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« L’enjeu est de faire en sorte que les salariés reprennent la main sur leur parcours »

Enquête | L’entretien avec | publié le : 29.03.2011 | E. S.

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« L’enjeu est de faire en sorte que les salariés reprennent la main sur leur parcours »

Crédit photo E. S.

E & C : Vous avez étudié les effets des transitions professionnelles contraintes de salariés d’une entreprise publique*. Comment les personnes vivent-elles ces mobilités internes ?

J.-C. S. : Il faut tout d’abord souligner que, même lorsqu’ils sont assurés de ne pas être licenciés de manière contrainte, les salariés vivent toujours la perte du poste comme un événement très déstabilisant. En particulier lorsqu’ils ont déjà vécu des épisodes douloureux de mutations contraintes par le passé. S’ouvre à ce moment-là une période de fragilité qui sera plus ou moins longue, avec un réel risque psychosocial.

E & C : La seule perte du poste entraîne-t-elle des phénomènes identiques à ceux observés pour des personnes ayant perdu leur emploi ?

J.-C. S. : En effet, car cela menace de façon semblable la dynamique identitaire de la personne. L’atteinte sur l’identité professionnelle, les interrogations sur son utilité sociale sont les mêmes. Certains salariés arrivent à objectiver les raisons de la suppression de leur poste, mais d’autres ont l’impression de ne plus servir à rien. Il est parfois préférable de proposer des missions temporaires à ces salariés, le temps de travailler à leur réorientation à long terme.

E & C : Faut-il alors un accompagnement spécifique ?

J.-C. S. : L’enjeu, lorsque les personnes n’ont pas souhaité leur mobilité, est de faire en sorte qu’elles reprennent la main sur leur parcours. Cela nécessite de leur redonner confiance par un accompagnement adapté. Les conseillers devront avoir une capacité d’écoute et de soutien psychologique d’une part, d’orientation d’autre part, puisqu’il faut trouver un poste qui convienne à la personne. Pas seulement un poste qu’elle soit apte à tenir, mais dans lequel elle puisse s’investir subjectivement, et qui la place dans un environnement accueillant.

E & C : Cela n’est-il pas vrai pour toute mobilité, contrainte ou non ?

J.-C. S. : Sans doute, mais dans le cas du reclassement, les salariés ne sont pas, au départ, désireux de ce changement. Ils sont donc moins armés pour faire face aux éventuelles difficultés. C’est pourquoi il est important de suivre leur intégration, d’autant plus si le nouvel emploi diffère du poste d’origine.

E & C : Les responsables RH sont-ils les mieux à même d’accompagner ce processus ?

J.-C. S. : Les RH locaux, en lien avec les managers, ont souvent tendance à faire pression sur le salarié pour qu’il reprenne un poste rapidement, surtout quand le nombre de personnes à reclasser est important. Le risque est alors qu’il se laisse faire, notamment par crainte d’être licencié, et finisse par être malheureux dans son nouvel emploi. Les conseillers doivent être en posture de tiers : cela n’empêche pas qu’ils viennent de l’interne, mais mieux vaut éviter qu’ils soient rattachés directement à la ligne hiérarchique de la DRH.

* Les transitions professionnelles contraintes par des restructurations : dynamiques Individuelles et modalités d’accompagnement, Jean-Claude Sardas et Sébastien Gand, revue Gérer et Comprendre, mars 2011.

Auteur

  • E. S.