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« DES INCERTITUDES JURIDIQUES DEMEURENT »

enquête | publié le : 24.05.2011 | V. G.-M.

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« DES INCERTITUDES JURIDIQUES DEMEURENT »

Crédit photo V. G.-M.

E & C : La jurisprudence sur le DIF est-elle importante ?

C. P. : Elle se résume à une dizaine de décisions de justice en Cour de cassation et cours d’appel, principalement des condamnations d’employeurs pour défaut d’information sur l’accès au DIF en cas de licenciement. Les dommages et intérêts versés aux salariés sont alors plus ou moins calculés à hauteur de la valorisation du DIF portable. Une décision de la cour d’appel de Rouen du 27 avril 2010 étend cette obligation à la rupture conventionnelle.

Ces quelques décisions de justice éclairent le droit, mais il reste cependant des incertitudes juridiques.

E & C : Qu’advient-il du DIF en cas de licenciement pour faute grave ?

C. P. : La faute grave n’est plus privative du DIF portable, mais l’article L. 6323-17 du Code du travail ne dit pas pour autant que le salarié peut bénéficier de son DIF avant la rupture de son contrat. Une réponse mi­nistérielle du 1er février 2011 (JOAN Q., 01/02/2011) préconise cependant de « faire droit à la demande du salarié dès lors qu’elle est effectuée pendant une période égale à celle du préavis qui aurait été applicable s’il n’avait pas été licencié pour faute grave ». En tant qu’avocat, je m’en tiens au Code du travail, qui ne prévoit pas cette possibilité.

E & C : Qu’en est-il de l’utilisation des deux compteurs “DIF portable” et “DIF en poste” ?

C. P. : Il s’agit de deux compteurs distincts : celui du DIF portable est figé, alors que le compteur que le salarié ouvre en intégrant une nouvelle entreprise s’alimente au fil des années. Le salarié peut utiliser son DIF portable au cours des deux années suivant son embauche. En principe, il ne se cumule pas avec le nouveau droit qu’il acquiert chez son nouvel employeur, mais rien ne l’interdit non plus. Ce qui est sûr, c’est que l’employeur n’est pas obligé d’accepter la demande de son salarié de mobiliser son DIF portable en complément ou non de ses heures nouvellement acquises.

E & C : Au-delà des problèmes juridiques, des pratiques discutables ont-elles été repérées ?

C. P. : Le DIF ne permet pas aux salariés comme aux organismes de formation de faire n’importe quoi. On ne peut faire que de la formation professionnelle au sens du Code du travail, ce qui peut en décevoir certains. Les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle ont régulièrement à connaître des formations qualifiées de “diffables” par des prestataires, mais qui n’ont rien d’actions de formation professionnelle continue, des formations de développement personnel notamment.

On peut également s’interroger sur la légalité de la mention “formation prise en charge au titre du DIF” que l’on trouve fréquemment dans les documents de communication des organismes. Ce n’est pas à eux de décider si une formation peut être ou non suivie dans le cadre du DIF. Cette mention pourrait être prohibée par les textes réglementant la publicité des organismes de formation, comme l’est clairement celle mentionnant le caractère imputable des dépenses engagées au titre d’une formation.

E & C : Quel serait, selon vous, l’avenir souhaitable du DIF ?

C. P. : Le DIF a été conçu comme un instrument de développement des compétences transférables. L’idée était aussi de responsabiliser le salarié, de le rendre davantage acteur de sa formation. Avec la portabilité, le DIF devient un outil d’employabilité ou de réemployabilité, en particulier pour les moins qualifiés. Ces derniers ont intérêt à capitaliser leurs heures de DIF jusqu’au plafond de 120 heures, afin de disposer d’un “capital formation” d’un montant maximum actuel de 1098 euros en cas de rupture de leur contrat de travail. Néanmoins, je suis favorable à une fusion du CIF et du DIF, ce qui clarifierait l’accès à la formation à l’initiative des salariés.

Le CIF hors temps de travail est déjà une avancée dans ce sens. Cette fusion permettrait de créer un vrai droit personnel à la formation. D’un côté, nous aurions des obligations de formation de l’employeur bien encadrées : adaptation au poste de travail et capacité à occuper un emploi. De l’autre, il y a place pour un droit vraiment personnel, détaché du contrat de travail, qui pourrait être géré à l’extérieur de l’entreprise par un guichet unique.

Auteur

  • V. G.-M.