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La pénibilité reste dans le collimateur des syndicats

L’actualité | publié le : 26.04.2011 | MARTINE ROSSARD

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La pénibilité reste dans le collimateur des syndicats

Crédit photo MARTINE ROSSARD

Ce jeudi, journée mondiale de l’OIT pour la sécurité et la santé au travail, plusieurs syndicats français appellent à la mobilisation, notamment pour la reconnaissance de la pénibilité. Ils contestent aussi les décrets à paraître prochainement sur le sujet.

Le 28 avril, journée mondiale pour la santé et la sécurité au travail, les syndicats CGT, CFDT, FSU, Unsa et Solidaires invitent les salariés du privé et du public à se mobiliser sur le sujet de la pénibilité. Dans le même temps, le gouvernement met la dernière main aux décrets d’application de la réforme des retraites sur le volet de la prévention de la pénibilité.

A l’automne dernier, tous les syndicats avaient manifesté contre la réforme allongeant la durée de la vie active. Au moins comptaient-ils sur un droit à réparation via un « départ anticipé » pour les salariés usés par de mauvaises conditions de travail. Mais, pour l’intersyndicale, « ce dispositif, fondé sur une approche médicale, ne répond pas aux exigences des salariés ayant été exposés aux facteurs de pénibilité, de partir plus tôt à la retraite ». Elle dénonce notamment une durée minimale d’exposition « exorbitante » de 17 ans et le « parcours du combattant » pour faire reconnaître le taux minimum d’incapacité de 20 % exigé par les décrets publiés le 30 mars.

Après s’être penché sur la réparation, le ministère du Travail s’est attelé au chantier de la prévention.

Loin des attentes

Une deuxième série de projets de décrets (lire l’encadré ci-dessous) prévoit l’obligation de négocier ou d’adopter un plan d’action pour réduire la pénibilité dans une partie des entreprises. Mais, là aussi, le contenu s’avère très éloigné des attentes des syndicats. « Nous sommes déçus, pour ne pas dire outrés, tempête Mijo Isabey de la CGT : seules les entreprises de plus de 50 salariés ayant 50 % de leurs salariés exposés sont visées et il n’y a pas d’obligation de négocier. » « C’est inadmissible, renchérit Patrick Pierron pour la CFDT, la possibilité d’élaborer un plan unilatéral va casser la dynamique de négociation. » D’après ses estimations, un tiers seulement des salariés pourrait bénéficier de mesures de prévention. A la CFE-CGC, Bernard Salengro ironise pour sa part sur ce qu’il qualifie de « gentille farce ». Il dénonce notamment l’absence de prise en compte des risques psychosociaux non répertoriés comme facteur de pénibilité.

Devant le Conseil d’orientation des conditions de travail, le 19 avril, le ministre du Travail Xavier Bertrand a annoncé que des outils seront proposés aux partenaires sociaux pour les aider à négocier, une fois les décrets parus. Côté syndical, la CGT et la CFDT préparent des guides. Et ce mardi, la CFDT présente son plan « Agir pour le travail », lancé à partir du 1er mai. Elle devrait aussi annoncer des “Flash mob” et des mises en scène de la pénibilité dans les grandes villes.

Pas de date de négociation

Les fédérations patronales interrogées, quant à elles, n’ont apparemment ni encore pris position sur les derniers décrets, ni fixé de date à l’ouverture d’une négociation de branche. Exception : l’Union des industries chimiques, où une première réunion a déjà eu lieu, le 13 avril, après une année de rencontres paritaires sur les conditions de travail. « Nous sommes centrés sur la prévention, mais les syndicats souhaitent aussi parler de réparation », déclare Ithier d’Avout, le directeur des affaires sociales.

