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Les bénévoles ont des compétences à faire valoir

Les pratiques | publié le : 12.04.2011 | HÉLÈNE TRUFFAUT

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Les bénévoles ont des compétences à faire valoir

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

Si elles ne correspondent pas aux standards des recruteurs, les compétences acquises dans le cadre d’un engagement associatif peuvent intéresser les entreprises. Les associations tentent de les en persuader, mais les habitudes ont la vie dure.

Les recruteurs iront-ils un jour au-delà du diplôme et des compétences professionnelles immédiatement exploitables pour sélectionner leurs futures recrues ? En cette Année européenne des activités de volontariat pour la promotion de la citoyenneté active, plusieurs initiatives convergent en tout cas vers cet objectif.

Ainsi, quatre associations se sont unies pour « améliorer la valorisation de l’engagement bénévole dans l’insertion professionnelle des jeunes », dans le cadre de l’appel à projets lancé par le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse. L’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev), le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), la Croix-Rouge française et les Scouts et Guides de France, qui représentent au total plus de 3 millions de bénévoles, viennent d’entamer une campagne de sensibilisation. L’enjeu est double : convaincre les entreprises de s’intéresser de plus près aux compétences de leurs membres. Et aider les jeunes à mieux valoriser leur expérience.

Des résultats ambigus

« Nous commençons à organiser des rendez-vous avec des recruteurs », explique Maïka Billard, responsable des relations extérieures des Scouts et Guides de France. Une tâche ardue ? Le quatuor associatif a déjà affûté son argumentaire et tâté le terrain à travers différentes enquêtes. Les résultats sont ambigus : dans la première étude, fondée sur des entretiens (1), les recruteurs se disent globalement intéressés par l’engagement associatif. Même s’ils y voient davantage un indicateur de personnalité qu’une source de compétences transposables dans le contexte professionnel, ils considèrent que cela peut être un atout pour un jeune sans expérience professionnelle.

Mais la seconde étude (2) est plus décevante. Fondée sur le “testing”, elle a été menée auprès de quatre professions des secteurs banque-assurance et informatique, volontairement choisies comme étant en tension et sans aucun rapport avec les activités bénévoles présentées dans les CV. Elle conclut à l’absence d’impact du bénévolat dans l’accession à l’entretien d’embauche, voire à un effet pénalisant dans l’informatique. Pour autant, les recruteurs se montrent plus persévérants pour contacter les bénévoles, dès lors que leur candidature a été retenue.

Changer les pratiques

« Nous savons que, globalement, les entreprises ont une perception positive du bénévolat, analyse Maïka Billard. Ce que nous voulons maintenant, c’est qu’elles changent leurs pratiques de recrutement ! » En intégrant toutes les qualités et aptitudes acquises au travers de cette activité : maturité, confiance en soi, communication, organisation, planification et conduite de projets, travail en équipe, management…

Chacune des associations dispose de ses propres moyens de valorisation (outil d’autoévaluation, carnet de vie ou passeport bénévole et même crédits universitaires ECTS pour l’Afev). Mais il n’est pas toujours facile de “vendre” correctement ces acquis, dont beaucoup de bénévoles eux-mêmes sous-estiment encore la transférabilité dans l’entreprise. D’où l’initiative du réseau d’associations étudiantes Animafac, qui a mis sur pied le “portfolio de compétences”. Une méthode de description de l’expérience associative et d’identification des compétences qui sert de support à une journée de formation.

Opérationnel depuis l’année dernière, le programme baptisé Bénévolat et compétences est proposé dans les principales villes universitaires, pour les bénévoles et les personnes terminant un service civique. Sa particularité ? Il fait intervenir des professionnels de la fonction RH, via du bénévolat ou du mécénat de compétences, avec des partenaires tels que la Macif, la Fondation Groupe Adecco ou le cabinet de conseil Algoé.

Cibler ce qui est pertinent

« Ils conseillent les jeunes sur la façon d’intégrer l’expérience associative dans une candidature, en ciblant ce qui peut être pertinent pour le poste visé », commente Bastien Engelbach. Et, selon ce chargé de mission à Animafac, les volontaires RH ne manquent pas. « C’est un indicateur de leur intérêt pour la démarche », estime-t-il.

Les associations ne sont d’ailleurs plus les seules à monter au créneau. Syntec Conseil en recrutement – qui rassemble quelque 140 cabinets spécialisés – s’est engagé dans la promotion du CV citoyen, aux côtés de l’association Odissée (Organisation du dialogue et de l’intelligence sociale dans la société et l’entreprise), à l’initiative de ce nouveau concept. Objectif : développer un outil « visant à évaluer et à valoriser l’expérience extra-professionnelle des candidats au recrutement et des collaborateurs de l’entreprise, expose Jean-François Chantaraud, délégué général d’Odissée. C’est une façon d’appréhender la personne dans sa globalité, avec ses spécificités, ses valeurs et sa capacité d’innovation ».

« Dernièrement, la loi pour l’égalité des chances a eu tendance à “aseptiser” les entretiens d’embauche, chacun évitant d’aborder les sujets personnels. Mais je suis convaincu que l’idée du CV citoyen va faire son chemin, complète François Humblot, administrateur de Syntec Conseil en recrutement. Tout indique qu’il faut aujourd’hui manager les jeunes autrement. Et refonder le recrutement en conséquence. »

De leur côté, l’Afev, le CNOSF, la Croix-Rouge et les Scouts et Guides de France mesureront les effets de leur campagne de communication dès 2012.

(1) “Bénévolat et insertion professionnelle des jeunes diplômés : un impact sous conditions”, Largotec, université de Paris-Est.

(2) “Les effets du bénévolat sur l’accès à l’emploi : une expérience contrôlée sur des jeunes qualifiés d’Ile-de-France”, EPEE, université d’Evry.

L’essentiel

1 2011 a été proclamée Année européenne du bénévolat. C’est le moment pour les associations de faire valoir les compétences des bénévoles auprès des recruteurs.

2 Les entreprises semblent intéressées, mais les associations souhaitent voir les discours mis en pratique. Les bénévoles doivent aussi apprendre à se vendre.

3 L’association Odissée prône l’adoption du “CV citoyen”. Un projet soutenu par les professionnels du conseil en recrutement.

Casino, séduit par le service civique

→ Le 3 mars, le groupe Casino signait la première charte de valorisation du service civique. « Celle-ci nous engage, entre autres, à faire connaître ce dispositif auprès de nos recruteurs, explique Matthieu Riché, directeur RSE. Les candidats pourront lors de l’entretien valoriser immédiatement ce qu’ils ont appris. »

→ « Les valeurs du service civique – l’engagement, la capacité à se mettre au service des autres – sont en phase avec celles du groupe, poursuit-il. C’est une expérience intéressante qui montre la motivation et la capacité d’adaptation, deux qualités dont nous avons besoin dans nos métiers. Le dispositif répond aussi à nos attentes en termes de mixité sociale. »

→ Le service civique est entré en application l’été dernier. Il permet à des jeunes de 16 à 25 ans de s’engager dans une mission au service de la collectivité et de l’intérêt général pour une durée de six à douze mois, moyennant une indemnité.

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT