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Enquête

Les Opca à l’heure des fusions

Enquête | publié le : 12.04.2011 | LAURENT GÉRARD, VALERIE GRASSET-MOREL

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Les Opca à l’heure des fusions

Crédit photo LAURENT GÉRARD, VALERIE GRASSET-MOREL

Les organismes paritaires collecteurs agréés sont au cœur de la réforme de la formation professionnelle. Leur poids, leur rôle, leur restructuration, leur financement, leurs missions sont actuellement en plein bouleversement. Tour d’horizon de débats très sensibles.

Que sont devenus les fameux 13 % versés par les entreprises, via leurs Opca et Opacif, au Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) ? Où en est le mercato des Opca ? Comment se dessinent les nouvelles missions des collecteurs ? Ces questions très techniques sur ces intermédiaires financiers sont fondamentales, car les entreprises françaises y font transiter près de 50 % de leur effort financier en matière de formation professionnelle continue.

Les transferts volontaires de fonds des entreprises vers les Opca n’ont d’ailleurs cessé d’augmenter depuis dix ans ; l’accès à des possibilités de financement accrues via la mutualisation des fonds l’explique largement, et nombre d’entreprises y ont trouvé leur intérêt.

Mais la réforme actuelle rend de plus en plus difficile la compréhension des rôles de chacun, car le paysage n’est pas encore stabilisé.

Notre dossier vise à apporter des débuts de réponse aux questions que pose la mise en place du FPSPP sur fond de redéfinition du paysage de la collecte.

Qu’est devenue la contribution de solidarité de 13 % ?

Le rôle du FPSPP est de redistribuer ces fonds aux Opca sous forme de “péréquation” sur les contrats et périodes de professionnalisation et sur le congé individuel de formation (CIF); mais également sous forme d’“appels à projets” (13 en 2010) auxquels répondent ces mêmes Opca. Ces deux missions visent à concentrer des fonds sur les publics les plus fragiles en matière de formation : bas niveaux de qualification, chômeurs… Problèmes : ce mécanisme suppose une importante capacité d’ingénierie que tous les Opca n’ont pas ; “péréquation” et “appels à projets” peuvent être contradictoires en termes de gestion de trésorerie des Opca ; le cofinancement d’une majorité de projets par le Fonds social européen (FSE) ajoute à la complexité, et les entreprises ayant des salariés à fort niveau de qualification ne se reconnaissent pas dans les “publics cibles” des appels à projets. De plus, le FPSPP multiple les contrôles pour ne pas prêter le flanc à la critique.

Conséquences : certains Opca n’ont rien demandé au FPSPP, d’autres ont déposé des dossiers mais n’ont rien obtenu ou moins qu’ils escomptaient. Cela ne remet pas en cause la compétence desdits Opca, mais, du point de vue des entreprises, l’ensemble apparaît trop complexe.

Où en est le mercato des Opca ?

Il se poursuit dans une ambiance de forte tension, voire de « coup bas », selon un directeur d’Opca. Une partie du tableau se stabilise, mais d’importants collecteurs n’ont pas encore trouvé leur futur port d’attache et certains explosent. Les jeux ne sont pas encore faits et beaucoup de surprises peuvent survenir d’ici à l’été. Une seule chose est sûre : au 1er septembre 2011, les partenaires sociaux, créateurs et gestionnaires des Opca, devront avoir indiqué leur choix à la DGEFP. L’étape suivante, et très attendue, consistera pour les Opca-Opacif à signer avec l’Etat leur “convention triennale d’objectifs et de moyens” (COM), a priori applicable au 1er janvier 2012.

Comment se dessinent les nouvelles missions des collecteurs ?

La réforme en cours prévoit d’étoffer le champ d’action des Opca : davantage de conseil, d’aide à la GRH et à la GPEC auprès des entreprises… Les plus petites d’entre elles peuvent y trouver leur compte. Mais l’essor de ces nouvelles missions va se faire alors que la réflexion sur la situation des Opca au regard du droit de la concurrence n’a pas avancé d’un iota. Le dossier est juridiquement épineux. On aurait pu penser que l’encadrement de ces missions par la loi – le décret «Opca» et les futures conventions d’objectifs et de moyens – protégerait les Opca d’un risque de pratique anticoncurrentielle. Il n’en est rien. D’après le juriste David Soldini (lire p. 37), ceux-ci sont même « quasiment encouragés à fausser la concurrence » en étant invités par la loi à offrir à leurs adhérents une palette élargie de services, dont certains sont gratuits. Des Opca songent déjà à filialiser certaines de leurs activités pour les distinguer de leurs missions d’intérêt général.

Complexité accrue, mise à mal du paritarisme de gestion, tension Opca-FPSPP, omniprésence de l’Etat : les entreprises se demandent à quoi tout cela va aboutir.

L’essentiel

1 La première année de fonctionnement du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) change les habitudes de travail des Opca et leur demande davantage de contrôle.

2 La restructuration des Opca se poursuit, mais rien ne sera joué avant le 1er septembre 2011.

3 Le débat sur les nouvelles missions des Opca et le droit de la concurrence n’est pas tranché.

« Jamais l’Etat n’a été aussi intrusif dans le paritarisme de gestion »

→ Grande nouveauté de la réforme : des conventions d’objectifs et de moyens (COM) triennales devront être signées entre les Opca-Opacif et l’Etat pour application au 1er janvier 2012.

→ 100-120 indicateurs de suivi statistiques et qualitatifs seraient en construction, ce qui fait dire à un directeur d’Opca que « jamais l’Etat n’a été aussi intrusif dans le paritarisme de gestion des Opca, alors qu’il ne l’est pas dans ses propres conventions internes ».

→ Problème : les taux et assiettes de frais d’information, de gestion et de mission des Opca ne sont pas encore connus, or certains estiment qu’ils sont un préalable nécessaire à la négociation des COM, voire à la négociation entre Opca cherchant à se rapprocher.

→ Les arrêtés les fixant pourraient sortir lors de la deuxième quinzaine d’avril. Dans la foulée, la DGEFP publiera un document « questions-réponses » destiné à préparer les Opca à la négociation de ces COM. Ce document devrait également préciser certains points liés aux regroupements : sens des rapprochements, plafonnement ou pas des coûts de l’accompagnement RH…

→ Devant le retard pris, la Cour des comptes planche sur un rapport qui épinglerait l’Etat dans son accompagnement de la réforme des Opca : un audit général et qualitatif aurait dû être mené avant de les réformer, la négociation des COM risque de pâtir de l’absence de moyens humains de l’Etat.

VGM, LG

Auteur

  • LAURENT GÉRARD, VALERIE GRASSET-MOREL