logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

enquête

« Un conflit intergénérationnel cache souvent un problème de GRH »

enquête | publié le : 10.05.2011 | É. S.

Image

« Un conflit intergénérationnel cache souvent un problème de GRH »

Crédit photo É. S.

E & C : Les jeunes ont-ils vraiment des attentes et des comportements spécifiques ?

D. M. : Beaucoup de choses sont dites sur la génération Y ! Pour ma part, je vois deux traits caractéristiques : un rapport au temps différent, issu du fait d’avoir grandi avec les nouvelles technologies, qui a créé des exigences de réponses et de transparence plus élevées ; et une remise en cause de l’autorité liée à une éducation plus permissive – c’est la génération Dolto. Mais pour le reste, de nombreuses études montrent que leurs attentes, notamment en termes de reconnaissance, d’écoute, d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, ne sont pas fondamentalement différentes de celles de la génération précédente, celle qu’on appelle la génération X et qui vient après les baby-boomers. Simplement, ils les expriment davantage, devenant en quelque sorte les porte-voix du reste des salariés, car ils ont un rapport décomplexé au travail et à l’entreprise. Pour eux, qui démarrent leur vie professionnelle, le passage dans une entreprise est un tremplin pour construire sa carrière. Du coup, ils ne s’y projettent pas dans l’avenir.

E & C : Quelle est la responsabilité de l’entreprise dans cette nouvelle relation ?

D. M. : C’est la réponse du berger à la bergère ! Les entreprises ont en grande partie participé à créer ce lien moins affectif. Les jeunes ont grandi avec l’image des entreprises qui licencient pour augmenter les profits, ils ne leur font plus confiance. Et la crise a sans doute accentué cette désimplication affective.

De plus, ils ont intégré l’injonction selon laquelle il appartient à chacun de construire sa propre employabilité. D’où des attentes d’évolution et de mobilité plus fortes, souvent de la part des plus diplômés. Pour les autres, la mobilité est souvent subie sous la forme de contrats précaires qui s’enchaînent. Eux aspirent à un emploi stable. Et, quand enfin ils arrivent à décrocher un CDI, quelques-uns vont souffler, décompresser sur le plan physique et psychique. Ce que certains employeurs interprètent comme du désengagement, mais, là encore, c’est la conséquence d’un vécu de précarité que les entreprises leur imposent.

E & C : Y a-t-il des risques de conflits intergénérationnels dans les entreprises ?

D. M. : Avec l’allongement des carrières, davantage de générations vont se côtoyer au travail. Les DRH commencent à en prendre conscience et demandent aux consultants des interventions sur le management intergénérationnel.

Mais, quand un conflit de cette nature apparaît, c’est rarement un problème de culture, plutôt le fait de préjugés que les uns ont sur les autres, et qu’il faut dégonfler. On se rend compte alors qu’il s’agit la plupart du temps d’un problème de gestion ou de RH qui n’a rien à voir avec les comportements des jeunes. Par exemple, je suis intervenu dans une entreprise industrielle où l’on percevait les jeunes comme arrivistes, fainéants… En réalité, comme ils avaient été embauchés à des niveaux de diplômes plus élevés que leurs aînés, leurs salaires avaient augmenté plus vite que ceux des autres salariés, qui avaient grimpé plus lentement les échelons et le ressentaient comme une injustice.

Souvent, les plus critiques à l’égard des jeunes sont les salariés à peine plus âgés, de 35-40 ans. Sans doute ressentent-ils plus fortement la concurrence de jeunes, généralement plus compétents dans leur maîtrise des langues et des nouvelles technologies. Et qui, dans une concurrence exacerbée entre salariés, n’ont pas envie d’attendre leur tour.

Auteur

  • É. S.