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Les discriminations liées à l’orientation sexuelle embarrassent l’entreprise

Actualité | publié le : 17.05.2011 | LYDIE COLDERS

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Les discriminations liées à l’orientation sexuelle embarrassent l’entreprise

Crédit photo LYDIE COLDERS

À l’heure de la journée mondiale contre l’homophobie ce 17 mai, la lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle reste marginale dans les entreprises. Seules quelques-unes, comme IBM notamment, ont su s’attaquer efficacement au phénomène.

Le 17 mai, journée internationale de lutte contre l’homophobie, met l’accent sur les discriminations de tous ordres dont sont victimes des personnes en raison de leur orientation sexuelle. À cette occasion, le constat peut être établi que, dans le monde du travail, la prévention de ces comportements ou pratiques ne fait guère de progrès malgré les politiques diversité des grandes entreprises notamment.

Selon une étude de la Halde de 2007, 39 % des salariés gays ou lesbiennes subissent une forme d’homophobie larvée dans leur entreprise, victimes de blagues de mauvais goût ou de propos homophobes à leur encontre. En février 2011, un sondage de l’association l’Autre cercle*, qui milite contre les discriminations au travail liées à l’orientation sexuelle, fait état de 26 % de salariés homosexuels s’estimant victimes ou témoins de comportements homophobes dans leur entreprise.

Problème : le sujet demeure tabou. Y compris dans les entreprises qui travaillent sur la lutte contre les discriminations. Bien que l’orientation sexuelle fasse partie des critères de non-discrimination au même titre que l’origine ethnique ou religieuse dans le Code du travail, « les entreprises ont très peu avancé sur le problème de l’homophobie en général. Leurs accords diversité insistent sur la non-discrimination des femmes, des personnes handicapées ou des seniors pour des raisons de pénalités financières, mais le critère de l’orientation sexuelle est très souvent le grand oublié de ces textes », observe Christophe Falcoz, professeur associé à l’IAE de Lyon, qui organise un colloque le 27 mai sur la diversité et la discrimination des homosexuels au travail. Même constat dans l’étude de la Halde : en 2007, seuls 8 % des accords diversité des entreprises incluaient explicitement la lutte contre cette forme de discriminations.

Pour Catherine Tripon, porte-parole de l’Autre cercle, si l’homophobie au travail demeure d’actualité, cet oubli dans les accords diversité serait moins dû à une volonté délibérée des entreprises qu’à leur embarras face à cette question sensible : « Les DRH craignent surtout d’être maladroits en abordant cette notion de non-discrimination liée à l’orientation sexuelle, qui leur semble relever de la vie privée, à l’instar de l’appartenance religieuse. » Néanmoins, selon elle, les mentalités tendent à évoluer avec l’essor du Pacs et l’élargissement de la notion de parentalité en France : « Les DRH commencent à réfléchir à harmoniser les avantages liés aux congés parentaux et aux offres des comités d’entreprise entre couples hétérosexuels et homosexuels. »

Une culture américaine des réseaux

Pourtant, dans les faits, peu d’entreprises ont d’ores et déjà pris des engagements concrets. Selon les estimations de Christophe Falcoz, seuls une douzaine de grands groupes, comme L’Oréal, PSA ou Randstad, planchent aujourd’hui activement sur la question de l’égalité de traitement des salariés homosexuels.

Le plus avancé est sans conteste IBM, qui, fort de sa culture américaine où les réseaux de salariés gays et lesbiennes existent depuis seize ans, a inclus clairement dans sa politique diversité mondiale la non-discrimination liée à l’identité, l’orientation ou l’expression sexuelle. Non pas pour des raisons d’image, mais d’efficacité : « Nous cherchons des talents qui puissent progresser dans l’entreprise. Ne pas y inclure les salariés homosexuels serait un véritable gâchis. Notre groupe souhaite encourager la tolérance et la reconnaissance de la performance de chacun », affirme Jean-Louis Carves, responsable diversité France d’IBM.

Plus qu’au recrutement (7 % d’homosexuels concernés au cours de leur vie professionnelle selon la Halde), c’est dans la progression de carrière qu’ils sont généralement discriminés. Comme les femmes hérétos, les homosexuels subiraient le fameux phénomène du plafond de verre : selon la Halde, 11 % auraient été exclus d’une promotion interne au cours de leur vie professionnelle. « On retrouve les mêmes préjugés qui freinent la carrière, comme la prétendue fragilité des homosexuels », déplore Jean-Louis Carves.

