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« La confiance soutient la performance »

Enjeux | publié le : 03.05.2011 | VIOLETTE QUEUNIET

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« La confiance soutient la performance »

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

La perte de confiance des salariés vis-à-vis de leur entreprise limite leur engagement et entraîne une moindre performance. Pour restaurer la confiance, les entreprises doivent rendre explicite le contrat implicite qui les lie à leurs collaborateurs.

E & C : Dans votre ouvrage Restaurer la confiance dans l’entreprise, vous appelez à renouveler le lien entre employeur et collaborateurs. Ce lien s’est-il tellement distendu ?

Frédéric Petitbon :

Ce livre résulte d’observations de terrain et, en effet, nous avons rencontré beaucoup de situations où les collaborateurs ont l’impression de s’être fait flouer. Ce constat est corroboré par de nombreux paramètres internes dans différents secteurs d’activité, qui montrent que la confiance globale accordée à l’entreprise baisse. Les collaborateurs font confiance à leur chef de proximité, ils sont intéressés par leur travail ; en revanche, la confiance globale dans l’entreprise régresse.

Ce qui se joue très souvent, c’est une rupture du contrat implicite passé entre le collaborateur et l’entreprise. Cela se produit lorsque celle-ci, souvent sous la pression économique, évolue dans ses pratiques : un management chaleureux qui devient distant, une prime collective supprimée, etc. Individuellement, cela peut être un poste qui vous passe sous le nez alors que vous avez réalisé le parcours qu’il fallait pour l’obtenir. Dans tous ces cas, aucune promesse n’a jamais été exprimée, néanmoins, chacun a l’impression que le contrat implicite qui le liait à l’entreprise n’a pas été respecté.

E & C : Quels risques fait courir à l’entreprise la rupture de confiance ?

F. P. : Quand on n’a pas confiance, on a besoin d’être rassuré sur la contrepartie de ce que l’on donne, dans une logique transactionnelle. On recherche donc des garanties, des contreparties à son engagement, qui reste précis et limité. Un collaborateur qui a pleine confiance en son entreprise s’engage sans se poser de questions et souvent davantage que ce qu’on lui demande. Il est donc plus économe en coûts de transaction. La confiance est source de performance : entre le collaborateur qui, dans une ambiance dégradée, se contente de faire ce qu’on lui demande et celui qui s’investit, le niveau de performance n’est pas du tout le même.

E & C : A quels signes voit-on que la confiance est rompue ?

F. P. : Il y a tout un faisceau de signaux. Les indicateurs sociaux classiques sont à surveiller de près : niveau d’absentéisme, turnover, accidents du travail, etc. Quand ces indicateurs se dégradent, c’est qu’il y a un problème. Autre indicateur important : le ressenti des partenaires sociaux. Lorsqu’on lit dans les tracts des syndicats des phrases comme « les collaborateurs sont floués », « les promesses ne sont pas tenues », c’est un signe de perte de confiance.

Les changements de comportements des collaborateurs doivent également alerter. C’est le cas, par exemple, quand ils refusent un poste complexe ou à l’étranger, alors que ce type de poste n’avait aucun mal à être pourvu deux ou trois ans auparavant. S’il est assez facile de repérer la dégradation de la confiance, il est plus difficile d’analyser ce qui est rompu dans le contrat implicite. Il est intéressant de mener un entretien approfondi avec les collaborateurs qui partent. Ces exit interviews, quand il sont bien faits, sont remarquables comme source d’information pour comprendre les motifs de la rupture du contrat implicite.

E & C : Pour restaurer la confiance, faut-il expliciter le contrat implicite ?

F. P. : C’est ma conviction. L’explicite est difficile mais vertueux. Prenons l’exemple de l’entretien de fin d’année. Votre collaborateur a correctement performé mais vous savez que son métier est remis en cause et que, s’il ne bouge pas, il sera dans le mur dans quelques années. Vous avez deux possibilités. La première est de lui délivrer un satisfecit et de lui donner sa prime. C’est la solution de facilité. La deuxième est de le prévenir du déclin de son métier, de le préparer à construire d’autres compétences. C’est bien plus dur à gérer, mais c’est beaucoup plus porteur.

L’entretien de recrutement est aussi un moment clé de l’explicitation du contrat implicite. Mais attention à la “promesse employeur”, qui relève de la publicité mensongère. Toute promesse doit, pour être tenue, être portée par des preuves. Les preuves, ce sont les comportements de management, les process RH qui permettent les possibilités de carrière promises. L’engagement de l’entreprise doit être précis et étayé.

E & C : Expliciter le contrat suppose que l’entreprise ait une stratégie claire sur le long terme…

F. P. : C’est probablement ce qui est le plus compliqué. Le contexte économique a évolué et accélère les changements. De ce fait, l’entreprise ne peut plus faire de promesse sur le long terme, sauf à ne pas être crédible. Pourtant, elle doit donner de la visibilité à ses collaborateurs. Une des manières de sortir de cette contradiction est d’être précis et concret sur le court terme et de donner une visibilité sur le long terme. Sur ce temps long, elle peut fixer les moyens d’atteindre les objectifs, mais en disant clairement qu’il ne s’agit pas d’une promesse.

E & C : La confiance, ce n’est pas que du transactionnel, c’est aussi du relationnel. Comment maintenir cet équilibre ?

F. P. : Etre précis sur ce qu’on donne et sur ce qu’on attend est fondamental, et il faut avoir le courage d’être explicite. Mais, parallèlement, il faut faire attention à maintenir l’accompagnement de relation apporté par le responsable de proximité ou les RH pour faire vivre l’échange. L’absence de relationnel rend peu probable l’investissement des collaborateurs au-delà de la contribution attendue.

PARCOURS

• Frédéric Petitbon, diplômé de l’Essec, sociologue, a effectué toute sa carrière dans le cabinet IDRH, dont il est aujourd’hui directeur général délégué.

• Spécialisé dans l’ingénierie de la conduite du changement, il est également chargé d’enseignement à l’ENA et à l’IAE de Paris.

• Il est l’auteur, avec Alain Reynaud et Hubert Heckmann, de Restaurer la confiance dans l’entreprise (Dunod, 2010), récompensé par le Stylo d’or 2011 du livre de l’année par l’ANDRH.

LECTURES

• L’intelligence de situation, David Autissier, Editions d’Organisation, 2009.

• Faits et foutaises dans le management, Jeffrey Pfeffer et Robert Sutton, Vuibert, 2007.

• Exit, voice and loyalty, Albert Hirschman, Harvard University Press, 1990.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET