D’après un rapport de mars 2010 de l’Assemblée nationale, 70 % des autorisations de travail délivrées au titre de la liste des métiers en tension envers des étrangers de pays tiers (hors Union européenne) concernent les métiers de l’informatique. Les SSII ont donc fait jouer la possibilité de recourir à la main-d’œuvre étrangère davantage que les autres secteurs.

Mais, pour Régis Granarolo, président du Munci, association d’informaticiens, cette tendance n’est pas seulement due à des problèmes de tensions sur le marché du travail – il rappelle que 30 000 informaticiens sont sans emploi : « Nos métiers sont internationalisés, il est donc normal qu’il y ait une immigration de travail dans le secteur informatique. Mais nous voyons beaucoup trop de cas où des SSII font venir des informaticiens de l’étranger à des fins de dumping social. Dans certaines SSII, les ingénieurs immigrés sont payés 10 % à 20 % de moins que leurs homologues français. On voit aussi des entreprises organiser, avec des officines de recrutement local ou en ouvrant de simples bureaux dans des pays tiers, le détachement d’informaticiens vers la France. Ces pratiques, qui s’apparentent à du délit de marchandage, tirent encore les statuts vers le bas, puisque les salariés sont souvent recrutés au salaire minimum prévu par la carte “salariés en mission”, soit 1,5 smic. Ce qui correspond grosso modo au minimum… des minima conventionnels de la branche Syntec-Cicf ! »

Installé à Tunis depuis huit ans, Eric Beltrando, dirigeant de la PME Bilog, s’alarme de ces situations : « Les cabinets de recrutement font pression sur les jeunes ingénieurs en leur faisant miroiter des offres d’emploi en France à saisir en urgence… On voit alors nos salariés partir du jour au lendemain. Outre la concurrence déloyale pour les autres SSIIfrançaises, cela crée une fuite des cerveaux de Tunisie. »