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Les pratiques

La revanche des cheveux blancs

Les pratiques | publié le : 26.04.2011 | LUDOVIC HIRTZMANN, À MONTRÉAL

De plus en plus de Canadiens travaillent pendant leurs vieux jours. Le Canada manque de main-d’œuvre et les retraités d’argent. Les entreprises s’adaptent pour accueillir ces têtes blanches prisées pour leur expérience.

Un sondage de l’institut canadien Harris-Décima, publié par le quotidien montréalais Le Devoir, révèle que 69 % des actifs canadiens envisagent de travailler après leur retraite. Certains veulent rester actifs, d’autres souhaitent maintenir leur niveau de vie. Selon le Pdg de l’ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec, Florent Francoeur, 40 % des salariés partis à la retraite, reprennent effectivement un deuxième emploi par la suite. Dans la tranche d’âge 65-69 ans, 21 % des Canadiens travaillent encore, alors qu’ils ne sont plus que 5 % après 70 ans.

Effet de la récession

S’il n’existe pas d’âge légal pour la retraite au Canada, ses habitants cessent leur activité en moyenne à 61,5 ans. Jusqu’ici, la tendance a été de prendre une retraite de plus en plus jeune. Il y a une décennie, l’expression freedom 55 (la liberté à 55 ans) traduisait un modèle idéal, toutefois rarement atteint. C’est fini. Le Conference Board (organisme de référence de prévisions économiques) vient de publier une étude détaillée intitulée “Liberté 65 ans”. L’impact de la récession devrait mener les baby boomers à continuer à travailler. Actuellement, 2 % des actifs ont plus de 60 ans. C’est presque deux fois plus qu’il y a quelques années. En 2019, les seniors constitueront 7 % de la population active.

Emplois d’exécution

Michel, 67 ans, ancien grutier, a repris du service comme vigile pour pouvoir se payer des vacances de quelques semaines chaque année en République dominicaine. « Ma pension ne suffisait pas. Je travaille par contrat et cela me permet de me payer ces vacances. » Le mastodonte du bricolage Home Depot compte de plus en plus de retraités parmi son personnel. Tim Hortons, le géant du café, qui a récemment dépassé McDonald’s en nombre de points de vente, emploie de plus en plus de seniors. « Ce ne sont pas des emplois d’encadrement, plutôt de l’exécution », estime Florent Francoeur.

La chaîne de quincaillerie Rona est connue au Québec pour embaucher des seniors : « Les aînés ont de l’expérience et sont très loyaux envers l’entreprise. C’est pourquoi nous aimons les avoir comme salariés. Le plus âgé a 75 ans », confie Chantal Gilbert, responsable du recrutement chez Rona, sans vouloir toutefois préciser la part des seniors dans l’effectif. La chaîne compte aussi bien d’anciens fonctionnaires du gouvernement, qui travaillent par choix, que des retraités qui sont là pour arrondir leurs fins de mois.

« Les seniors véhiculent souvent une meilleure image pour l’entreprise que les plus jeunes, surtout dans les services. Dans une chaîne de bricolage, nous irons plus naturellement vers un employé à cheveux blancs pour un conseil que vers un jeune de 18 ans », explique Florent Francoeur.

Les entreprises acceptent donc de s’adapter et proposent plus de flexibilité, par exemple en généralisant les horaires à temps partiel. « En termes de management, il n’y a pas de différence avec les jeunes, mais nous voulons garder ces aînés. Nous devons nous adapter à leurs demandes. La plupart veulent travailler moins de 30 heures par semaine, mais rarement moins de 15 heures. Ils demandent souvent à ne pas travailler le week-end », indique Chantal Gilbert, qui ajoute que Rona propose des intéressements pour motiver ses seniors.

Refus des responsabilités

Professeur de gestion des ressources humaines à l’école des hautes études commerciales de Montréal, Alain Gosselin précise : « Les seniors sont une force de travail idéale pour les entreprises. Avec eux, il y a moins de frais de formation. Le plus souvent, ils ne veulent plus de responsabilités, ni se casser la tête. On les retrouve moins dans des postes d’encadrement et c’est souvent par choix. Ils veulent bien, au mieux, intervenir comme consultant ou comme coach pour transmettre leurs connaissances. »

Le professeur conclut en donnant l’exemple d’un proche, ancien pilote d’Air Canada, qui travaille comme manutentionnaire dans un entrepôt pour rester actif. Mais le pilote ne veut plus avoir à réfléchir dans son travail.

Auteur

  • LUDOVIC HIRTZMANN, À MONTRÉAL