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Un outil de pilotage pour les fins de carrieres

Pratiques | publié le : 10.05.2011 | LAURENT POILLOT

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Un outil de pilotage pour les fins de carrieres

Crédit photo LAURENT POILLOT

L’âge de départ à la retraite des seniors est devenu de moins en moins prévisible pour les entreprises, qui ont pourtant besoin d’anticiper. Cette incertitude fait le succès actuel du bilan retraite individualisé, qui éclaire les salariés en fin de carrière sur leurs revenus de remplacement, et l’entreprise sur les dates de départ de ces seniors.

Le flou règne sur la gestion des effectifs en fin de carrière : avec la disparition des préretraites ainsi que des mises à la retraite d’office avant l’âge de 70 ans, l’employeur a perdu toute initiative pour déterminer les sorties de ses salariés. Tandis que la réforme de 2003 a allongé la durée de cotisation et a introduit un dispositif de surcote-décote qui élargit les arbitrages du salarié quant au choix de sa date de départ, celle de 2008 recule l’âge légal. Situation inconfortable pour le DRH, qui s’efforce de gérer les carrières, de transférer les savoir-faire, de mettre en place un Perco ou un régime collectif obligatoire de retraite, d’évaluer les engagements sociaux comme les indemnités de fin de carrière…

Impacts RH et financiers

D’où le succès que remporte depuis quelques années un outil qui se veut au service du salarié comme de l’entreprise : le bilan retraite individualisé, ou BRI. Il permet au salarié d’obtenir une reconstitution précise de ses droits à la retraite et de ses revenus de remplacement, et à l’employeur, qui le finance, d’acquérir une visibilité sur les dates de départ à la retraite prévues par ses seniors. Car la réglementation ne permet pas à l’employeur de le demander à un salarié, à qui il revient, seul, l’initiative de l’annoncer.

Le rapprochement de ces attentes sera un enjeu décisif dans les cinq prochaines années, affirme le cabinet conseil en gestion sociale Towers Watson. Instruit par deux études ante et post loi Woerth auprès d’entreprises cotées au SBF 120 (représentant 552 900 salariés), ce prestataire est convaincu que la dernière réforme des retraites continue d’être mal perçue : « 56 % des entreprises interrogées considèrent qu’elle sera défavorable, du fait de ses impacts RH et financiers. Les DRH pensent que la réforme est perçue négativement pour une majorité de salariés. » Il souligne, de manière concomitante, que seulement « 34 % ont commencé à communiquer en interne sur cette réforme ».

Un sujet anxiogène pour le salarié comme pour le DRH

Pourquoi cette circonspection ? « C’est un sujet anxiogène pour tout le monde », analyse Françoise Kleinbauer, directrice générale de France Retraite (groupe Adding), qui truste près de 75 % du marché des bilans retraite depuis 1998, avec plus de 2 500 reconstitutions de carrières individuelles par an. « Il l’est pour le salarié qui, à 45 ans, ne s’intéresse pas à ce qui lui apparaît comme une “fin de vie”, aussi bien que pour son DRH qui, lui, méconnaît la réalité du moment où le salarié va partir. Il a bien une connaissance livresque des dispositifs de rachats de trimestres, de cumul emploi-retraite et de retraite progressive, mais il a des difficultés à les faire appliquer… dans la mesure où il ne dispose pas d’informations suffisantes sur la population qu’il gère. »

Une fois son bilan réalisé, le salarié doit en autoriser la transmission à l’employeur. Selon la politique de l’entreprise, cette transmission peut consister à remettre la copie intégrale du bilan individuel à la DRH, ou bien à communiquer uniquement la date du départ à taux plein, ou bien la date de cette échéance ainsi que le montant de la pension estimée.

Certains DRH de la métallurgie font valoir qu’ils délivrent depuis plus de dix ans des estimations à leurs cadres et non-cadres. Plus récemment, la loi de 2009 sur l’emploi des seniors a par ailleurs imposé la délivrance d’une information sur les conséquences du passage à la retraite : « Elle se niche dans les entretiens de seconde partie de carrière, dès 45 ans, qui participent des six mesures laissées au choix des entreprises », rappelle Françoise Kleinbauer.

Communication sociale

Chez Haar France (10 personnes), Jean Combelle a eu recours au bilan de retraite moins pour anticiper les paiements et réaffectations de postes, que pour « arranger les gens » : « J’ai voulu montrer qu’une PME peut offrir les mêmes avantages qu’un grand groupe. Les intentions de départ, je les connais près de deux ans à l’avance. Je préfère éviter qu’un ancien salarié ne me dise un jour que sa pension aurait été meilleure s’il était resté deux mois de plus ! », explique ce dirigeant de 61 ans, aux commandes depuis vingt ans de cette PME spécialisée dans la distribution de systèmes de comptage et de transferts d’hydrocarbures. Chez Haar, quatre des dix personnes ont atteint 60 ans. Deux partiront cette année.

