Se dirigerait-on vers un statu quo concernant la généralisation du CV anonyme, prévue par la loi de 2006 sur l’égalité des chances, mais toujours en attente d’un décret d’application ? Après une étude quantitative du Crest en mars démontrant les limites du CV anonyme (lire Entreprise & Carrières n° 1044), le volet qualitatif du rapport, publié le 13 mai, enfonce le clou.

Les conclusions de l’étude, commanditée par Pôle emploi pour le compte du ministère du Travail et réalisée par le cabinet Amnyos auprès des opérateurs publics et privés de placement et des entreprises expérimentant le CV anonyme, sont sans appel : la généralisation du CV anonyme apparaît « peu souhaitable et peu réaliste » au regard des pratiques de recrutement. Le document préconise d’en rester à un usage « ciblé et raisonné », pour des procédures de recrutement très unifiées ou des opérations de sensibilisation aux pratiques de non-discrimination.

L’étude pointe plusieurs freins, à commencer par les méthodes très variées pour rendre anonymes les candidatures, « souvent partielles et plus ou moins abouties ». Généraliser l’usage du CV anonyme nécessiterait donc un investissement technologique coûteux afin de garantir l’équité de traitement des candidats.

L’anonymat obligatoire se heurterait également aux réticences des DRH, confrontés à des candidatures trop désincarnées et difficiles à évaluer en termes de niveau de compétences.

Enfin, le rapport juge la généralisation du CV anonyme incompatible avec la diversité des modes de sourcing : approche directe des candidats, rappel d’intérimaires, réembauche de stagiaires. Son usage systématique pourrait en outre constituer paradoxalement un frein à la politique de diversité des entreprises, qui cherchent par exemple à rééquilibrer leur pyramide des âges.