Le travail n’est pas une partie de la vie, il est la vie même. Les gestes du travail participent de l’équilibre du corps et de l’esprit. Pour cette raison, le stress et, plus généralement, une organisation du travail délétère peuvent déclencher des pathologies traumatiques telles qu’on en rencontre après des guerres, des attentats ou des accidents : sidération, insomnies, dépressions, décompensations multiples sur des modes paranoïaque ou hystérique, suicides. En chercher les raisons dans la vie privée est non seulement culpabilisant pour les victimes mais encore absurde, puisqu’il va de soi qu’on ne peut travailler qu’en y mettant du sien, en y impliquant son organisation psychique. C’est parce qu’il est promesse d’accomplissement de soi que le travail peut, lorsqu’il déraille, entraîner la ruine des constructions identitaires, fussent-elles les plus solides. Marie Pezé, psychologue, avec l’appui d’une avocate spécialiste du droit social, Rachel Saada, et d’un médecin inspecteur du travail, Nicolas Sandret, approfondit ici la question de la souffrance au travail, de ses causes, de ses manifestations, de ses étapes. Les auteurs dénoncent notamment le non-sens d’organisations du travail fondées sur l’insécurité, le contrôle et la sanction. Ils reviennent ce faisant sur la notion de harcèlement moral qui, trop souvent, réduit les problèmes au travail à des difficultés entre les personnes. Pour eux, l’organisation du travail et les modes de management sont le plus souvent à incriminer comme pathogènes. Un ouvrage d’une grande rigueur, qui donne à réfléchir sur la manière de gérer les hommes.

Marie Pezé, Rachel Saada et Nicolas Sandret, Pearson, 240 pages, 18 euros.