Plusieurs branches font déjà la promotion des bilans de retraite. Parmi elles : la coiffure, la chimie et les vins et spiritueux. « Il ne s’agit pas que d’une simple communication sociale, mais d’une mesure prospective permettant, en interne, d’installer une GPEC seniors », commente la dirigeante de France Retraite. La branche des industries des papiers et cartons compte parmi ses clients. Son Opca, Formapap, déclare être le premier organisme à avoir proposé les bilans prévisionnels personnalisés aux salariés de ses adhérents. « Nous en avons réalisé plusieurs centaines depuis le lancement du dispositif “Générice”, issu de l’accord de branche sur les seniors de mars 2008 », indique Albéric Deplanque, secrétaire fédéral FO des industries papiers et cartons, administrateur de Formapap. Des résultats agrégés sont ensuite portés à la connaissance des directions. « Les DRH en ont besoin pour les emplois stratégiques de conducteurs de machine, sachant qu’il faut deux ans pour préparer à ces métiers », glisse un délégué régional de Formapap. Albéric Deplanque assimile ces bilans à des “devis de sortie” : « On sait que les retraites se feront à la carte : elles seront moins liées à un âge de départ qu’à un nombre d’années d’activité. Il faut que les salariés arrêtent d’envisager leur retraite sous l’angle “à quel âge vais-je partir ?”, mais plutôt “avec combien ?”. »

Un cercle vertueux à créer

Côté entreprise, la conséquence est que « le PSE ne sera plus une solution miracle, prévient le directeur général de Towers Watson, Simon Desrochers. En reculant de deux ans les départs, on augmente la durée de dédommagement, ce qui deviendra prohibitif pour les entreprises. Quant aux salariés, ils feront valoir que cette rupture d’activité les prive des ressources nécessaires à leur espérance de vie à la retraite, d’environ vingt-cinq ans, qui ne cesse de s’allonger ».

Il faut, selon lui, créer les conditions d’un cercle vertueux : « Plus vous délivrez d’informations sur les retraites, plus vous obtenez, en retour, d’informations sur les intentions de départ. La RH peut en tenir compte pour ses prévisions de recrutement et ses plans de succession. » Moyennant quoi, il devient possible d’aménager des parcours de départ progressif dans les quatre ans précédant la liquidation des droits. « Trop peu d’entreprises le prévoient, déplore-t-il, alors que les régimes Agirc-Arrco autorisent, pour les fins de carrière, à combiner une activité à temps partiel avec des cotisations au régime plein. Cette transition ordonnée de l’activité rend ensuite possible un cumul emploi-retraite. Les entreprises que nous accompagnons procèdent de deux manières. Certaines ont intégré un volet retraite dans leur bilan social individuel, à côté des éléments de salaire immédiat, des avantages sociaux et de l’épargne salariale : chaque salarié reçoit une projection de ce qu’il touchera à la retraite. Les autres forment les plus de 55 ans sur tous les aspects financiers, sociaux et d’accompagnement psychologique. Mais peu de sociétés cumulent les deux approches. »

Informations dispersées

Le marché des bilans de retraite est en plein essor. Normal, estime Pierre Guillocheau, directeur général adjoint de Malakoff Médéric : « L’information est très éclatée. On observe une demande croissante des salariés pour connaître aussi bien l’âge de leur départ que leur futur revenu tiré des régimes de base, complémentaire et supplémentaire. Nous voulons leur apporter ce décryptage global. » Nouveau venu sur ce marché, l’assureur commercialise son bilan de retraite depuis juillet 2010 (300 ont été réalisés). Il enrichira d’ici à septembre son simulateur en ligne pour établir des reconstitutions individuelles à partir de 95 % des régimes (dont l’Ircantec et le RSI). Une manière astucieuse de pousser ses produits de retraite supplémentaire.

Que les bilans soient proposés ou non par un assureur, il faut compter de 900 à 1 100 euros HT pour une demande individuelle. Ou bien 600 euros à 800 euros HT dans le cadre d’un contrat collectif. On a même trouvé moins : Formapap l’offre actuellement pour 380 euros HT à ses adhérents, grâce à des cofinancements du FSE et d’un Edec de branche.

L’ESSENTIEL

1 L’allongement des carrières pose une contrainte économique aux entreprises comme aux actifs.

2 Mais la question de l’âge de départ à la retraite reste taboue : parmi les grandes entreprises, seule une sur trois communique sur les impacts de la loi Woerth.

3 Les reconstitutions de carrières individuelles peuvent inciter les salariés à afficher leur décision de partir et aider l’entreprise à planifier l’avenir.

LOI WOERTH
Des âges de départ revus par la réforme

La nouvelle réforme est complexe. Le recul de l’âge légal de départ de 60 à 62 ans d’ici à 2018 représente un allongement de la durée du travail de quatre mois par an pour toutes les générations nées à compter du 1er juillet 1951, jusqu’en 1955. Ce décalage prendra effet à compter du 1er juillet 2011. En pratique, une personne née le 1er juillet 1951 devra attendre le 1er novembre 2011 pour liquider ses droits, au lieu du 1er juillet 2011.

Percevoir une retraite à taux plein nécessite d’allonger d’au moins autant la durée d’assurance. Pour partir sans décote, il faut prévoir de faire durer son activité jusqu’à 41 années et 3 mois en 2013, contre 40,5 ans jusqu’ici. Ou bien dépasser la borne d’âge, de 65 ans jusqu’ici, pour celle de 67 ans d’ici à 2018.

Les personnes nées en 1953 et 1954 devront totaliser 165 trimestres (art. 9 du décret n° 2010-1 734 du 30 décembre 2010). Pour celles nées à compter du 1er janvier 1955, cette durée, qui doit être désormais déterminée en fonction de l’allongement de l’espérance de vie, sera fixée par un autre décret attendu avant la fin 2011.

Auteur

  • LAURENT POILLOT