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Enquête

LA VILLE VEUT S’AFFRANCHIR DU VERROU HIÉRARCHIQUE

Enquête | publié le : 03.05.2011 | L. P.

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LA VILLE VEUT S’AFFRANCHIR DU VERROU HIÉRARCHIQUE

Crédit photo L. P.

La capitale auvergnate est l’une des premières collectivités à s’être dotée d’une gestion des risques psychosociaux. Ses enquêteurs interviennent sur mission du maire.

Son dispositif anti-risques psychosociaux est opérationnel depuis la fin 2009. La ville de Clermont-Ferrand (2 700 agents) a déjà traité douze dossiers. Son mode opératoire a quelque chose d’incongru dans la fonction publique territoriale : il est fondé sur une saisine libre et des enquêtes internes indépendantes, conduites par des binômes d’“investigateurs” qui sont, pour beaucoup, des agents de catégorie C : techniciens, employés de cuisine scolaire ou assistants d’instituteurs. Ils reportent leurs résultats devant une commission RPS, réputée affranchie des jeux d’acteurs. « Chacun laisse sa casquette au vestiaire », affirment les parties prenantes interrogées.

Tout passe par cette commission RPS, les alertes comme les enquêtes qu’elle déclenche et instruit. « Les investigateurs agissent sous l’autorité de la commission et sur mission du maire, précise Jean-Philippe Aubert, délégué CFDT. La hiérarchie ne compte pas. Seules priment la souplesse d’intervention et la reconnaissance des compétences. »

Sur le terrain social de Clermont, les investigateurs agissent à leur main. Ils rapportent leurs « matériaux » (des interviews, des documents, des observations) à la commission, qui va ensuite établir son diagnostic, en groupe plénier : un directeur général adjoint, deux médecins du travail, deux préventeurs, l’assistante sociale, trois membres de la DRH, ainsi que les syndicats. Il revient à ce groupe de produire des recommandations écrites à trois destinataires : le conseil municipal, le CHSCT et la commission technique paritaire (CTP, qui traite des questions collectives et de conditions de travail). La commission RPS se prononce dans trois cas : l’urgence, la veille après une altercation ou la prévention des risques – par exemple en amont d’une réorganisation de service.

Un rapport direct et détaché

Cette approche a été accompagnée par l’Aract d’Auvergne. La ville avait fait appel à ce conseil en 2008. Elle n’avait alors pas de préventeur et sa cellule souffrance au travail, centrée sur le harcèlement, apparaissait impuissante à régler les cas sensibles, qui aboutissaient invariablement devant la médecine du travail. « Son apport méthodologique nous a été très utile, affirme Jean-Philippe Aubert. Nous devions parler le même langage sur les sujets de stress et de RPS et apprendre à travailler dans un rapport direct et détaché, ce qui ne va pas de soi. »

Une phase d’expérimentation avait été prévue. Le choix s’était porté sur le service logistique en charge des événements. « Nous pensions que sa gestion contrainte des temps était l’indicateur le plus générateur de stress. Ce n’est pas le cas, commente Amine Khettabi, RRH, animateur de la commission RPS. Durant deux ans, nous avons été en apprentissage. La gestion des RPS n’est pas une science exacte : elle est au carrefour du management, de l’organisation, des relations inter­personnelles et du ressenti individuel. Aucune situation ne ressemble à une autre. » L’une des plus marquantes restera la mise au jour, au sein de l’état civil, d’un cas de harcèlement qui vaut à l’un des chefs de service une assignation au pénal.

90 heures d’investigation

Tout le service a été audité. On parle de 90 heures d’investigation. L’agent concerné a d’abord été suspendu, puis déplacé dans un autre service. Pourtant, Joël Cluzel, médecin du travail, retient que « la vocation de la cellule RPS n’est pas d’engager des recours disciplinaires. Elle nous est peu utile pour traiter les cas individuels, mais davantage pour appréhender les situations collectives de mal-être au travail, afin d’agir sur l’organisation ».

La police municipale, par exemple, s’est résolue à jeter les bases d’un projet de service. Les résistances internes ne sont pas tombées pour autant. Beaucoup de managers redoutent un effet intrusif, malgré les précautions méthodologiques avancées. « Nous analysons les problèmes à partir de quatre champs de tension, explique le responsable RH, lui-même auditeur : le changement du travail, les valeurs et exigences du salarié, les relations et comportement, et les contraintes de travail. Ces quatre points structurent nos hypothèses. Ce n’est jamais une simple analyse des ressentis. »

CLERMONT-FERRAND

• Activité : collectivité territoriale.

• Effectif : 2 700 agents.

• Budget : 281 millions d’euros pour 2011.

Auteur

  • L. P.