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Le choix du pragmatisme

Enquête | publié le : 05.04.2011 | E. F.

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Le choix du pragmatisme

Crédit photo E. F.

Les syndicats et la direction de la RATP sont parvenus à une synthèse ingénieuse entre l’ancien système de représentativité syndicale et la loi du 20 août 2008, formalisée dans un accord unanime signé fin février 2011.

Les accords de droit syndical servent en général à fixer les moyens attribués aux organisations syndicales, gages d’un dialogue social de qualité. C’est le cas à la RATP, mais le « protocole d’accord relatif au droit syndical et à la qualité du dialogue social » signé le 28 février dernier a également pour objectif de mettre tout le monde au diapason sur l’interprétation de la loi du 20 août 2008.

Pour la direction, il n’est en effet pas question de prendre le risque que des divergences de lecture de la réforme de la représentativité dégénèrent en guérilla intersyndicale, alors que l’entreprise aborde une période socialement délicate à double titre. D’une part, la renégociation de l’accord de droit syndical, prolongement d’un précédent arrivé à échéance, intervient au même moment que les élections professionnelles, soumises pour la première fois aux nouvelles règles sur la représentativité, et, qui plus est, cruciales pour plusieurs des huit syndicats existants.

D’autre part, l’entreprise connaît des évolutions de première importance : ouverture à la concurrence ; séparation comptable au sein de l’entreprise entre l’activité d’opérateur de transport et la mission de gestionnaire d’infrastructures à partir du 1er janvier 2012 ; développement international du groupe RATP ; renégociation du contrat avec le Syndicat des transports d’Ile-de-France. « Compte tenu des évolutions en cours, nous avons besoin que les organisations syndicales soient en capacité d’appréhender les enjeux et la complexité des dossiers pour travailler », explique Jean-Marc Ambrosini, directeur délégué aux ressources humaines.

Les signataires se sont donc attachés à réduire les zones d’ombre de la nouvelle loi. Ils y sont parvenus à bien des égards, sans totalement se passer de la représentativité de droit qui caractérisait l’ancien système. Mais ils ne pouvaient pas prévoir que les électeurs dessineraient un paysage syndical aussi incertain (lire encadré).

Regroupements

L’accord sur la qualité du dialogue social a été signé par l’ensemble des organisations syndicales, y compris par Sud, qui n’avait pas paraphé le précédent, et par la CGT, dont seulement une partie s’était précédemment engagée. En effet, plusieurs des syndicats de la RATP (CGT, FO, Unsa) sont en fait des unions de sous-familles (encadrement, maintenance, bus, ferroviaire…) qui, jusqu’à la réforme, disposaient de leur propre signature.

A la lecture de la nouvelle loi, il est apparu que ces syndicats devaient soit assumer leur indépendance par sous-famille (avec le risque de ne pas atteindre les 10 %), soit se présenter sous une seule étiquette et donc une seule signature. Ils ont tous opté pour la seconde solution.

La principale incertitude concernait l’articulation entre la représentativité, l’attribution de moyens et les niveaux de négociation. Les salariés de la RATP élisent en effet 11 comités d’établissement (CDEP). Pour connaître la représentativité des syndicats au niveau de l’entreprise, la solution adoptée a consisté à consolider les résultats obtenus dans les CDEP.

Dès lors, les moyens conventionnels devaient-ils être répartis uniquement aux représentatifs transversalement ? Si des moyens sont attribués au niveau transversal et au niveau CDEP, quelles sont les modalités de répartition ? Un syndicat uniquement représentatif dans un ou plusieurs CDEP peut-il disposer de moyens conventionnels ?… Autant de questions sur lesquelles il a fallu se mettre d’accord.