Depuis deux ans, IBM France travaille avec l’Autre cercle pour former ses managers aux stéréotypes qui collent à l’image des homosexuels. Les critères en matière de non-discrimination – y compris l’orientation sexuelle – sont également systématiquement rappelés aux salariés lors de leur intégration ou de leur évolution vers un poste de management. Mais surtout, l’entreprise s’appuie sur son réseau français de salariés LGBT (lesbienne, gay, bi et transsexuel) fondé il y a dix ans pour mener des actions ciblées. Via ce réseau, IBM a ainsi organisé un premier séminaire dédié au leadership en 2010, rassemblant 80 cadres européens homosexuels identifiés hauts potentiels.

« Pour briser ce plafond de verre, il faut s’adresser directement à cette population. Ils rencontrent des problématiques communes à d’autres minorités, comme le manque de confiance en soi ou les difficultés d’accès aux réseaux d’influence », justifie Jean-Louis Carves. Une initiative qu’IBM compte bien pérenniser. Le prochain séminaire européen sur le leadership des homosexuels se tiendra fin mai à Milan.

Pratique très récente en France, ce recours à des communautés de salariés homosexuels pour monter des programmes de sensibilisation commence à faire des émules. Comme Sodexo, qui ambitionne de créer son réseau européen de salariés gays et lesbiennes d’ici à fin 2011. L’entreprise veut aller plus loin que le principe de non-discrimination pour orientation sexuelle, inscrit dans sa politique diversité européenne depuis 2006.

L’enjeu de la diversité

« Dans une organisation aussi décentralisée que la nôtre, l’enjeu de la diversité ne peut pas être porté uniquement par les DRH, mais doit venir des salariés eux-mêmes. L’intérêt de ce type de réseau, c’est de pouvoir créer des échanges entre salariés gays et hétérosexuels, faire remonter les problèmes de discrimination et échanger les bonnes pratiques avec des associations », argumente Jean-Michel Monnot, vice-président diversité Europe de Sodexo.

En mars 2011, le comité de direction mondial du groupe a également été sensibilisé à la question de l’égalité de traitement des homosexuels. En toile de fond, l’objectif est, là aussi, de lever les freins à l’accélération des carrières, notamment à l’international. La direction de la diversité de Sodexo a ainsi créé un groupe de travail européen composé d’une vingtaine de salariés homosexuels et hétérosexuels pour harmoniser ses pratiques RH. « Cela prendra du temps, explique Jean-Michel Monnot. Nous souhaitons notamment vérifier que les couples homosexuels bénéficient des mêmes avantages pour les conjoints dans tous les pays en cas d’expatriation. » Un premier pas vers l’égalité des chances…

* L’association organise le 17 mai une rencontre au Medef et remettra un prix de la diversité. <www.autrecercle.org>.

Comportements homophobes

→ 26 % des LGBT ont été victimes ou témoins de comportements homophobes sur le lieu de travail.? Dans ce cas, il s’agissait à :

→ 82 % de moqueries et plaisanteries

→ 59 % de manque de respect

→ 29 % de délation et propagation de rumeurs

→ 24 % de mise à l’écart

→ 17 % de harcèlement

Enquête de l’Autre Cercle, 10 février 2011.

Les préconisations de la Halde

A la suite de son étude de 2007 sur l’homophobie au travail et constatant la faible représentation du critère de l’orientation sexuelle dans les accords diversité des entreprises, la Halde a émis trois grandes recommandations :

→ Développer une politique de formation et de sensibilisation de lutte contre les discriminations intégrant le critère de l’orientation sexuelle, agir sur les stéréotypes et informer les salariés de leurs droits.

→ Protéger les salariés, en renforçant le rôle de prévention et d’alerte des médecins et des inspecteurs du travail. La Halde recommandait en outre la mise en place d’une politique de sanction contre les actes et les propos homophobes.

→ Créer des dispositifs d’alerte permettant de recueillir les plaintes anonymes des salariés victimes de harcèlement ou de discrimination en raison de leur orientation sexuelle.

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  • LYDIE COLDERS