, en même temps que de stratégie industrielle. L’activité de fabrication de lave-linge s’exilant en Pologne, le site de Fagor-Brandt a été cédé par le groupe espagnol Fagor le 1er avril dernier. Le repreneur est un industriel isérois. Pierre Millet, dirigeant d’une PME de chaudronnerie industrielle, Tecnitol, a réuni près de 10 millions d’euros grâce au renfort d’industriels et de fonds de pension. Fagor en fait partie : il a pris 10 % de participation dans une holding contrôlant la nouvelle entreprise, baptisée Société d’innovation et de technologie lyonnaise (SITL).

La clé de son projet est la diversification industrielle. La SITL fabriquera des petits véhicules électriques utilitaires urbains (peut-être sous marque Brandt), des filtres à tambour pour les systèmes d’épuration d’eau et des panneaux photovoltaïques. Pierre Millet ne dit pas quand. En attendant, son entreprise continuera de fournir, durant quatre ans, ses machines à laver à ouverture par le dessus pour les différentes marques Brandt, Fagor, Thomson, Vedette et… Bosch.

Dans les deux cas, les projets d’investissement sont élevés. Fagor s’est engagé à verser 9 millions d’euros en formation durant quatre ans, pour permettre à son successeur de reconvertir les emplois sans avoir à en supprimer. « Globalement, notre projet prévoit plus de 40 millions d’euros pour réindustrialiser le site », souligne Pierre Millet.

À Vénissieux, le passage du diesel au solaire représente au minimum 25 millions d’euros pour installer le nouvel outil de production. Les équipes RH planchent depuis la fin décembre 2010 sur la réécriture des postes et sur le plan de formation. « Nous sommes en train de le finaliser », indique le DRH France, Dominique Olivier, qui réfléchit au moyen de flécher les postes suivant des CQP (certificats de qualification professionnelle) appropriés, en particulier pour les emplois de production. Il y a quelques semaines, il avait déjà déclaré que la « population des usineurs [allait] connaître les changements de fonction les plus forts ».

120 personnes formées en Allemagne

Il est déjà acquis que 120 personnes iront se former en Allemagne, auprès de la division énergie solaire du groupe, en deux vagues : en juin, s’agissant d’un premier groupe de techniciens et de régleurs, puis en septembre pour un second groupe d’opérateurs. Suivant les métiers, cette immersion pourra durer de quatre à huit semaines. Elle se déroulera sur le nouveau site d’Arnstadt, dans l’est de l’Allemagne, qui va regrouper tous les métiers du photovoltaïque. « Ces formations seront surtout centrées sur les spécificités du montage », souligne Marc Soubitez.

À la SITL, les enjeux de formation sont vus différemment : « Les salariés ne vont pas changer de métier, prévient son président, Pierre Millet. Ils utiliseront simplement leurs compétences – en injection plastique, en emboutissage, en soudure, en assemblage – à de nouvelles fins. Tout le secret de cette reconversion consiste à ne pas opposer les métiers d’aujourd’hui à ceux que l’on crée. » Son plan de formation tient en deux volets : « Il s’agit d’apprendre à exercer son métier sur un équipement différent et de le faire suivant différents produits. »

Le plan de reprise avait été vivement critiqué par deux syndicats, la CFTC et la CGT, qui ont rejeté le projet en CCE. Ses représentants ne manquent pas de rappeler que « Fagor-Brandt a réduit de 15 % ses effectifs chaque année depuis 2008, sans plan de licenciement ». Florence Lavialle, déléguée CGT, reste persuadée que « les dirigeants de Fagor et de la coopérative espagnole Mondragon vendent leurs usines françaises pour ne pas avoir à les fermer eux-mêmes ». Elle redoute la perte des avantages sociaux jusqu’ici en vigueur, ainsi que le sort de l’équipe de R & D (60 personnes), toujours sous pavillon Fagor.

Passer d’un groupe à une PME

Pierre Millet minimise : « Le site aurait été fermé dans les dix-huit mois. Passer d’un groupe de 80 000 personnes à une PME de 500 salariés peut susciter des inquiétudes, c’est naturel. Mais cette opération ne s’accompagne d’aucun licenciement. » Il parle d’un « partenariat » avec Fagor, qui lui permettra d’avoir en même temps le contrôle de la stratégie de l’entreprise, qui consiste « à réaliser des fabrications européennes pour des pays européens, privilégiant les circuits courts, pour des produits à forte valeur ajoutée en quantités pas trop élevées ».

Chez Bosch, la reconversion répond presque à la même logique, puisque le site servira de rampe de lancement pour tout le bassin méditerranéen. La DRH France insiste sur « la vocation industrielle du groupe qui, non coté, a les coudées franches pour mener une politique de long terme ». Les modalités financières restent pour l’instant inconnues. Bosch veut combiner des cofinancements de la branche et de l’Europe pour alléger les coûts de formation, tandis que le président de la SITL dit n’avoir « pas encore sollicité l’aide de l’État ». L’Adefim rhodanienne, l’Opca de ces deux entreprises, n’a pas encore reçu le détail des plans qui lui seront soumis.

L’ESSENTIEL

1 Dans la région lyonnaise, deux sites industriels entament leur reconversion vers des productions liées aux énergies renouvelables, avec l’objectif de maintenir tous les emplois.

2 Chez Bosch Vénissieux, 120 techniciens et opérateurs vont partir sur un site allemand du groupe d’ici à septembre pour être formés au montage de panneaux photovoltaïques.

3 Chez Fagor, qui change de propriétaire, le plan de formation et les investissements promis ne rassurent pas les syndicats sur la pérennité du site.

Les syndicats de Bosch respirent, ceux de la SITL doutent

Deux mois après la cession de Fagor-Brandt, la direction de la SITL et la CGT n’ont toujours pas la même lecture de la situation. Ni sur la capitalisation de la PME : Pierre Millet assure que l’entreprise est capitalisée à hauteur de 10 millions d’euros depuis le 27 avril, tandis que la CGT n’y voit que 2 millions d’euros et une valse hésitation des investisseurs. Ni sur les investissements pour le site de « plus de 40 millions d’euros, au global », sur quatre ans. Ni sur les emplois : le dirigeant promet qu’il n’y aura « aucun licenciement », quand le syndicat remarque que, sur les 40 dernières personnes qui ont quitté l’entreprise, « très peu sont parties à la retraite ». Ni sur le plan de formation de 9 millions d’euros abondés par Fagor : « La seule chose annoncée par la direction est une formation produits pour six personnes et des formations en chaudronnerie pour quatre à huit. »

L’optimisme est beaucoup plus palpable chez Bosch, où l’habituelle opposition syndicale entre la CFDT et la CGT n’est plus aussi tranchée que par le passé. L’initiative, très médiatisée en Allemagne, d’une dizaine de salariés qui avaient enfourché leur vélo pour venir plaider à Stuttgart le sort du site, en mai 2010, a sans doute eu un impact positif. « Franz Fehrenbach (le président du directoire, ndlr) a compris que toute l’énergie mobilisée en France n’avait pas pour but de brûler des palettes, commente Marc Soubitez (CFDT). D’où son accord concernant la mise en place une commission de réindustrialisation et le fait de nous donner du temps pour trouver une solution ». Son syndicat a manifestement tiré des enseignements de cette reconversion : François Chérèque a prévu de se rendre sur le site, début novembre.

Auteur

  • LAURENT POILLOT