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Les pratiques

Monologue social au centre commercial de La Part-Dieu

Les pratiques | Retour sur… | publié le : 29.03.2011 | V. V.-L.

Un comité de pilotage d’initiative syndicale tente en vain depuis 2007 de prouver aux entreprises du centre commercial lyonnais qu’il faut instaurer un dialogue sur les conditions de travail communes à tous leurs salariés.

La Part-Dieu est le nom du quartier d’affaires de Lyon, mais aussi du centre commercial qui en est le cœur. Avec 285 enseignes, il est le plus grand d’Europe en milieu urbain et accueille 30 millions de visiteurs par an. Flux importants, bruit permanent, chaleur et confinement… Des conditions de travail que partagent les 3 500 salariés. En 2007, des délégués syndicaux départementaux fraîchement formés aux troubles musculo-squelettiques ont découvert l’absence d’instance centralisée permettant de diffuser des informations sur la santé au travail. Le centre commercial compte en effet une majorité de TPE, de nombreuses boutiques sous la responsabilité d’une DRH parisienne ou en franchise, seulement 7 CHSCT et un faible taux de syndicalisation…

Ces délégués – CGT, CFDT, FO et CFTC – ont donc monté un comité de pilotage intitulé « Le dialogue social et la vie au travail au centre commercial de La Part-Dieu », associant des représentants de l’ex-DDTEFP, de l’inspection du travail, de la région Rhône-Alpes, d’Aravis, rejoints par la Caisse d’assurance retraite et santé au travail (Carsat). Invités, les représentants d’Unibail-Rodamco, propriétaire-gestionnaire du centre, et du syndicat de copropriété, n’ont pas répondu.

Stratégie de conquête

Des entretiens informels avec 250 salariés ont alors fait ressortir les problèmes principaux, mais il manque une validation scientifique. C’est le but de l’enquête que le comité de pilotage a confiée fin 2008 à Transformations Sociales (lire l’encadré), dont il commence à diffuser les résultats. Ce cabinet a également organisé en 2009 des formations pour le comité : travail dans la grande distribution, horaires atypiques… En 2010, un séminaire de cinq jours a porté sur la santé au travail.

Si la région a apporté un financement (50 000 euros au titre de l’innovation sociale), aucun complément des organisations patronales n’a été obtenu. En effet, présentée en avril 2008 aux partenaires sociaux réunis par la région, cette initiative syndicale s’est heurtée d’emblée à un problème de dialogue : « La CGPME et Agefos PME se sont braqués, car présentés comme partenaires de l’initiative sans même avoir été informés, rappelle Philippe Mazza, délégué Rhône de l’Opca. Par ailleurs, nous voulions travailler sur le quartier – où nous avons davantage d’adhérents – et sur le thème des compétences, notre cœur de métier. » Depuis, le comité n’a plus que des échanges informels avec la CGPME et le Medef… et toujours aucun avec la direction du centre commercial.

Quant aux directions d’enseigne, celle de Carrefour avoue ne pas connaître ce comité, celle de la Fnac, informée en CHSCT, « laisse faire sans réagir », selon Marie-Hélène Thomet, élue CGT. Cette dernière est responsable du seul syndicat de site créé, les autres organisations étant peu à peu moins présentes.

« Nous ne visons plus une inter­syndicale, reconnaît Christophe Rigolet, animateur (CGT) du comité de pilotage, car chacun a sa stratégie de conquête d’adhérents dans le centre. En revanche, pourquoi ne pas imaginer un CHSCT de site ? » Ou inventer un nouvel outil de dialogue social intégrant, par exemple, les directeurs de franchise : « Ceux-ci ont fait bon accueil aux enquêteurs, assure Régis Guichard, de Transformations Sociales, car ils ont les mêmes conditions de travail que les salariés. »

Convaincre les entreprises

Mais les interlocuteurs patronaux restent incontournables. « Ce n’est pas par le droit qu’on les fera venir, assure Jean-Pierre Berthet, directeur régional adjoint de la Direccte. L’Etat saura appuyer cette démarche si un certain nombre d’entreprises reconnaissent qu’une évolution est de l’intérêt de tous. » Pour les convaincre, « il faut faire valoir l’argument financier – absentéisme, turn-over, pénalités sociales…) », conseille Alain Charvet, chargé de mission d’Aravis. La Carsat s’apprête d’ailleurs à réaliser un décompte global des coûts AT-MP.

DES SALARIÉS EN SOUFFRANCE

• Le volet qualitatif de l’enquête de Transformations Sociales fait ressortir une absence de convivialité, un turn-over qui empêche la constitution de collectifs de travail et une organisation des entreprises limitant le nombre d’IRP sur le site. Quant au volet quantitatif, analysé par le Créapt*, il révèle que 75 % des salariés sont exposés à des postures contraignantes et à des gestes répétitifs, que 85 % souffrent de la chaleur et 35 % d’une mauvaise organisation de l’espace.

• Par ailleurs, 27 % estiment que leur travail ne leur apprend rien et 33 % manquent de reconnaissance. Près d’un tiers sont angoissés par les flux de clientèle, nombreuse et pressée, « même s’ils peuvent trouver appui auprès de leurs collègues ou de leur hiérarchie », note Serge Volkoff, auteur de l’étude. Les taux de prévalence des douleurs, de la fatigue, des troubles du sommeil et de l’humeur sont très élevés (entre 70 % et 85 %) chez les salariés se plaignant le plus de ces différents aspects.

* Centre de recherches et d’études sur l’âge et les populations au travail.

Auteur

  • V. V.-L.