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Une réorganisation des chantiers sous contrainte

Enquête | publié le : 19.04.2011 | C. F.

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Une réorganisation des chantiers sous contrainte

Crédit photo C. F.

Asten, un des sous-traitants de la RATP, utilisait de la main-d’œuvre clandestine et imposait des conditions de travail extrêmes. Epinglée par les médias en octobre 2009, la régie a totalement réorganisé les chantiers un an après.

Octobre 2009 : des images chocs circulent sur Internet. Des salariés intérimaires employés par le sous-traitant Asten, chargé de refaire les surfaces en bitume des stations de métro, travaillent dans des conditions épouvantables. Après avoir cassé l’ancien sol et transporté sur leur dos les morceaux d’asphalte, ils portent des seaux de bitume bouillant sans protection adaptée.

Deux urgences

Relayées par les grands médias, ces images ont été filmées sur un téléphone portable par un des intérimaires employés par Asten. Or ces salariés sont également des sans-papiers, qui s’étaient précédemment mis en grève pour demander leur régularisation, avec le soutien de la CGT. « Il y avait deux urgences pour nous dans cette affaire, raconte Hervé Goix, de la Confédération : la régularisation de ces salariés sans-papiers et l’obtention de conditions de travail décentes sur ces chantiers. »

Suite à la diffusion des images, les chantiers ont été arrêtés, une inspection a été lancée, et la RATP a promis de modifier ses pratiques : « Nous avons bien sûr été affectés par la médiatisation, raconte Michel Guillemot, responsable de la conduite de projet à la RATP. Asten nous a indiqué qu’il avait eu recours à l’intérim sans savoir qu’il s’agissait de personnes utilisant abusivement des papiers qui n’étaient pas les leurs. Nous avons depuis sérieusement renforcé les contrôles pour les cartes d’accès aux chantiers. »

Sur le chapitre des conditions de sécurité et de travail, la RATP reconnaît ne s’être jamais sérieusement penchée sur la question. Mais, en une année, elle a modifié radicalement les conditions du chantier : « Nous avons choisi un nouveau type d’asphalte qui n’a besoin d’être chauffé qu’à 190 °C – contre 230 °C auparavant – et qui dégage moins de fumée », explique Michel Guillemot. Parce que le temps d’application est plus long avec ce bitume plus visqueux, le travail se fera désormais sur deux jours au lieu d’un, avec un doublement des équipes.

D’autres améliorations sensibles sont apportées : une étude des mouvements d’air est réalisée avant la pose du bitume pour choisir le sens d’application, les ventilations sont renforcées, la chaudière est installée à proximité, les seaux sont couverts, les salariés équipés de masques et de tenues de protection.

La manutention est réduite au maximum grâce aux trains de travaux, une roulotte de déshabillage est proposée, ainsi qu’une roulotte cantine.

Augmentation des coûts

Testé à la station Jules-Joffrin en présence de l’inspectrice du travail et de représentants de la caisse régionale d’assurance maladie, le dispositif est définitivement validé après le chantier de la station République en septembre 2010. Les travaux ont repris depuis. La RATP a dû néanmoins renégocier le contrat avec Asten, pour tenir compte de l’augmentation des coûts. « Et, parce que le précédent contrat s’achève bientôt, nous allons lancer un nouvel appel d’offre qui intégrera ce nouveau fonctionnement dans un cahier des charges précis », garantit Michel Guillemot.

Pour Hervé Goix, cette victoire résulte surtout de l’image écornée de la RATP, « car certains signes auraient pu l’alerter avant : aucun accident du travail n’avait été déclaré en cinq ans. De même, le travail dissimulé aurait pu être détecté, car les contrôles d’identité pour les badges d’accès au chantier avaient révélé des anomalies dans 55 % des cas ». Dix salariés sur les 18 qui travaillaient sur ces chantiers ont été régularisés. Les autres continuent leurs démarches auprès de la préfecture.

« Cette affaire est symptomatique des dérives de la sous-traitance, résume le syndicaliste. Pour fournir des prix extrêmement bas, on impose de mauvaises conditions de travail. Or, avec des conditions humaines, le coût de ces travaux s’avère quatre fois plus élevé. »

RATP

• Activité : transport public urbain.

• Effectif : 56 000 agents.

• Chiffre d’affaires :

4,570 milliards d’euros en 2010.

Auteur

  • C. F.