Repérer les expositions

Pour lui, tout accord de branche couvrant les entreprises de 50 à 300 salariés n’exonérera pas celles-ci de « regarder de près la situation chez elles, repérer les expositions pour chaque salarié, assurer leur traçabilité, établir des fiches individuelles… » Quelques entreprises ont ouvert le bal. A la SNCF, à l’issue du conflit de fin 2007 sur les régimes spéciaux de retraite, des discussions s’étaient ouvertes sur la pénibilité. A ce jour, signale la CGT, 22 critères de pénibilité ont été identifiés et 81 emplois repères sont reconnus concernant plus de 70 000 cheminots. A Sanofi-Aventis, des commissions techniques paritaires vont bientôt établir un diagnostic de la pénibilité pour les six métiers du groupe (lire encadré ci-contre).

Les projets de décrets

→ Les entreprises de 50 salariés et plus dont la moitié au moins des effectifs sont exposés à des facteurs de pénibilité (définis par un décret du 30 mars 2011) doivent négocier un accord de prévention ou adopter un plan d’action. Celles de 50 à 300 salariés peuvent s’acquitter de cette obligation en appliquant un accord de branche. Celles dont les accords seniors contiennent des dispositions de prévention de la pénibilité peuvent être dispensées d’accord ou de plan. Avant toute mise en œuvre de ses engagements, l’entreprise doit établir un diagnostic des situations de pénibilité et prévoir les mesures qui en découlent.

→ Tout accord ou plan d’action devra porter sur au moins l’un des deux thèmes suivants : réduction des poly-expositions aux facteurs de risques, adaptation et aménagement du temps de travail. Et il devra traiter au moins deux des quatre sujets suivants : amélioration des conditions de travail, développement des compétences et accès à la formation, aménagement des fins de carrière, maintien dans l’emploi et prévention de la désinsertion professionnelle des salariés exposés aux facteurs de risques.

→ Chaque thème retenu devra être assorti d’objectifs chiffrés mesurés au moyen d’indicateurs communiqués au moins une fois par an au CHSCT ou, à défaut, aux délégués du personnel.

→ Faute d’accord ou de plan au 1er janvier 2012, l’entreprise pourra être mise en demeure par l’inspection du travail de régulariser la situation dans les 6 mois. A défaut, elle devra verser une pénalité de 1 % maximum de la masse salariale des salariés exposés. Elle pourra en être exonérée en cas de difficultés particulières.

Sanofi-Aventis : six commissions pour inventorier les pénibilités

→ Sanofi-Aventis France (27 000 salariés) veut prévenir et réparer la pénibilité dans tous ses établissements. L’accord de méthode que la direction a signé avec l’ensemble des syndicats, le 1er février, jette les bases d’un accord de fond que la direction espère conclure avant décembre.

→ Il prévoit la constitution d’une commission technique paritaire dans chacune des six activités du groupe. Chaque commission établira un « bilan exhaustif des situations de pénibilité au travail ». Les critères d’exposition sont étendus : contraintes environnementales, cadences, rythmes de travail et charge mentale.

→ Pour dresser ses recommandations, chaque commission pourra faire appel aux CHSCT d’établissements et à des expertises en hygiène-sécurité-environnement (HSE), ergonomie et médecine du travail. « L’objectif est d’impliquer tous les partenaires du groupe, plutôt que le seul niveau local des CHSCT d’établissement, indique François de Font-Réaulx, le DRH France. Nous voulons traiter les types d’organisations du travail qui laissent des traces durables et identifiables, ou qui sont susceptibles de le faire, ce qui est novateur dans notre démarche. Nous ne demandons pas à nos collaborateurs de faire la démonstration de l’impact de ces situations sur leur état de santé. »

→ « Nous voulons travailler le plus en amont des départs en retraite pour offrir de meilleures portes de sortie aux salariés », commente Philippe Guérin-Petrement, pour FO. Le syndicaliste y voit aussi un enjeu de protection des emplois : « En deux ans et demi, le groupe a déjà supprimé 5 800 postes ». Les commissions techniques doivent rendre leurs observations dès le 25 mai.

L. P.

Auteur

  • MARTINE ROSSARD