Par ailleurs, trois niveaux de négociation existent dans l’entreprise : central, départemental (il existe 11 départements) et par unité (80 établissements). Comment les articuler avec l’évaluation de la représentativité ? La solution retenue par les partenaires sociaux est d’admettre qu’un syndicat représentatif dans un CDEP l’est également dans les départements et dans les unités qui relèvent du CDEP en question. Conséquence possible : un syndicat peut être représentatif et négocier dans une unité où il n’est pas implanté et où personne n’a voté pour lui. « Ces points ont fait l’objet de longs débats, car les syndicats avaient des intérêts différents selon leur implantation », explique Jean-Marc Ambrosini. Sur le fond, cette disposition maintient une représentativité de droit, qui n’est pas conforme à l’esprit de la loi du 20 août 2008. « Nous étions contre. Sans doute cette disposition était-elle attaquable, mais nous risquions alors de remettre en cause tout l’accord et de revenir aux moyens légaux », commente Bertrand Hammache, délégué central adjoint CGT. L’administration ne s’est pas encore prononcée sur la conformité de l’accord.

Des moyens en fonction de l’audience

L’autre point qui a fait débat concerne les moyens, dont ceux attribués aux syndicats non représentatifs. Désormais, les moyens conventionnels sont attribués aux seuls syndicats représentatifs en fonction de leur audience. Les non-représentatifs disposent des seuls moyens légaux, du moins sur le papier. Car le nouveau protocole maintient l’ancien système de mutualisation des moyens.

Auparavant, les moyens légaux et conventionnels (environ 15 millions d’euros en 2009) étaient confondus et mutualisables. Dans le nouvel accord, les moyens légaux sont identifiés et non mutualisables (ils restent attachés aux personnes détentrices des droits et au niveau concerné) alors que les moyens conventionnels demeurent mutualisables à tout niveau de l’entreprise. Un syndicat non représentatif dispose donc des moyens que les autres syndicats du même bord veulent bien lui donner. De l’art d’atténuer les ruptures.

Retrouvez l’accord sur < wkrh.fr >, puis Entreprise & Carrières, rubrique “docuthèque”.

FO et la CFDT sur le fil du rasoir

Les syndicats et la direction de la RATP ont eu beau border l’application de la nouvelle loi, il reste un paramètre qu’ils ne maîtrisent pas : les résultats des élections. Les dernières se sont tenues en novembre 2010. Au premier abord, elles donnent un paysage syndical favorable à la négociation. La CGT obtient 33,9 % des suffrages ; l’Unsa 25,73 %; Sud 14,09 %; la CFDT 10,12 %; FO 10,06 %; la CFE-CGC 5,2 % (18,32 % dans l’encadrement); et la CFTC 0,90 %.

Le paysage syndical se simplifie : sur 8 syndicats représentatifs auparavant, il n’en reste que 6, les indépendants ayant décidé de fusionner avec l’Unsa. Par ailleurs, la CFDT, et surtout FO qui a fait mentir tous les pronostics, sont finalement représentatives, ce qui a sans doute évité une guérilla juridique. La CGT et Sud obtiennent à eux deux 48 % et ne peuvent donc faire opposition à un accord.

Enfin, il existe plusieurs combinaisons pour réunir les 30 % de voix nécessaires à la signature d’un accord. « Ce paysage ouvert peut faciliter la politique contractuelle », estime Jean-Marc Ambrosini, directeur délégué aux RH, qui précise que « le droit d’opposition est rarement exercé ».

Cependant, cette configuration syndicale favorable ne tient qu’à un fil. La CFDT et FO sont si proches des 10 % qu’il suffirait de quelques voix de moins à une élection partielle pour qu’elles perdent leur représentativité. Dans un tel scénario, deux signataires potentiels disparaissent, et il ne reste plus que trois syndicats généralistes pour réunir les 30 % nécessaires à la signature d’un accord. « Cela crée une forme de précarité du paysage syndical », admet Jean-Marc Ambrosini.

RATP (EPIC)

• Activité : transports publics.

• Effectif : 45 466 salariés en 2009.

• Chiffre d’affaires (Epic) : 4,1 milliards d’euros en 2010.

Auteur

  • E. F.