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États-UnisGROSSE FATIGUE POUR LES CONTROLEURS DU CIEL

pratiques | international | publié le : 10.05.2011 | CAROLINE TALBOT

Les contrôleurs aériens font la “une” depuis qu’un des leurs s’est endormi aux manettes de la tour de contrôle de Washington. Un incident pas si rare, qui révèle des problèmes d’horaires décalés et d’effectifs.

Avis de gros temps pour les aiguilleurs du ciel américains. Le 23 mars dernier, les pilotes de deux avions qui s’apprêtaient à atterrir sur l’aéroport Ronald-Reagan à Washington en pleine nuit se trouvent confrontés au silence radio du contrôle aérien. Ils doivent se débrouiller seuls, requérant l’aide de la tour de contrôle régionale, 80 km plus loin en Virginie. Pour découvrir après coup que le contrôleur de l’aéroport s’était tout simplement endormi. Il veillait seul au trafic et s’était assoupi une vingtaine de minutes.

Une affaire si peu exceptionnelle qu’elle s’est renouvelée très récemment encore : le 19 avril, l’appareil qui transportait la First Lady, Michelle Obama, s’est retrouvé trop près en vol d’un avion cargo C17, au-dessus de la base Andrews. L’aiguilleur du ciel d’Andrews aurait fait une grosse erreur de calcul.

Allongement des temps de repos

Les pros de la FAA (Federal Aviation Administration), l’agence fédérale en charge de ces activités, ont dû reconnaître que ces erreurs ne sont pas si rares. En majorité bénignes, elles ont augmenté de 51 % l’année dernière. Et, depuis quelques mois, une demi-douzaine d’aiguilleurs ont été suspendus pour s’être endormis aux manettes d’une tour de contrôle. Furieux, le ministre des Transports Ray LaHood a ordonné qu’au moins deux contrôleurs soient affectés de nuit dans les 27 tours qui pratiquaient la permanence solo. Le président de la FAA a été limogé et cette administration a revu l’organisation des horaires de la profession pour allonger les temps de repos, sous les applaudissements des leaders de la National Air traffic Controllers Association, le syndicat qui représente les 15 000 aiguilleurs du ciel.

Mais cela suffit-il ? George Dennis en doute. Pour cet ancien contrôleur reconverti dans le conseil chez Williams Aviation Consultants, les heures supplémentaires imposées par la FAA et les horaires sans cesse décalés entraînent une réelle fatigue : « Le premier jour, vous faites 16 h 00-minuit ; le second 15 h 00-23 h 00 et le lendemain 8 h 00-16 h 00. Dans ces conditions, il est impossible de rattraper le manque de sommeil. » Et il n’est pas envisageable de mettre en œuvre des horaires fixes de travail, toujours identiques, pour la nuit par exemple. « Le contrôleur y perdrait son savoir-faire, estime William Voss, président de la Flight Safety Foundation. A l’aéroport Ronald-Reagan par exemple, il y a 5 mouvements d’avions dans la nuit et 50 par heure dans la journée. Vous ne pouvez pas cantonner un contrôleur à la nuit, ses compétences n’y survivraient pas. »

Dans ces conditions, comment éviter la fatigue ? Il semble aussi difficile de mieux répartir le travail. « Les contrôleurs sont moitié moins nombreux qu’en Europe », souffle William Voss. Après la grève de 1981, le président Ronald Reagan avait ordonné le licenciement de 11 000 grévistes ; puis le gel des salaires entre 2006 et 2009 n’avait pas permis de retarder les retraites ni de recruter suffisamment pour faire face aux départs, conduisant à une baisse d’un tiers des effectifs, selon Trish Gilbert, la vice-présidente du syndicat, interrogée par le Washington Post. Depuis, la FAA a recruté 7 000 apprentis, mais le turnover est fort et la formation longue. Un tiers de l’effectif a moins de cinq ans d’ancienneté et beaucoup continuent leur formation sur le poste de travail, accompagnés par des anciens.

Autoriser la sieste ?

Le président de la Flight Safety Foundation, lui, aurait bien une solution : « Laissez les contrôleurs faire la sieste quand ils sont au travail avec d’autres collè-gues, suggère-t-il. Ils seraient plus frais et il y aurait moins d’incidents. » Mais d’ajouter : « Les fonctionnaires sont tellement mal vus aujourd’hui, qu’aucun homme politique n’osera prôner la sieste. »

Auteur

  • CAROLINE TALBOT