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« Les salariés doivent exercer leur droit d’expression »

Enquête | publié le : 03.05.2011 | V. L.

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« Les salariés doivent exercer leur droit d’expression »

Crédit photo V. L.

E & C : Sur quel terreau le phénomène du harcèlement moral en entreprise repose-t-il ?

P. D. : On assiste à un processus d’intensification du travail depuis le début des années 1980. Cette évolution a concerné les entreprises présentes sur le marché mondial, mais aussi les collectivités territoriales, le travail social, tout aussi touché par les contraintes financières et la réduction d’effectifs. Quand on accroît la pression sur le travail, les salariés sont censés faire la même chose plus vite, mais en réalité, ce n’est pas possible. Alors, ils ajustent en triant. Et le tri se fait entre les exigences de flux et la qualité, mais il n’y a pas de dispositifs sociaux pour arbitrer ce choix. Très vite, cela va être facteur de conflits. Quand les problèmes de travail se transforment en problèmes relationnels, cela devient catastrophique. Deux adversaires convaincus du bien-fondé de leur position s’affrontent.

E & C : La position du manager semble à cet égard poser problème.

P. D. : Par définition, il ne connaît pas le métier des personnes qu’il encadre. A partir de là, des tensions se créent, puisque le collaborateur ne poursuit pas les mêmes objectifs. Dans le travail d’un salarié, des éléments seront utiles aux statistiques et d’autres non, mais relèvent du métier. Si la pression est assez forte pour obtenir des résultats quantitatifs, c’est la dimension de son engagement qui est attaquée. Dès lors, il faut pouvoir s’interroger sur les critères du travail correct. Le débat social sur l’organisation du travail remplit les consultations de souffrance au travail. Celle-ci est liée à cette impossibilité de faire une chose dans laquelle on se reconnaisse. La Cour de cassation a énoncé que le harcèlement moral pouvait découler de pratiques managériales, mais, par rapport à l’ampleur des problèmes réels, peu d’employeurs sont condamnés. Les jugements portent sur des cas extrêmes de vexations et de mises au placard, mais énormément de personnes sont sous antidépresseurs et/ou en situation de décompensation.

E & C : Vers quelles voies devraient s’orienter les entreprises pour éviter ces situations de souffrance ?

P. D. : Il faut faire vivre des espaces de discussion. Ils ont énormément reculé aujourd’hui. Les salariés bénéficient d’ailleurs d’un droit d’expression sur leurs conditions de travail et sur son organisation, et il est impossible de les sanctionner dans l’exercice de ce droit. Mais il n’est pas utilisé.

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  • V. L.