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Le reclassement interne sous l’œil des juges

Enquête | publié le : 29.03.2011 | E. S.

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Le reclassement interne sous l’œil des juges

Crédit photo E. S.

La loi impose aux entreprises de faire tous les efforts possibles pour éviter le licenciement des salariés dont le poste est supprimé. Mais comment et jusqu’où ? Les contours de cette obligation ne cessent d’être précisés par la jurisprudence, obligeant les employeurs à être très vigilants.

Avocate au cabinet Coblence & Associés, Me Elisabeth Laherre est catégorique : dans les PSE, en matière de contentieux, c’est autour du reclassement interne que réside le « risque juridique essentiel ». Un risque à deux niveaux, puisque tout manquement de l’employeur à son obligation peut entraîner d’une part la nullité du PSE, d’autre part l’annulation des licenciements ou le versement d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

« La recherche des postes disponibles doit commencer en amont de la présentation du plan aux IRP, puisque le PSE doit en comporter la liste précise et détaillée, et être mise à jour jusqu’à la fin des notifications de licenciement, insiste Me Stéphane Béal, avocat au cabinet Fidal. Cela impose à l’entreprise une veille permanente. »

1. Dans quel périmètre rechercher les offres de reclassement ?

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées dans toutes les entités du groupe où la permutation du personnel est possible. Un principe, source d’interprétations et de nombreux contentieux. Dans un groupe qui comporte des secteurs très différents, « le reclassement d’une assistante d’une usine de production à une entreprise de service doit être envisagé », poursuit Elisabeth Laherre. Le périmètre peut même parfois s’étendre aux franchisés, sans lien capitalistique, si préexiste un usage de mobilité du personnel, ajoute-t-elle, en référence à un arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 2010, aux dépens de McDonald’s. Quant au reclassement à l’étranger, il est désormais cadré par l’article L.1233-4-1 du Code du travail, qui avalise la pratique du questionnaire (lire encadré ci-dessous).

Les juges étant fréquemment saisis concernant le périmètre dans lequel les reclassements doivent être opérés, la jurisprudence est en constante évolution, rendant l’exercice de toute façon périlleux. « La délimitation de la recherche de reclassement n’est pas une science exacte, schématise Me Emmanuelle Rivez-Domont, avocate au cabinet Jones Day. On ne sait jamais si le périmètre que l’on retient sera validé par le juge. »

2. Quelle priorité pour le salarié en reclassement ?

A l’intérieur de l’entreprise qui licencie, le salarié à reclasser est sans conteste prioritaire sur les postes à pourvoir. Même si « des recrutements extérieurs sur des métiers différents restent possibles », nuance Stéphane Béal. Les règles sont moins claires pour les postes ouverts dans les autres entités du groupe qui n’ont pas d’obligation en la matière, n’étant pas juridiquement impliquées dans le PSE. Or l’entreprise qui mène le PSE doit tout de même proposer ces postes… « L’obligation de reclassement n’est pas une obligation de résultats en tant que telle, mais une obligation de résultats quant aux moyens à mettre en œuvre », analyse l’avocat.

3. Quid des plans de départs volontaires ?

Le 26 octobre 2010, la Cour de cassation a jugé que le plan de départs volontaires de Renault n’avait pas à comporter de mesures de reclassement interne. Mais Renault s’était fermement engagé à ne procéder à aucun licenciement, même si le nom­bre de volontaires s’avérait insuffisant. C’est donc dans cette seule configuration que le plan de reclassements n’est pas obligatoire. Les plans de départs volontaires “exclusifs” de ce type tendent d’ailleurs à se développer, remarque Emmanuelle Rivez-Domont.

En cas de plan “mixte”, comprenant une phase de volontariat et, le cas échéant, des licenciements contraints, prévoir un plan de reclassement interne reste obligatoire. De plus, « si les départs volontaires nécessitent des mutations de personnel sur les postes libérés impliquant des modifications de contrat de travail, l’entreprise pourra alors se voir obligée d’ouvrir un PSE en cas de refus de plus de 10 salariés », complète Elisabeth Laherre.

Le reclassement à l’étranger facilité… ou pas

→ Depuis la loi du 18 mai 2010, l’employeur qui fait un PSE doit demander préalablement aux salariés s’ils acceptent de recevoir des propositions hors de France, et leurs éventuelles restrictions – par exemple en matière de localisation ou de rémunération. Une façon d’éviter les offres « indécentes » dans les pays à bas coûts – mais dont l’absence de mention a pu coûter très cher aux entreprises, comme Olympia (lire Entreprise & Carrières n° 982, 22 décembre 2009) – et de faciliter la procédure de reclassement individuel, estime Stéphane Béal. Mais attention, prévient l’avocat, « la loi n’exonère pas l’entreprise de rechercher et de lister dans le PSE les postes disponibles à l’étranger ».

→ Pour Me Emmanuelle Rivez-Domont, cette modification législative n’est pas sans inconvénient : « Il peut y avoir des difficultés d’interprétation des souhaits des salariés. De plus, cela les oblige à arbitrer sur quelque chose qu’ils ne connaissent pas, puisqu’ils ne savent pas quels sont les postes disponibles. Ils risquent du coup de manquer des opportunités. »

Auteur

  • E. S.