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Enquête

« Pour progresser, il faudra faire une vraie pause dans les réformes »

Enquête | publié le : 31.05.2011 | C. F.

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« Pour progresser, il faudra faire une vraie pause dans les réformes »

Crédit photo C. F.

E & C : Pourquoi n’êtes-vous pas favorable à la future prime sur les dividendes ?

G. B. : Je comprends la réaction de rejet des chefs d’entreprise. C’est inacceptable sur la forme, puisqu’on impose un texte en urgence sans tenir compte de l’avis des partenaires sociaux. Sur le fond, c’est tout aussi contestable. Car croissance des dividendes et croissance des profits ne sont pas automatiquement liées. Une entreprise peut faire varier ses dividendes indépendamment de l’évolution de ses résultats. Elle peut par exemple reprendre des distributions parce qu’elle les avait supprimées pendant la crise ou parce qu’elle a voulu antérieurement consolider ses capitaux propres. Autre problème : un groupe qui a son siège social en France et qui augmente ses dividendes devra verser la prime dans ses filiales dès lors qu’il possède plus de 51 % du capital. Peu importe si ces filiales ont eu de mauvais résultats. Peu importe si ce sont plutôt les salariés des filiales étrangères qui ont contribué à la réalisation des bénéfices. Un système contestable, donc. Par ailleurs, comment prendra-t-on en considération les efforts déjà réalisés par l’entreprise en termes de participation, d’intéressement ou d’actionnariat salarié ? Le projet de loi répond mal à cette préoccupation. Il dispense simplement les entreprises qui ont mis en place un dispositif établissant un lien direct avec la croissance des dividendes. Or tel n’est pas le cas de la plupart des accords de participation dérogatoire ou d’intéressement. Certaines entreprises font des efforts conséquents, versant parfois l’équivalent de deux à trois mois de salaire supplémentaires. Seront-elles traitées comme les entreprises qui n’ont rien fait ? Quant aux salariés, ils risquent d’être déçus. Il n’y a pas de minimum fixé pour la prime, et elle ne va concerner qu’une minorité de salariés. Bref, il s’agit surtout d’afficher une action volontariste en matière de pouvoir d’achat sans aucune garantie sur les résultats.

E & C : Mais alors, comment peut-on améliorer le partage des profits dans toutes les entreprises ?

G. B. : Participation et intéressement sont des outils pertinents, car ils tiennent compte des résultats sans remettre en cause la rémunération du capital. D’autres dispositifs existent pour partager les profits, notamment les différentes formes d’actionnariat salarié. Mais le développement de tous ces dispositifs est très clairement entravé par des réformes incessantes depuis l’ordonnance de 1986. Tous systèmes d’épargne salariale confondus, on constate pratiquement une réforme par an. En raison de cette instabilité, ces outils sont devenus illisibles. Les incitations fiscales qui devaient pourtant faciliter leur essor ont aussi été régulièrement revues : à peine créé, le forfait social a été modifié trois fois, passant de 2 % à 4 % puis à 6 % en 2011. Cela fait certes travailler des hyperspécialistes du sujet, mais cela ne permet pas d’avancer dans les entreprises où l’on estime qu’un cycle de cinq ans est nécessaire pour que les partenaires sociaux s’approprient une réforme. Du fait de cette logorrhée législative, à peine un accord est conclu qu’il est déjà obsolète à cause d’une nouvelle modification. C’est comme si on vous obligeait à porter constamment de nouvelles chaussures : vous auriez tout le temps mal aux pieds. Les réformes constantes ont aussi détruit la cohérence d’ensemble : le supplément d’intéressement créé en 2008 a fait perdre au dispositif son caractère aléatoire. Il faut simplifier et redonner de la logique à ces systèmes, et il faudra ensuite s’interdire de légiférer pendant au moins cinq ans !

Auteur

  • C. F.